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Le match que vous n’avez pas regardé : América-Junior
Samedi, la finale retour de Liga Águila 2019 de clôture voyait América recevoir Junior. Un match dans tous les cas historique : une victoire, et l'América glanait son premier titre depuis 2008, une éternité pour un club si populaire et passé en deuxième division. Si Junior l'emportait, c'était le triplé pour le club de Barranquilla, après avoir gagné les tournois de clôture en 2018 et d'ouverture en 2019. Et c'est aussi le match que vous n'avez pas regardé.
América de Cali 2-0 Junior
Buts : Vieira (19e, CSC) et Sierra (34e)
Onze ans que l’América attendait ça : une finale de Liga Águila dans son stade. Onze ans, dont un purgatoire de cinq saisons en Primera B, d’où le club est revenu en 2017. Ce n’est pas pour rien si, 6 heures avant la finale, une marée rouge inonde déjà les artères principales de Cali, au sud de la Colombie. Autour du stade Pascual-Guerrero, des milliers de fans des Diablos font la fête et se chauffent. Si l’América n’affronte pas le Deportivo Cali, le grand rival, Junior de Barranquilla ne reste pas moins une équipe honnie à battre absolument, d’autant plus en finale. « En Colombie, les clubs les plus populaires sont l’Atlético Nacional à Medellín, Millonarios de Bogotá et América de Cali » , détaille Felipe, supporter des Escarlatas, qui a étudié à Toulouse. C’est dire le choc psychologique. « Mais le meilleur public, c’est celui de l’América ! » Ça ne trompe pas : dans les tribunes, des banderoles au nom des groupes de supporters issus de différentes villes fleurissent ; Pereira, Popayán et même… Barranquilla.
Le bouquet finalización
Luis, lui, n’a pas pu obtenir l’un des 45 000 billets que se sont arrachés les supporters, mais a enfilé son maillot rouge dès le matin. Son frère, qui vit à Houston, aux États-Unis, a eu son week-end pour revenir en Colombie. « On a passé beaucoup de temps en deuxième division et on est devenu la risée des autres équipes. Après tant de souffrance, on a enfin une finale et on peut gagner un titre ! »
Le topo est simple pour América et Junior. Après le nul 0-0 au Metropolitano de Barranquilla, sur la côte caraïbe, le vainqueur de ce match retour sera champion de Colombie. Avantage América, qui a fini mieux classé au général et qui reçoit pour cette nouvelle manche. Comment ces deux équipes se sont-elles retrouvées en finale ? Le championnat cafetero, qui comporte sur une saison un tournoi apertura et un finalización, est complexe, mais excitant : les deux premiers – ici, Atlético Nacional et América de Cali – se retrouvent têtes de série d’une phase appelée « cuadrangulares » , deux groupes où sont ensuite réparties les équipes classées de la 3e à la 8e place. Les vainqueurs se retrouvent alors pour la finale aller-retour. Une orgie de football, où, lors des poules, les clubs jouent tous les trois jours.
América great again
Sur la pelouse, peu de noms ronflants ou connus en Europe. Côté América, Michael Rangel, qui a bourlingué dans à peu près tous les bons clubs du pays. Pour Junior, l’avant-centre Teofilio Gutiérrez, 34 ans, passé par la Turquie et le Sporting Portugal, dont les errements sexuels et cocaïneux ne lui ont pas permis de faire la carrière qu’il lui était promise.
Une pluie de papelitos atterrit sur la pelouse à l’entrée des équipes. De la fumée rouge colore le ciel tombant sur la capitale du Valle del Cauca. Une ambiance survoltée qui permet aux locaux de prendre le ballon, de le faire tourner. Et surtout aux visiteurs de Barranquilla de s’emmêler les pieds. Au point de manquer de chance : sur un centre venu de la gauche, la tête de Rangel touche la transversale, le sol, puis le dos de Viera, le gardien. 1-0 pour l’América. Explosion écarlate du Pascual Guerrero. Sur un nouveau centre, c’est Carlos Sierra qui double le score. On joue la demi-heure de jeu, et l’América plane déjà. Téo Gutiérrez se procure bien une occasion, mais la vendange. Il va s’en arracher les cheveux.
Cali-fornication
Petite nouvelle en Liga Águila, invitée spécialement pour la finale, la VAR participe aussi à la fête. Elle sert à l’arbitre, l’expérimenté Wilmar Roldán, pour valider le but de Sierra… puis annuler celui de Junior, qui pensait avoir réduit l’écart. Le chrono s’écoule, et le trophée s’envole pour le club de Barranquilla. En seconde période, les occasions sont rares, et le score ne bouge pas. La tension monte entre les Diablos et les Tiburones (les Requins en VO). Piedrahita écope d’un deuxième jaune. Rouge. En sortant, il décoche une droite à un joueur de l’América. Le score est impossible à remonter. Le stade peut exulter !
Luis, qui n’a plus donné de réponse depuis l’après-midi, refait surface. « Pour être honnête, je me suis coupé du monde, je me suis enfermé et j’ai regardé le match seul. J’étais trop anxieux. » S’il n’a pas eu de billet, il aura l’ivresse de la victoire. Onze ans après son dernier titre, l’América est champion pour la quatorzième fois de son histoire et se rapproche de Millonarios et de l’Atlético Nacional avec 15 et 16 titres. Le Pascual-Guerrero est une fête, Cali, capitale de la salsa, va danser toute la nuit. Et plus, si ébriété.
Par Diego Calmard, à Cali