- Australie
- Brisbane Roar-Melbourne Victory (1-1)
Le match que vous n’avez pas regardé
Pour l’entame du championnat australien, Melbourne Victory avait une revanche à prendre sur Brisbane Roar, qui l’a éliminé en play-offs la saison dernière. Les Blues y ont cru quelques minutes avant de s’écrouler sur la fin... comme en play-offs.
Brisbane Roar 1-1 Melbourne Victory
Buts : DeVere (90e+6) pour Brisbane // Austin (83e) pour Melbourne
L’arbitre Shaun Evans est sûr de la décision de son assistant : il lève son bras et siffle hors-jeu. Pour Melbourne Victory, cela annihile une occasion d’ouvrir le score au Suncorp Stadium de Brisbane et sur le banc, le coach chauve de Victory écarte les bras en manifestant son mécontentement. Il faut un peu de temps avant de le reconnaître, mais après quelques secondes, il apparaît que le regard perfide de Kevin Muscat n’a pas changé depuis l’époque où il quittait le terrain, ôtant son brassard de capitaine, après avoir reçu un rouge pour un horrible tacle dont il avait le secret. Depuis 2013, l’ancien taulier de l’équipe nationale australienne occupe ainsi le poste d’entraîneur de son club de cœur. Champion national et vainqueur de la Coupe en 2015, Muscat repart cette saison avec un effectif chamboulé par une grosse dizaine de mouvements. Car oui, ce deuxième week-end d’octobre correspond à la première journée de la A-League australienne 2016-2017. Et Melbourne a un compte à régler avec son hôte de Brisbane.
Revanche à prendre
La saison dernière, alors champion en titre, Melbourne Victory a en effet été sorti au premier tour des play-offs par Brisbane Roar au terme d’un scénario fou. Ce jour-là, tout s’était ainsi joué entre la 83e et la 93e minute : expulsion de Geria (Victory), but de son coéquipier Berisha (86e), égalisation de McKay (88e) et but victorieux du rugissant Broich (93e). Du coup, ce duel d’ouverture de championnat tombe à pic pour une revanche. Daniel Georgievski en est conscient et, tout arrière gauche qu’il est, il se montre extrêmement présent offensivement en début de rencontre en balançant l’un ou l’autre exter’ du pied droit dans la surface de Brisbane, mais ni Austin ni Berisha ne peuvent en profiter. En ce début de rencontre, c’est Melbourne Victory et son logo bordelais qui prennent les devants. Sur coup franc, le défenseur central Baro place sa tête au-dessus. Pris pour le capitaine avec son brassard rouge, l’Espagnol porte en fait le même bandage que ses coéquipiers, celui du sponsor KFC. La rencontre est engagée et les locaux rentrent enfin dedans, l’occasion de découvrir le dernier rempart de Melbourne : Lawrence Thomas. Avec sa tête mi-oiseau mi-tarsier, il ne paie pas de mine, mais il s’avère très rapidement être l’homme de la première mi-temps. Ultra attentif, il ne rate aucune de ses sorties et interventions suite aux longs ballons balancés par les médians McKay, Christensen et Holman.
Neuf cartons jaunes
Après vingt minutes de jeu, les deux équipes se grouillent déjà comme si elles étaient menées, la preuve que personne ne veut laisser échapper ce duel. La rencontre n’est pas très technique, Georgievski rate une passe de l’intérieur du pied et les quatre arrières latéraux balancent des centres à la Sagna. Au milieu du terrain, un homme se distingue cependant des autres : Brett Holman. À trente-deux ans, l’ancien joueur de Feyenoord et de l’AZ a décidé de s’offrir un retour au pays quinze ans après l’avoir quitté. Il a même renoncé à l’équipe nationale pour se concentrer uniquement sur son club de Brisbane Roar et ça se voit clairement : Holman est partout, mais n’a du même coup plus beaucoup de souffle au moment où il doit cadrer son envoi. Kevin Muscat oblige, le match est musclé – neuf cartons jaunes seront distribués en tout –, mais aucun des deux gardiens n’est vraiment inquiété. À la pause, le journaliste australien fait le minimum syndical en posant deux demi-questions au premier joueur qu’il voit passer par là. Les analyses à chaud, ça ne sert à rien.
La malédiction du brassard
Les vingt-deux acteurs ne laissent pas leur engagement aux vestiaires et la deuxième période reprend avec un bon taquet. Le ton est donné. Niveau occasions, c’est Brisbane Roar qui prend le dessus : lancé en profondeur, MacLaren crochète son défenseur, mais se heurte à nouveau à l’excellent Thomas. Pas plus de réussite quelques minutes plus tard pour Thomas Broich, gros barbu au nez à la Depardieu. C’est au plus fort de la domination des locaux que la rencontre change totalement de physionomie suite – bien entendu – à une faute. Dépassé par son opposant, le capitaine Matt McKay (qui joue alors son 200e match en pro) laisse traîner le pied et prend son second carton jaune. Fou de rage, il balance son brassard au pied de l’arbitre, son coach hurle sur l’homme en noir, les fans aussi – tout en buvant leur chope –, la température monte d’un cran. Désormais à dix, les Roar voient la malédiction du capitanat s’abattre sur Jade North qui se prend le poteau en plein sur le genou dans la minute qui suit l’expulsion de McKay. Brisbane est frustré, multiplie les fautes que l’arbitre – le sosie de Klaas-Jan Huntelaar en gros – jaunit très rapidement. Sur le banc, Kevin Muscat laisse à son confrère entraîneur James Aloisi le soin de hurler son mépris envers un des seuls hommes en noir professionnels de l’A-League.
Fin dantesque
La rencontre entre dans les dix dernières minutes de son existence, ce qui amène toute personne directement liée à une des deux formations à repenser au match des play-offs en avril dernier. Après une grosse frappe de Borrow (Brisbane) au-dessus, la 83e minute s’avère à nouveau décisive pour Melbourne Victory. Suite à un centre de Ben Khalfallah – oui oui, l’ancien Bordelais –, la défense des Orangés ne parvient pas à se débarrasser du ballon et Austin en profite pour le canonner au fond des filets : les visiteurs tiennent leur vengeance. Logiquement, Brisbane Roar jette ses dernières forces vers l’avant pour tenter d’égaliser devant un kop particulièrement bruyant. 94 minutes et 39 secondes : au terme d’une longue course, Borello touche le ballon du bras en tombant au coin de la surface de Melbourne Victory. L’arbitre ne bronche pas. Le joueur se relève donc et se fait bêtement sécher par Broxham : coup franc. 95 minutes et 45 secondes : le spectre du but inscrit par Broich refait surface dans la surface de Melbourne, qui ne parvient pas à dégager facilement cette dernière phase arrêtée. Monté aux avant-postes, DeVere loupe sa tête, mais, en tombant suite à un déséquilibre, jette son pied avec tout le désespoir du monde et touche le ballon… qui s’en va lober toute la défense et rentre dans le but. Folie furieuse, bruit insoutenable, chalumeaux dans les tribunes. Brisbane Roar vient de tuer le début de saison de son adversaire.
Par Émilien Hofman