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Le match que vous n’avez pas regardé : Mulhouse-Schiltigheim
Un fond de coronavirus, un petit derby qui n’en est pas vraiment un, un kop sur un parking, 168 jours de disette et un double retournement de situation avorté dans le money time. Tout ça, c’était le duel alsacien entre Mulhouse et Schiltigheim et c’est le match que vous n’avez pas regardé. Et que vous n’auriez pas pu regarder de toute façon.
FC Mulhouse 1-0 Sporting Club Schiltigheim
But : Brahmia (40e) pour le FCM
Ah, Mulhouse. Son zoo, sa Tour de l’Europe, son musée de l’auto et de la peinture sur étoffe et… son coronavirus. Cela fait maintenant une semaine que la préfecture haut-rhinoise est sous le feu des projecteurs, depuis qu’on a découvert que l’épicentre hexagonal de l’épidémie qui ravage actuellement la planète y était situé. Et alors que chez les pros, la Ligue a décidé de reporter le duel entre Strasbourg et le PSG, trois divisions plus bas, en National 2, un huis clos a été décrété pour le petit derby alsacien entre le FC Mulhouse et Schiltigheim. Dommage pour les fans de sport qui, après avoir appris le report du match crucial de hockey sur glace entre les Scorpions et les Gothiques d’Amiens, suivi de celui de l’équipe de volley féminine, ont vu s’envoler leur dernière chance de voir des athlètes transpirer dans leur ville pendant le week-end.
Les irréductibles derrière les barreaux
Ceci dit, à quelques minutes du coup d’envoi, le Stade de l’Ill, du nom de la rivière qui traverse Mulhouse, sonne à peine plus creux que d’habitude. Loin des grandes heures où les partenaires de Manfred Kaltz croisaient le fer en première division, le FCM végète depuis quasi deux décennies dans les ligues amateurs. Et à en croire plusieurs habitués, les matchs à domicile peinent à rassembler plus de quelques centaines d’aficionados. Aurait-on pu espérer davantage pour cette énième tentative de première victoire à domicile depuis le début de la saison, face à un voisin bas-rhinois qui plus est ? « Pas vraiment, tranche un employé du club. Le seul rival costaud du FC Mulhouse, c’est Strasbourg. Et la dernière fois que les deux équipes se sont affrontées, c’était en 2012, après la rétrogradation administrative du Racing. » D’après un confrère de la presse locale, comptant parmi les rares privilégiés à avoir eu l’autorisation de pénétrer dans l’enceinte, « c’est la dernière fois qu’on a vu le Stade de l’Ill plein à craquer. Il devait y avoir 12 000 personnes pour voir le FCM de Dimitri Liénard et Pascal Johansen réussir à faire match nul. »
Mais Schiltigheim ? Bof… Le club de la banlieue strasbourgeoise n’est pas vraiment perçu comme un rival. Même chose avec Colmar, pourtant voisin haut-rhinois, mais que les Mulhousiens peinent à considérer comme un club historique, en comparaison avec le leur. Et pourtant, Schiltigheim, ce n’est pas n’importe qui. 168 jours plus tôt, les Vert et Blanc se faisaient battre 3-1 dans leur Stade de l’Aar par… Mulhouse justement. Et depuis ces 168 jours, les FCMistes n’ont plus gagné une seule fois et sont désormais englués dans les profondeurs de leur poule. Mais alors que les agents de sécurité opèrent un contrôle minutieux devant l’entrée, quelques irréductibles supporters contournent l’enceinte et viennent se poser sur le parking qui jouxte le grillage de la tribune arrière-but. Ils sont loin, mais c’est mieux que rien. Coronavirus ou pas, le club passe avant tout.
Grand soir, petit comité
Malgré une semaine de trêve, les Mulhousiens sont sur une dynamique positive puisqu’ils restent sur un match nul arraché sur la pelouse de Bobigny, troisième de ce groupe A. Mais enchaîner deux matchs sans défaite, ce serait une première cette saison. Pourtant, dans le silence de mort du Stade de l’Ill, les locaux prennent très vite l’ascendant. Coup sur coup, Reda Taqtak et Mehdi Bouhabila manquent le cadre et symbolisent la domination bleu et blanc. Pour récompenser leurs efforts, Xavi Puerto adresse un superbe centre que Farez Brahmia reprend d’un puissant coup de casque. L’ancien de Lyon-Duchère fait mouche, qui plus est face au kop du parking, lequel répond à coups de grands phares, de clignotants et de klaxons. Quelques têtes brûlées font exploser des pétards en prime, histoire de montrer qu’ils sont bien là. Pendant la mi-temps, la sono crache ses tubes légèrement plus fort que pendant l’échauffement. Après tout, les courageux ont le droit de profiter un peu de l’ambiance.
Au retour des vestiaires, les hommes d’Eric Descombes ne lèvent pas le pied. Mais Puerto n’arrive pas à placer le sien correctement pour faire le break. Même chose avec Olavio Gomes qui se rate dans le dernier geste après un rush en solitaire époustouflant. Mulhouse vacille, d’autant plus que Brahmia, le buteur, doit sortir sur blessure, rapidement suivi par son capitaine Samir Kecha. Pour assombrir encore plus le tableau, le défenseur Mouhameth Sané écope d’un rouge direct à dix minutes du terme, à la suite d’un tacle de boucher qui aura tout de même cassé en deux le protège-tibia de son adversaire.
Double douche écossaise
Et c’est là que Schiltigheim, presque invisible depuis le coup d’envoi, se dit qu’il y a un coup à jouer pour ramener un point fastidieux. Contre toute attente, les voisins bas-rhinois jouent crânement leur chance et Pfrimmer trompe finalement N’Doye dans le temps additionnel. Tout s’écroule pour Mulhouse… jusqu’à ce que l’arbitre invalide le but pour une charge du Schilikois sur le portier sénégalais. L’atmosphère devient irrespirable malgré les tentatives d’éloignement du coronavirus.
Deux minutes plus tard, Genghini profite d’un cafouillage défensif pour tromper N’Doye d’une tête décroisée qui termine dans le petit filet opposé… mais l’arbitre-assistant avait levé son drapeau. Hors-jeu, nouveau but annulé. Pas le temps pour les esprits de s’échauffer, M. Apruzzese met fin aux débats, et Mulhouse renoue avec le succès face à sa victime préférée, 168 jours plus tard. Sur le parking, le concert de klaxons et de pétards recommence de plus belle et les irréductibles ont même droit à une ovation de leurs joueurs… à cinquante mètres du grillage. Mieux vaut ne prendre aucun risque et se limiter au virus de la victoire cette fois-ci.
Par Julien Duez, à Mulhouse
Photos : FC Mulhouse