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- Itw Karl-Heinz Schnellinger
« Le match du siècle était moche pendant 90 minutes »
Il est le joueur allemand à avoir évolué le plus longtemps en Italie, onze saisons dont neuf au Milan. Surtout, il était de la partie en 1970 lors du fameux match du siècle entre l’Italie et l’Allemagne. Âgé aujourd’hui de 78 ans et résidant encore du côté de Milan, Karl-Heinz Schnellinger ouvre la boîte à souvenirs.
Pourquoi avez-vous hérité du surnom de Volkswagen ?Je crois que c’est le public qui m’en a affublé, car ils ont vu que je ne m’arrêtais jamais, je courais sans arrêt, et comme la Volkswagen devait être une voiture du peuple, qui doit toujours fonctionner, ils ont choisi ce surnom.
Vous débarquez en Italie à 24 ans en provenance de Cologne, comment se sont passés vos débuts ?Je suis venu, car on était mal payé en Allemagne, c’était encore un statut semi-amateur, on gagnait maximum 420 marks par mois, déménager en Italie était le seul moyen d’obtenir un meilleur salaire. Concernant l’adaptation, je dis toujours qu’on travaille pour soi-même, il suffit de s’entraîner le mieux possible et par conséquence, vos capacités, si vous en avez, ressortent naturellement.
Votre poste n’a d’ailleurs jamais été bien défini.Alors que je vous explique, à mon époque, les classements par poste se déroulaient de la sorte : meilleur gardien, meilleur défenseur, meilleur milieu, meilleur attaquant et à la toute fin, il y avait meilleur joker. C’est-à-dire un joueur qui pouvait évoluer partout, et effectivement, j’ai joué arrière, milieu, même ailier une fois. J’aimais bien évoluer en défense, mais sincèrement je jouais volontiers où m’alignait mon coach.
Vous avez fait neuf années au Milan en gagnant tout. Quelle a été la plus grande satisfaction ?Oui, on a tout gagné. N’importe quelle victoire apporte son lot d’émotions. À l’époque, chaque trophée comptait vraiment, on était toujours contents quand on gagnait. Surtout, on était guidés par Nereo Rocco, un gars qui râlait souvent, mais une personne très positive. Il faisait le dur, mais c’était un grand sensible. C’était comme un père, il attendait le maximum de chaque joueur, il riait, plaisantait, mais cognait quand ça n’allait pas, comme un papa.
Venons-en à la fameuse demi-finale du Mondial 1970. Vous inscrivez le but du 1-1 dans les arrêts de jeu des premières 90 minutes. Il paraît que vous vous trouviez même là par hasard.La rencontre était sur le point de se terminer, j’étais énervé et j’étais en train de m’en aller, puisque les vestiaires se trouvaient effectivement derrière la cage gardée par Albertosi…
D’ailleurs, c’est un des seuls buts que vous avez inscrits dans votre carrière.Mais j’aurais pu en faire un paquet, sauf que c’était l’époque du catenaccio, et dès que je montais à l’avant, je me faisais enguirlander, on me disait de revenir en arrière.
On dit que c’est le match du siècle, et pourtant…Et pourtant, jusqu’à la 90e, c’était un match très moche. Aucune des deux équipes ne voulait prendre de but et elles pensaient seulement à se défendre. C’était vraiment vilain, heureusement qu’il y a eu la prolongation.
Et justement, pendant la prolongation, vous vous rendiez compte que vous disputiez un match hors du commun ?Non, pas du tout, on n’y pensait pas. Faire 90 minutes et 30 autres dans ces conditions, on était comme saouls, on ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait.
Mais malgré la défaite, vous êtes fiers d’avoir participé au match du siècle ?Bien sûr, arriver dans le dernier carré d’une Coupe du monde, c’est toujours une belle performance. Évidemment, aucun Allemand n’était content de perdre, mais on est sortis de belle manière, et c’est une chose importante, même si c’était plus beau de gagner.
Et si l’Allemagne s’était qualifiée pour la finale ?On aurait aussi perdu face au Brésil, cette équipe était trop forte.
À votre retour en Italie, que vous êtes-vous dit avec vos coéquipiers du Milan Rosato, Prati et Rivera ?On rigolait, on plaisantait. Moi, j’étais satisfait d’avoir fait mon devoir parce que je portais le maillot de l’Allemagne, et idem quand je portais celui du Milan et j’affrontais des équipes allemandes. On cherche à jouer de la meilleure des manières pour montrer qui on est.
Vous avez d’ailleurs disputé quatre Coupes du monde en tout. Quel est l’autre souvenir marquant ?Chaque Coupe du monde était pour moi un prestige, une nouveauté, l’occasion de démontrer qui j’étais et pourquoi on m’avait convoqué. Bon, évidemment, il y a eu la finale 1966, un autre match particulier, que voulez-vous faire ? L’arbitre décide et on a accepté le verdict comme des gentlemen, sans polémiquer, car on ne pouvait rien faire.
Vous avez également participé à un 6-3 en match de la 3e place contre la France en 1958.
Oui, avec un Just Fontaine déchaîné, il a marqué quatre buts. Moi, j’étais un jeunot, j’avais 18 ans, je ne pouvais pas faire plus. Bravo à lui.
Vous dites souvent « En Italie, on sait qui je suis et pas en Allemagne » .
Car je suis étranger en Italie et je suis étranger aussi en Allemagne, puisqu’ils ne savent pas où je vis.
Pourquoi avez-vous d’ailleurs décidé de rester vivre en Italie ?Parce que j’ai plus d’amis ici qu’en Allemagne, puis j’ai trois enfants avec des petits-enfants, et la famille doit rester unie.
Et le match de ce samedi ?C’est un derby, je ne sais pas si la tradition statistique aura une influence. Le vainqueur sera celui qui aura le plus de cul !
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi