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Le match que vous n’avez pas regardé : Lusitanos Saint-Maur – SC Bastia
Dans un passé récent, le Sporting Club de Bastia jouait une finale de Coupe de la Ligue au Stade de France. Mais cela paraît très loin depuis le dépôt de bilan du club corse à l’été 2017. Aujourd’hui, place au National 2 et des stades avec une piste d'athlétisme entre la seule tribune et le terrain, comme à Saint-Maur, dans le Val-de-Marne.
US Lusitanos Saint-Maur 2-1 SC Bastia
Buts : Viegas (54e), Kleisch (90e+2) pour Saint-Maur // Diong (74e, s.p.) pour Bastia
D’habitude, l’US Lusitanos Saint-Maur n’attire pas les foules. Sauf que ce samedi après-midi, le match de championnat n’est pas un match comme les autres : le club franco-portugais du Val-de-Marne reçoit le Sporting Club de Bastia. Alors, quand la rencontre est sur le point de démarrer, une grande file d’attente s’étire encore le long du guichet du stade Adolphe-Chéron. On entend parler portugais chez les locaux, on distingue l’accent corse chez les visiteurs, deux Allemands avec chacun une écharpe bleue autour du cou ont même fait 500 bornes à destination de Saint-Maur pour supporter Bastia ! Mais, au fait, pourquoi le SCB se retrouve à jouer en banlieue parisienne, après s’être déplacé trois fois dans l’Est (Mulhouse, Haguenau et Belfort) depuis le début de saison ?
Le pont aérien de Bastia
Retour deux ans et demi en arrière. L’été 2017 sonne comme une petite mort pour le Sporting. Contraint de déposer le bilan, le club corse passe de la Ligue 1 au National 3. Après avoir raté de peu la montée lors de la première saison de la reconstruction, les hommes de Stéphane Rossi ont obtenu leur accession en N2 la saison dernière. Ce qui aurait pu signifier retrouver Marseille Endoume, l’équipe qui avait terminé juste devant le SCB à l’issue lors de la saison précédente. Et donc des retrouvailles épicées à la suite de la bagarre générale en tribune avant le match Endoume-Bastia en janvier 2018. Alors, les dirigeants corses ont demandé, par précaution, à ne pas figurer dans la poule avec les clubs de la ligue Méditerranée. Requête acceptée par la FFF.
Voilà comment le SC Bastia se retrouve dans le groupe A du National 2, face à des clubs franciliens, alsaciens et surtout face au CS Sedan-Ardennes. Les Sedanais ont gagné à Furiani début septembre et comptent trois points d’avance sur les Bastiais avant cette 9e journée. Le déplacement chez les Lusitanos ? Sur le papier, même avec des absents dont le capitaine Gilles Cioni, Bastia est favori. Mais c’était compter sans deux faits de jeu qui allaient complètement changer la donne. 5e minute : le dernier défenseur bastiais Samuel Guibert tire le maillot de l’attaquant adverse : carton rouge. 28e minute : le gardien bastiais Anthony Martin sort de ses cages pour aller à la rencontre de Kapo Sylva, il ne touche pas le ballon, l’attaquant s’écroule : deuxième carton rouge. On joue depuis 28 minutes, et le SCB se retrouve à neuf contre onze. Bref, le tableau d’affichage ne demande qu’à se faire déflorer.
Bastia tient et marque à neuf contre onze
Vu la tournure des évènements, le kop bastiais a eu le temps de monter en gamme envers l’arbitre : « Le Stabilo (pour le maillot jaune fluo, N.D.L.R.), commence pas les conneries ohhh ! » ; « L’arbitre, t’es un homme mort ! » … Entre les chants en corse et les encouragements au rythme d’un tambour animé par le groupe Diaspora Turchina, les joueurs locaux ont aussi droit à un répertoire complet : du plus drôle ( « Faites rentrer Pauletaaaa » ) au plus hardcore ( « que des sans-papiers dans cette équipe » , « il faut les tuer » ) en passant par du classique ( « oh le 7, y a le retour à Furiaaani » ). Au premier rang de l’orchestre figure Jonathan, un barbu avec le sweat du SCB, parti en voiture de Champagne à 8h du matin. La chute de son club au niveau amateur, il ne l’a toujours pas digérée : « Les neuf salopards, je leur souhaite la mort, sans doliprane » . Jonathan en veut à l’ancien président Pierre-Marie Geronimi et ses associés : l’équipe dirigeante qui a envoyé le club dans le mur.
En attendant de retrouver un jour sa place au niveau professionnel, le Sporting Club de Bastia doit tenir avec deux joueurs en moins face aux assauts parisiano-portugais et la doublette d’attaque Farid Beziouen-Bafodé Dramé. En début de seconde période, c’est finalement le défenseur central Valter Viegas, alias David Luiz, qui trompe d’un coup de tête Sébastien Lombard, le gardien bastiais entré en jeu à la suite de l’expulsion du titulaire (1-0, 54e). À onze contre neuf et avec des adversaires qui s’épuisent au fil des minutes, que peut-il arriver désormais à l’US Lusitanos ? Trois fois rien, juste concéder un penalty à un quart d’heure de la fin du match (Guillaume Sert heurte Kevin Schur en sautant avec le pied en avant). Et le Bastiais Maguette Diongue se fait un plaisir de convertir le péno en ouvrant son pied gauche (1-1, 74e).
Tout ça pour ça
Le score ne bouge pas jusque dans le temps additionnel. Après avoir tenu le choc à neuf contre onze pendant plus d’une heure et alors qu’il ne reste que quelques secondes avant le coup de sifflet final, que peut-il arriver désormais au SC Bastia ? Bah, se prendre un but de renard signé Philipo Kleisch, surnommé « Pipo » sur la feuille de match, cela ne s’invente pas. Le numéro 11 de Saint-Maur déboule au second poteau pour claquer les ficelles. Celui qui s’était fait charrier toute la première période sur son aile gauche à chaque fois qu’il passait devant le kop turchinu en profite – après avoir fêté le but de la victoire avec ses coéquipiers – pour mettre ses mains derrière les oreilles en regardant les supporters visiteurs. La cerise sur le gâteau d’une défaite rageante pour les Bastiais.
Au stade Adolphe-Chéron, l’US Lusitanos a battu le SC Bastia 2-1. Après le match, Jonathan, le Corse de Champagne, a échangé des « fils de pute, je t’attends à la sortie » avec un joueur des Lusitanos qui passait devant lui sur le terrain. C’était sans se douter de ce qui allait se passer quelques minutes plus tard, à la sortie du stade. Des supporters corses ont été agressés par cinq hommes cagoulés, un blessé a fini l’après-midi à l’hôpital. Prochain déplacement de Bastia : Bobigny, en Seine-Saint-Denis. En attendant, Sedan a pris six longueurs d’avance en tête de la poule.
US Lusitanos : Bouchard – Autret, Sert, Viegas, Dasse (Vetier, 46e) – Sylva, Gnahoré, Niakaté (Boudjemaa, 40e), Kleisch – Beziouen, Dramé (Sylla, 79e). Entraîneur : Bernard Bouger.
SC Bastia : Martin – Coulibaly, Guibert, Le Cardinal – Moretti, Vincent, Salles (Lombard, 30e), Quemper, Schur (Ben Saada, 90e), Diongue – Esthimi (Bourouis, 68e). Entraîneur : Stéphane Rossi.
Par Florian Lefèvre, à Saint-Maur