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Le match que vous n’avez pas regardé : Deportivo Saprissa-LD Alajuelense

Par Julien Duez
5 minutes
Le match que vous n’avez pas regardé : Deportivo Saprissa-LD Alajuelense

Un petit pays, deux grandes équipes, un immense Clásico retransmis sur une chaîne publique, un palmarès époustouflant, un chanteur guatémaltèque, une ouverture tonitruante, un réveil trop tardif et une histoire qui se répète. Tout ça, c'est le classique du football costaricien entre Saprissa et Alajuelense et c'est le match que vous n'avez pas regardé.

Deportivo Saprissa 3-1 LD Alajuelense

Buts : Angulo (1e), Ramírez (25e), Venegas (42e) pour les Morados // McDonald (77e sp) pour les Manudos

Au Costa Rica, le gâteau se partage en deux parts. D’un côté, le Deportivo Saprissa, basé dans la capitale San José et fondé en 1935, qui compte trente-trois championnats (record du pays), dix coupes nationales et trois Ligues des champions de la CONCACAF. De l’autre, la LD Alajuelense, basée à Alajuela, la deuxième ville du Costa Rica, et fondée en 1919. Si elle détient la particularité de ne jamais avoir été relégué en deuxième division, elle doit se contenter du titre officieux de dauphin de Saprissa puisqu’il ne compte « que » vingt-neuf championnats, huit coupes nationales et deux Ligues des champions.

Dès lors, on comprend aisément que ces deux-là drainent pas moins de 85% des fans de football du pays. Exceptionnellement délocalisé, ce 357e Clásico disputé ce dimanche s’annonçait bouillant, d’autant que pour cette 7e journée de la clausura, l’enjeu est de taille, puisque les deux équipes sont à égalité et que la première place est promise au vainqueur.

L’étonnant señor Saprissa

Si certains clubs sont profondément associés à l’image d’une entreprise, le Deportivo Saprissa va encore plus loin puisqu’il tire son nom du patronyme d’un homme : Ricardo Saprissa. Né en 1901 au Salvador de parents catalans, il rejoint l’Espagne dans les années 1920 et il se révèle très vite doué en sport, puisqu’il remporte pêle-mêle la Coupe du Roi avec l’Espanyol Barcelone, quelques matchs de tennis aux Jeux olympiques de Paris en 1924 et en Coupe Davis, ainsi qu’une autre Coupe du Roi, mais en hockey sur gazon cette fois-ci.

Lorsqu’il rejoint son frère au Costa Rica en 1932 pour se lancer dans une affaire de textile, il a déjà une petite réputation qui lui colle à la peau. D’autant plus qu’il officie un temps comme entraîneur-joueur de l’Orión FC et même de la sélection nationale. Alors, quand des gamins de San José lui demandent de sponsoriser le club de leur quartier, il accepte avec joie de transformer ce qui était une simple académie pourvoyeuse de talents en un mastodonte du football ticos, qui gravira les échelons avant de devenir le plus grand club du pays. Le nom est resté, l’héritage aussi.

Priorité à la chanson

Resté président d’honneur du club qui porte son nom jusqu’à sa mort en 1990, Ricardo Saprissa a logiquement légué son patronyme au stade où réside le club de San José. Mais pour ce rendez-vous de 2018, le terrain était indisponible. La raison ? La tournée du chanteur guatémaltèque Ricardo Arjona, en tournée dans toute l’Amérique centrale et pour deux dates au Costa Rica.

Qu’à cela ne tienne, les dirigeants du Saprissa ont trouvé une solution de repli au stade national de San José. Les billets vendus à partir de 4000 colóns (la monnaie nationale, baptisée d’après Christophe Colomb, qui a découvert le Costa Rica lors de son troisième voyage), soit un peu moins de six euros, ont rapidement trouvé preneurs et c’est dans un Estadio Nacional en pleine ébullition que débarquent les vingt-deux acteurs. Au bout de cinquante secondes seulement, Marvin Angulo commence les hostilités par une frappe lobée à vingt-cinq mètres qui trompe Adonis Pineda et lance le Monstruo Saprissa.

The show must go on

Dans une ère de football de plus en plus privatisée, le Clásico se la joue marginal et est retransmis gratuitement à la télévision publique. Très vite, le matraquage publicitaire des sponsors est oublié, et la frénésie des commentateurs prend le dessus, ces derniers allant jusqu’à utiliser un écho dans leur micro pour célébrer chaque but. Et des buts, il y en aura eu pendant la première période, entièrement dominée par Saprissa. De passeur pour Angulo, David Ramírez se transforme en buteur vingt minutes plus tard en reprenant du bout du pied, un corner quasi rentrant et mal négocié par la défense d’Alajuelense. Explosion de joie et satisfaction personnelle pour l’ancien d’Évian Thonon Gaillard qui inscrit son cinquième pion de la clausura. Le coup de grâce est porté juste avant la mi-temps par l’international de la Sele Johan Venegas. Après avoir remporté son duel face à Pineda, il file vers les supporters et les gratifie de son sourire Colgate lardé d’un épais appareil dentaire.

Pour Alajuelense, la rencontre vire au cauchemar, d’autant plus que les visiteurs doivent composer avec la sortie sur blessure du défenseur central Esteban Marín et l’expulsion du latéral gauche Christopher Meneses. Pas de quoi aider à revenir au score, malgré un penalty sereinement transformé à l’entame du dernier quart d’heure par le vétéran Jonathan McDonald. Le dernier quart d’heure marque le retour au pays de l’enfant prodige du football costaricien Christian Bolaños, arrivé gratuitement cet hiver des Whitecaps de Vancouver et qui a rejoué ses premières minutes sous le maillot de Saprissa. Un bien beau come-back qui se solde par la 142e victoire de son club formateur face au rival, qui n’en compte « que » 112. Du football-démesure à l’état pur.

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Par Julien Duez

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