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Le match que vous n’avez pas regardé : Ballinamallard-Crusaders

Par Julien Duez
Le match que vous n’avez pas regardé : Ballinamallard-Crusaders

Une première depuis 43 ans, une autre depuis une décennie, le conte de fée d’un petit village, un paquet de vétérans, un clubman heureux, un remplaçant particulièrement efficace et une licence européenne prise pour du beurre. Tout ça, c’était la finale de la coupe d’Irlande du Nord entre Ballinamallard United et Crusaders et c’est le match que vous n’avez pas regardé.

Ballinamallard United 0-3 Crusaders

Buts : Owens (7e), Lowry (47e), Clarke (53e) pour les Hatchetmen

En 2009, Crusaders remporte la troisième Irish Cup de son histoire face à son rival honni : Cliftonville. En temps normal, les deux clubs de Belfast ne s’affrontent qu’en championnat, à l’ombre des deux géants de la capitale nord-irlandaise que sont Linfield et Glentoran. Mais, alors que leur rivalité n’était à l’origine que purement sportive, celle-ci a fini par prendre une dimension nettement plus politique lors du conflit nord-irlandais qui ravagea l’île pendant la seconde moitié du XXe siècle. Aujourd’hui encore, Crusaders cultive une image de club unioniste, tandis que Cliftonville est davantage à l’image du nord de Belfast : catholique, tendance nationaliste irlandaise.

Dix ans plus tard, les Crues sont en finale pour la troisième fois depuis leur dernier sacre. Cette fois-ci, leur adversaire n’est pas le tout-puissant Linfield, c’est un petit village de tout juste 1300 âmes, niché à 130 kilomètres à l’ouest de Belfast, au coeur du comté de Fermanagh : Ballinamallard. Bordé par le fleuve Erne, on y pratique volontiers la pêche à la truite, une activité qui participe à renforcer l’image bucolique de cette bourgade au nom à rallonge et dont l’équipe de foot, fondée en 1975, s’apprête à disputer le match le plus important de son histoire.

Licence sur le buzzer

Et pour cause : après six années passées dans l’élite, Ballinamallard est logiquement retourné cette saison à l’étage inférieur, celui où il a vécu la plus grande partie de son histoire. Autant dire qu’après la qualification en finale de l’Irish Cup, c’est toute une région qui s’est enflammée pour ce petit club au blason sur lequel pose fièrement un canard sauvage, son stade qui pourrait accueillir deux fois la population du village et son entraîneur Harry McConkey, l’homme qui a ramené une équipe de D2 aux portes de la gloire pour la première fois depuis 43 ans, le tout en se payant le scalp de deux pensionnaires de D1, Dungannon Swifts et Warrenpoint Town, à chaque fois aux tirs au but. Avant de débarquer à Windsor Park, l’écrin belfastois dans lequel se déroule la finale, les dirigeants de Ballinamallard ont déposé dans l’urgence une demande de licence européenne auprès de l’UEFA, juste au cas où. Et celle-ci leur a accordé une dérogation exceptionnelle à la dernière minute. Les planètes s’alignent et les Ducks peuvent jouer leur finale à fond.

Sauf qu’en face, Crusaders, à la lutte pour une place européenne en championnat, n’est pas prêt à céder la coupe qui leur échappe depuis une décennie. « Les spectateurs neutres veulent une victoire de Ballinamallard et je le comprends parfaitement parce que ce serait un conte de fées footballistique. Sauf qu’on n’est pas dans un conte de fées » , assène ainsi Colin Coates, le capitaine des Crues, en conférence de presse. De son côté, le portier des Ducks, John Connolly, estime que « la pression repose sur les épaules de Crusaders. » Une manière comme une autre de se rassurer pour ce gardien irlandais toujours en activité malgré ses 42 ans, soit un de plus qu’un certain Roy Carroll, passé furtivement par Ballinamallard alors qu’il n’était qu’un môme encore loin de laisser une trace dans l’histoire de Manchester United.

Coller trois pions à un canard

Avec tout juste 5744 spectateurs, le chaudron de Windsor Park (20 000 places) sonne plutôt creux. Mais les supporters présents sont aussi chauds que ces machines installées sur la pelouse et qui crachent des flammes lors de l’entrée des 22 acteurs. En plein jour, l’effet n’est pas particulièrement impressionnant, mais qu’importe. Les fans de Ballinamallard sont bien trop heureux de vivre l’instant présent pour commencer à pinailler sur les animations offertes par la fédération. Sauf qu’au bout de sept minutes, Jordan Owens vient refroidir l’ambiance en crucifiant John Connolly d’une puissante tête croisée. La partie commence de la meilleure de manières pour ce Francesco Totti de Belfast qui, à presque 30 ans, est sur le point de boucler sa onzième saison avec Crusaders, le seul club de toute sa carrière.

En face, les canards ont une aile froissée et leur vol se poursuit difficilement. Logique quand on doit composer sans deux de ses meilleurs éléments : Joshua McIlwaine, suspendu trois matchs après un carton rouge reçu en championnat, et Sean McEvoy, retenu en sélection avec la République d’Irlande qui entrait la veille dans le championnat d’Europe U17 face à la Grèce (1-1). Malgré tout, le score ne bouge pas à la pause et Ballinamallard peut continuer d’y croire. Enfin, en théorie puisque Philip Lowry fait le break moins de dix minutes après le retour des vestiaires. Le petit Poucet s’accroche vaille que vaille mais sombre définitivement lorsque le remplaçant Ross Clarke enfonce le clou en plantant le troisième pion d’une puissante frappe à l’entrée du petit rectangle, sa première touche de balle du match.

Victoire nette et sans bavure des hommes de Stephen Baxter, sur le banc des Crues depuis 2005 et à ce titre, recordman de matchs dirigés avec le club, avec plus de 410 parties à mettre à son crédit. Sa défense n’a jamais été vraiment inquiétée et la sentinelle Sean Ward y est pour beaucoup, comme en témoigne le trophée d’homme du match reçu après la rencontre. A 35 ans, le natif de Belfast remporte sa troisième Irish Cup, après celles glanées avec Glentoran et Linfield. Plus que Cliftonville et Ward aura fait plaisir à tous les clubs de la capitale. Sauf si Ballinamallard parvient à le recruter d’ici là.


Ballinamallard (4-3-3) : Connolly – Taheny, Smyth, Clarke, Arkinson – Campbell, McCartney (Hume, 68e), Kelly (Warrington, 80e) – Cashel, O’Reilly, McBrien (McManus, 59e). Entraîneur : Harry McConkey.

Crusaders (4-3-3) : Doherty – Burns, Coates, Lowry, Ward – Cushley (Clarke, 52e), Caddell, Forsythe – Ruddy, Owens (Patterson, 87e), Heatley. Entraîneur : Stephen Baxter.

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Par Julien Duez

Crédit photos : IFA.

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