- Népal
- Martyr’s Memorial League
Le match que vous n’avez pas regardé : Nepal Police – Nepal Army
Un championnat-éclair, des flics contre des militaires, un renversement de situation rocambolesque, un chèque de 79 euros et un rêve de titre qui se dessine. Tout ça, c’était le departemental derby entre la police et l’armée népalaises, et c’est le match que vous n’avez pas regardé.
Nepal Police Club 2-4 Tribhuvan Army Club
Buts : Buddha Bal Tamang (20e), Man Bahadur Parihar (58e) pour les Cops // Suman Aryal (34e), Nawayug Shrestha (77e, 85e), Sudil Rai (89e) pour le TAC
Mais que diable peuvent donc avoir en commun le PSG et la première division népalaise ? C’est simple, ils sont tous les deux liés à Qatar Airways. Pour le premier, la compagnie aérienne officie en tant que sponsor premium et pour le second, en tant que mécène du championnat. Depuis le début de la saison, le sponsor maillot du FC Barcelone et de l’AS Rome a en effet déboursé 150 000 dollars pour ajouter son nom à la Martyr Memorial’s League. Une dénomination qui fait référence à la dizaine de personnes exécutées sous la dynastie Rana, qui a régné sur le royaume du Népal en 1846 et 1851 et que l’on célèbre depuis chaque 29 janvier. Enfin, au Népal, on dit plutôt le 16 magh, car la république himalayenne possède en effet son propre calendrier, le Bikram Sambat. Pour faire simple, il comprend douze mois, lesquels comprennent entre 29 et 32 jours, avec très précisément 56,7 ans d’avance sur le calendrier grégorien. Ce dimanche 2 février (19 magh) se jouait la fin de la dixième journée de la saison 2019-2020. Enfin, 2076 plutôt.
Deux stades, une seule phase
On connaissait les saisons classiques et les saisons calendaires, bienvenue au Népal, où le championnat ne dure que deux mois puisque les quatorze participants ne s’affrontent qu’une seule fois ! Ceci dit, on aurait du mal à parler d’inéquité par rapport au terrain puisque les clubs de la Martyr Memorial’s League sont répartis dans deux stades : l’un à Katmandou, l’autre à Patan, dans la périphérie de la capitale. Comme à Gibraltar, jouer à domicile équivaut donc à jouer à l’extérieur et inversement. Démarré à la mi-décembre 2019, le championnat sera légèrement décalé à compter de la saison 2077. La Fédération népalaise a en effet fixé le 1er novembre comme date du coup d’envoi des hostilités. Dit autrement : rien à se mettre sous la dent à partir du mois de janvier et pour les dix mois qui suivront. Quoique, pour patienter, les Népalais auront toujours de la Premier League à boulotter. Comme chez les voisins indiens, le championnat anglais jouit d’une grande popularité au sein de ce pays de 29 millions d’habitants, où le football a été érigé en sport-roi, détrônant même le très populaire cricket.
Dans un pays où la montagne occupe 83% du territoire, il est assez difficile d’organiser un championnat national. Une tentative a pourtant eu lieu, mais celle-ci a périclité en 2015. C’est pourquoi aujourd’hui, toutes les équipes de D1 sont basées dans la vallée de Katmandou, où le terrain est relativement propice à la tenue de matchs de football. La particularité de celui qui nous intéresse est qu’il concerne les équipes de deux corps de métiers bien particuliers : la police et l’armée, qui les administrent, sans pour autant ne compter que des policiers et des soldats dans leurs effectifs. Cependant, ce sont les seuls clubs de D1 népalaise (avec celui des forces paramilitaires) à ne compter aucun joueur étranger dans leur noyau. Ailleurs, chacun a droit à trois jokers (principalement des Camerounais et des Nigérians), en plus d’un joueur dit « ASACR » , en référence à l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale. Pour le reste, rien que du local. Un moyen pour les joueurs népalais de se mettre en avant dans une compétition de haut niveau malgré son statut amateur.
Puissance quatre
Concernant le palmarès, le Nepal Police Club compte cinq titres nationaux, bien que son plus grand fait d’armes se trouve en 2007, lorsqu’il atteint la finale (perdue contre les Kirghizes du Dordoi Bichkek) de la Coupe du Président de l’AFC, une compétition continentale réservée aux clubs des nations asiatiques les plus faibles. En face, le Tribhuvan Army Club brille avant tout en cricket et en volley-ball. Mais cette saison 2076 pourrait bien être celle d’un premier sacre historique en football. Au coup d’envoi, le TAC ne compte qu’un point de retard sur le Manang Marshyangdi Club, champion en titre. Pourtant, la partie commence bien mal : malgré la présence de nombreux militaires en treillis dans les gradins du stade Dasarath Rangasala de Katmandou, les flics ne se laissent pas démonter et ouvrent rapidement le score grâce à une tête décroisée de Buddha Bal Tamang, à la réception d’un coup franc signé Soujan Rai. Mais le TAC n’est pas la meilleure attaque du championnat pour rien et malgré un schéma résolument tourné vers l’avant, c’est sur un copier-coller du but adverse que Suman Aryal égalise un quart d’heure plus tard.
Ce match se joue avec la tête, et Man Bahadur Parihar le prouve avec ce coup de casque piqué qui redonne l’avantage à la police peu avant l’heure de jeu. Frustrant pour l’armée qui s’arroge pourtant la possession et se crée les meilleures occasions. Une domination que l’international Nawayug Shrestha (26 sélections avec le Népal) va finalement concrétiser en huit minutes avec un doublé mérité et qui lui vaudra le titre d’homme du match, assorti d’un chèque de 10 000 roupies népalaises (environ 79 euros) après le coup de sifflet final. De la tête d’abord (évidemment), puis d’une superbe frappe en pivot contre laquelle Roshan Khadkha, complètement abandonné par sa défense, ne peut rien faire. Entré en jeu à vingt minutes du terme, Sudil Rai scelle une bonne fois pour toute la domination des siens et leur permet de regagner la tête du classement à trois journées du terme. Trois journées pendant lesquelles il faudra se battre jusqu’au bout pour assurer un premier titre qui serait assurément historique.
Nepal Police Club (4-5-1) : Roshan Khadkha – Ajit Bhandari, Anjan Rai, Man Bahadur Parihar, Prabesh Kunwar – Buddha Bal Tamang (Suman Subedi, 83e), Hem Tamang (Bhola Nath Silwal, 90e +1), Ravi Shankar Paswan, Soujan Rai, Tej Tamang – Nir Kumar Rai. Entraîneur : Ananta Raj Thapa.
Nepal Army (4-2-4) : Bikesh Kutu – Bikash Khawas, Bikash Tamang, Suman Aryal, Youddha Shahi (Sudil Rai, 71e) – Santosh Tamang, Sesehang Angdembe – Bharat Khawash, Dinesh Henjan (Bahadur Budathoki, 59e), George Prince Karki (Bibek Basnet, 61e), Nawayug Shrestha. Entraîneur : Nabin Neupane.
Par Julien Duez
Photos : GoalNepal.com