- Îles Fidji
- Champion vs Champion
Le match que vous n’avez pas regardé : Labasa-Ba
Un trophée d’avant-saison, un cadre paradisiaque, un match aller surprenant, un policier décisif et la fin d’une disette longue de quinze ans. Tout ça était au programme du Champion versus Champion, le match que vous n’avez pas regardé.
Labasa 2-1 Ba
Buts : Ratu Apenisa Anare (36e, 90e) pour les Babsiga Lions // Micah Tommy (59e) pour les Men in Black
Aaaah, les îles Fidji ! Un nom qui, par le froid polaire qui recouvre actuellement la France, suffit à s’évader immédiatement vers un climat plus clément, des plages de sable fin à perte de vue, sur lesquelles on se prélasserait sans fin à l’ombre des palmiers, les doigts de pieds en éventail, arrosés du clapotis de l’eau tiède et turquoise de l’océan Pacifique Sud. Évidemment, comme chacun le sait, le sport roi de cet archipel aux 322 îles s’appelle rugby et particulièrement sa version à sept, laquelle a offert la seule médaille d’or olympique du pays aux Jeux de Rio, en 2016. Néanmoins, sur les 900 000 habitants que compte la population locale, quelque 35 000 passionnés de ballon rond tâtent le cuir tous les week-ends, à en croire le dernier recensement établi par la Fédération. Et les plus talentueux d’entre eux se trouvent à Ba, une petite ville de l’Ouest de Viti Levu, la principale île des Fidji.
Les Men in Black, comme on les surnomme, possèdent en effet l’armoire à trophées la plus garnie du pays. Jugez plutôt : 21 titres de champion, 8 coupes nationales, 22 championnats inter-districts et, à l’échelle continentale, une finale de Ligue des champions océanienne, perdue en 2007 contre les Néo-Zélandais de Waitakere United. Tiens, mais au fait, c’est quoi le championnat inter-districts ? Eh bien aux îles Fidji, c’est tout simplement le tournoi le plus important de l’année puisque, contrairement au championnat, il inclut tous les districts du pays. Et avant chaque saison, qui débute au mois de février, le vainqueur du championnat inter-districts affronte celui de la Premier League fidjienne dans une double confrontation au nom ronflant : le trophée Champion versus Champion. Pour l’édition 2020, Ba, champion national, affronte Labasa, champion inter-districts. Soit un replay de la toute première édition, disputée en 1992. Gros duel en perspective donc.
Un tour de chauffe nul et vierge
Et pour cause, face aux Men in Black, Labasa fait figure de Petit Poucet : en dépit de leur statut de représentants de la plus grande ville de Vanua Levu (la deuxième plus grande île des Fidji), les Babsiga Lions ont un palmarès nettement moins garni que celui de leurs adversaires : deux championnats nationaux, deux inter-districts et quatre coupes. Cependant, ils peuvent se targuer d’avoir formé Roy Krishna, le seul international fidjien à avoir joué à l’étranger dans un club professionnel, au Wellington Phoenix, dont il a porté les couleurs à 122 reprises, entre 2014 et 2019. Aujourd’hui, Krishna a 32 ans et évolue en Inde, à l’Atlético de Kolkata, et son ancien club ne compte aucun gros nom, hormis peut-être l’international des îles Salomon Dennis Ifunaoa.
Contrairement au Trophée des champions français, la version fidjienne se joue en deux manches. Et la première s’est, à la surprise générale, terminée par un score nul et vierge sur la pelouse du Churchill Park de Lautoka. Malgré tous leurs efforts, les recrues phares de Ba, Samuela Drudru et Benjamin Totori, n’ont pas réussi à percer le verrou de la défense compacte de Labasa. Ce qui permet aux Babsiga Lions de garder espoir avant le match retour. D’autant plus que le gardien des Men in Black, Beniamino Mateinaqara, sera absent pour le second acte après être sorti au cours de la deuxième mi-temps, victime d’une blessure à la cuisse.
Doublé policier
Jour de match au Ratu Cakobau Park. On est dimanche, il est 15 heures à Nausori, 4 heures en France. Devant l’entrée du stade, où la place coûte dix dollars fidjiens (soit environ cinq euros), ils sont 3500 à se placer dans les tribunes en bois coloré pour assister à ce dernier match d’avant-saison. Le soleil est au rendez-vous, les alizés font légèrement danser les feuilles des palmiers qui entourent l’enceinte, bref, le temps est parfait pour jouer au football, même si la pelouse paraît quelque peu desséchée, au vu des images qui semblent tournées avec un téléphone portable. Dès le coup d’envoi, on sent que la tension est palpable. Ba manque encore de précision. Les automatismes ne semblent pas encore là, après l’important mercato qui a agité le club cet hiver. En face, Labasa joue sans complexe. Les joueurs de Ronil Lal se connaissent bien et osent regarder le mastodonte qui leur sert d’adversaire droit dans les yeux. Si les gardiens multiplient les parades acrobatiques d’un côté comme de l’autre, force est de constater que les défenses sont friables. Il faut donc en profiter.
Et c’est exactement ce que fait Ratu Apenisa Anare peu après la demi-heure de jeu. Profitant d’un coup franc tiré au ras du sol et mal renvoyé par le mur de Ba, le milieu de terrain, policier dans le civil, envoie une frappe en pivot qui vient nettoyer la lucarne de Misiwani Nairube. Lasaba mène logiquement à la pause, mais voit ses espoirs douchés par un numéro de soliste de Benjamin Totori qui, après avoir déposé trois défenseurs, sert Micah Tommy à l’entrée des six mètres. Le jeune international du Vanuatu, arrivé la saison dernière avec le statut de golden boy océanien, se jette à corps perdu pour envoyer le ballon au fond des filets. C’est superbe, mais tout est à refaire pour les Babsiga Lions. Peu à peu, les esprits s’échauffent. En témoigne ce carton rouge reçu par Sitiveni Rakai (jeux de mots interdits), expulsé trois minutes à peine après avoir remplacé Siotame Kubu. Heureusement pour Labasa, M. Singh va sortir un deuxième bristol sous le nez de Praneel Naidu peu avant le temps additionnel. Et à dix contre dix, c’est finalement Ratu Apenisa Anare qui va devenir le héros du match, en reprenant à la toute dernière minute un centre de Taniela Waqa, complètement esseulé au second poteau. C’est en portant haut le chèque de 5000 dollars fidjiens promis au vainqueur que Labasa soulève son quatrième trophée Champion versus Champion. Dans les tribunes, un homme se gratte la tête : c’est Ricki Herbert, ancien international néo-zélandais, devenu par la suite sélectionneur des All Whites et des Maldives. À partir du 1er février, il prendra les commandes de Ba. Avec le défi obligatoire d’en refaire le champion incontesté des îles Fidji.
Labasa : Akuila MATEISUVA (Asaeli BATIKASA, 82e), Lino ILIESA, Ashnil RAJU, Siotame KUBU (Sitiveni RAKAI, 78e), Ilisoni LOLAIVALU, Ravnesh SINGH, Ratu Apenisa ANARE, Akeimi RALULU, Ilisoni TUINAWAIVUVU, Atonio TUIVUNA, Taniela WAQA. Entraîneur : Ronil LAL.
Ba : Misiwani NAIRUBE, Ilimotama JESE, Micah TOMMY, Darold KAKASI, Abbu ZAHID, Benjamin TOTORI, Kishan SAMI, Malakai RAKULA (Simione NABENU, 34e), Samuela DRUDRU (Sanaila WAQANICAKAU, 58e), Praneel NAIDU, Laisenia NAIOKO (Manasa NAWAKULA, 78e). Entraîneur : Shalen Vikash LAL.
Par Julien Duez, malheureusement pas aux Îles Fidji
Photos : Fidji Football FA