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- Churchill Brothers-Minerva Punjab (2-1)
Le match que vous n’avez pas regardé : Churchill Brothers-Minerva Punjab
Un championnat parallèle, un déplacement de 2000 kilomètres du nord au sud de l'Inde, un Cristiano Ronaldo venu tout droit du Bhoutan et même un Franco-Sénégalais globe-trotter. Tout ça, c'est le choc des extrêmes entre les Churchill Brothers et le Minerva Punjab. Et c'est le match que vous n'avez pas regardé.
Churchill Brothers 2-1 Minerva Punjab FC
Buts : Mechac (17e sp), Vaz (45e) pour les Red Machines // Aidara (57e) pour les Warriors
Difficile pour le football de se faire une place dans un pays ultra dominé par le cricket. Pour professionnaliser le ballon rond indien, l’I-League est créée en 2007. Si elle limite le nombre d’étrangers (dont trois Asiatiques) à six par équipe (dix formations participent à l’I-League), elle ne voit pour autant pas sa popularité croître plus que cela. Alors, quand l’Indian Super League est fondée à son tour en 2014, ce sont deux premières divisions qui se font concurrence.
La première est ouverte, avec un système de montées/relégations, et offre la possibilité de participer à la Ligue des champions de l’AFC. La seconde est fermée, avec un système de franchise, suivant le modèle proposé en MLS. Une sorte de championnat « bollywoodien » , riche en stars et en paillettes, Nicolas Anelka, David Trezeguet et Florent Malouda peuvent en témoigner.
Le Ronaldo du Bhoutan
Mais en I-League, point de noms ronflants, seul l’enjeu sportif compte. En ce vendredi soir, sous la chaleur étouffante de la province de Goa, les Churchill Brothers, lanterne rouge, reçoivent le Minerva Punjab, solide leader. Pour ce choc des extrêmes, on remarque une petite poignée de supporters adverses qui ont bravé les 2000 kilomètres entre Ludhiana et Salcete. Malgré cela, l’engouement est faible et le Tilak Maidan Stadium sonne creux. Il faut dire que les Churchill Brothers (dont le nom provient d’un politicien local, qui n’a aucun lien avec Winston) possèdent en effet la plus faible affluence moyenne du championnat.
.@ChurchillB_Goa at their Pre Match warm up session! #HeroILeague #CBvMPFC pic.twitter.com/ImvbQH8iKM
— Hero I-League (@ILeagueOfficial) 2 février 2018
Le Minerva sort d’un décevant match nul contre l’East Bengal FC et espère profiter de la faiblesse actuelle de son adversaire pour consolider sa place de leader. Très vite, les visiteurs entrent dans la danse et se montrent dangereux sur le flanc gauche, celui où évolue leur star incontestable : Chencho Gyeltshen, un international bhoutanais (qui détient le record de buts marqués avec la sélection nationale : dix) que d’aucuns surnomment CG7 ou le Ronaldo du Bhoutan, en raison d’un style de jeu supposément comparable avec celui du quintuple Ballon d’or.
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— Hero I-League (@ILeagueOfficial) 2 février 2018
« Dieu te regarde »
Le match bascule dès la dixième minute, lorsque le Nigérian Monday Osagie tacle le Ghanéen William Opoku Asiedu les deux pieds décollés dans la surface. Le penalty semble indiscutable, mais M. Routh accorde un renvoi aux cinq mètres cinquante. De quoi faire enrager Ranjit Bajaj, le président du Minerva Punjab qui, tel Jean-Michel Aulas, se lâchera sur l’arbitrage via Twitter après la rencontre. « Dieu te regarde ! » , aurait-il même glissé à l’intention de l’homme en noir à la mi-temps.
All I can say Is that the referee today was FANTASTIC @ILeagueOfficial wow what a performance mr AKASH Jackson ROUTH wow you will certainly be the ref of the year and this is not the first time he has been so inspirational
— Ranjit Bajaj (@THE_RanjitBajaj) 2 février 2018
Plus de peur que de mal pour les locaux qui profitent de cette opportunité pour lancer la machine… et obtiennent un penalty sept minutes plus tard. L’Ivorien Koffi Mechac ne tremble pas face au portier népalais Kiran Chemzong et ouvre logiquement le score. Punjab semble alors décontenancé et manque de réussite tant dans le jeu que sur coups de pied arrêtés. Et les Churchill Brothers exploitent sans hésiter les failles de leurs adversaires en tentant crânement leur chance, peu importe la distance. Et ça marche ! Lorsque Wayne Vaz adresse un centre tir depuis la ligne de touche, Chemzong se troue tel Sébastien Frey face à l’Ukraine et les Goans rentrent au vestiaire avec une avance confortable (2-0).
Chèque bien mérité et tactique étrange
Pour ce but d’anthologie, Wayne Vaz sera élu homme du match, une performance qui lui rapporte un chèque de 25 000 roupies, soit 313 euros. Mais entre le moment de l’annonce, à la 85e minute et la remise du prix, il aura dû patienter pas moins de treize minutes, l’arbitre en ayant décrété huit supplémentaires, au vu du capharnaüm qui s’est déroulé sur un terrain qui ferait passer une pelouse de rugby pour un billard.
Difficile dans ces conditions pour le Minerva Punjab de recoller au score, même si Kassim Aidara redonne espoir aux siens en profitant d’un cafouillage défensif à la suite d’un service de l’inévitable GR7. Une belle récompense pour ce Franco-Sénégalais de trente ans, né en Allemagne, arrivé en Inde en septembre dernier après avoir bourlingué cinq ans en Estonie, où il obtient son plus grand fait d’armes : une finale de coupe nationale avec le JK Sillamäe Kalev.
De passeur, Chencho Gyeltshen aurait pu devenir buteur en obtenant un penalty quelques minutes plus tard à la suite d’une grossière main d’un Wayne Vaz. Mais le Bhoutanais dévisse complètement sa frappe et enfonce le clou d’une défaite annoncée. Signe de la bérézina, l’entraîneur Wangkhem Khogen Singh fait entrer le jeune Ivoirien Lago Dagbo Bei à la place de Girik Mahesh Khosla… qui avait lui-même remplacé Moinuddin Khan à la mi-temps ! En conséquence de quoi, le gardien népalais doit céder sa place à son homologue indien Rakshit Dagar, afin de maintenir le nombre de joueurs locaux requis sur la pelouse…
Victoire méritée pour les Churchill Brothers qui prennent d’un coup quatre places au classement et quittent la zone de relégation. Si les conséquences ne sont pas dramatiques pour le Minerva Punjab, ces derniers devront en revanche apprendre à gérer leur mental pour éviter ce genre de scénario-panique à l’avenir.
Par Julien Duez