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Le Marakana, épicentre de la folie

Propos recueillis par Andrea Chazy et Mathieu Rollinger
Le Marakana, épicentre de la folie

Alors que Naples y a été accroché et Liverpool battu, le PSG se prépare à découvrir mardi soir le bouillant Marakana de Belgrade. Pavle Ninkov, Damien Le Tallec et Loïc Tregoures le racontent.

Casting

Pavle Ninkov : ancien joueur et capitaine de l’Étoile rouge entre 2008 et 2011, passé par Toulouse. Damien Le Tallec : passé par l’Étoile rouge de 2016 à 2018. Aujourd’hui milieu de terrain au Montpellier HSC. Loïc Tregoures : spécialiste des Balkans et auteur de Les Balkans et le sport: talents, exploits et corruption.


Un stade pas comme les autres

Loïc Tregoures : Ce stade est appelé par les Serbes « épicentre de la folie » . Le Marakana a une architecture spéciale : vous y accédez par une rue en montée, l’entrée se fait directement sur le haut des tribunes et la pelouse est en contrebas. Ce qui donne l’impression d’entrer dans un cratère. Cet effet est bon pour l’acoustique. En comparaison, le stade du Partizan, situé à quelques centaines de mètres, est ouvert aux quatre vents. Aujourd’hui, on peut accueillir 55 000 personnes, que des personnes qui savent mettre de l’ambiance. C’est un stade qui n’est pas forcément vétuste, puisque construit en 1963 et rénové récemment, même s’il ne répond toujours pas aux normes européennes.

Damien Le Tallec : Je crois que je n’ai jamais connu ça ailleurs. À Dortmund, c’est aussi impressionnant, mais c’est plus bon enfant. Là, c’est un degré au-dessus. Ici, ce ne sont pas des supporters, mais des fanatiques : ils sont amoureux de leur club et pourraient mourir pour lui.

Vous avez regardé le match contre Liverpool ? Tout le monde avait dit que l’Étoile rouge allait perdre largement. Finalement, ça a fait 2-0.

Pavle Ninkov : C’est une enceinte qui te donne un réel surplus de motivation, d’énergie. Lorsque tu joues avec l’Étoile rouge à domicile, l’ambiance du Marakana fait que tu vas te donner à 120%. Et ce sont les supporters qui procurent ça. Vous avez regardé le match contre Liverpool ? Tout le monde avait dit que l’Étoile rouge allait perdre largement. Finalement, ça a fait 2-0. Voilà, comment ça se matérialise.


Le spectacle des tribunes

PN : Quand tu entends les chants, le bruit, les fumigènes, les tifos, ça donne quelque chose dans ton corps qui fait que tu vas aller au bout de toi-même. Chaque joueur qui est allé à Belgrade, à l’Étoile rouge, te dira la même chose.

LT : Je prends toujours du plaisir à y aller. J’aime bien me placer soit en tribune nord, celle des Delije, pour être au cœur de l’ambiance, soit en latérale pour avoir une vue d’ensemble sur le spectacle. Ça chante pendant 90 minutes, ça fait des spectacles de pyrotechnie, ça fait parfois des banderoles à caractère politique — ce qui m’intéresse pour mes recherches. Forcément, en Coupe d’Europe, le stade est toujours rempli et c’est toujours dantesque. Même contre Rennes (barrages de Ligue Europa en 2011, N.D.L.R.).

DLT : 55 000 personnes debout qui ne s’arrêtent jamais de chanter. C’est très plaisant. Quand tu entres sur le terrain, tu vois les tifos qui parcourent toutes les tribunes. Tu n’as qu’une envie, c’est profiter du spectacle. Tes oreilles sifflent. Et pendant le match, ça te porte.

LT : Le derby est devenu un truc branchouille qu’il faut faire, avec des hipsters qui viennent assister au match. Et ça énerve pas mal les Grobari (ultras du Partizan) ou les Delije (ceux de l’Étoile rouge). Ils repèrent ceux qui font des selfies et tapent dans leurs téléphones. Tu regardes le match ou tu te casses, en gros.


La première fois au Marakana

PN : Je ne peux pas expliquer l’ampleur de l’émotion qui a parcouru mon corps à ce moment-là. Plus jeune, j’étais même déjà supporter de l’Étoile rouge avant d’en devenir joueur, puis capitaine. Je ne me souviens pas précisément de l’affiche, mais déjà, il y avait une ambiance exceptionnelle.

DLT : Mon premier match restera un grand souvenir, même si c’était un match de championnat où le stade n’était pas plein. On m’avait un peu prévenu de ça avant que je rejoigne le club. Quand je jouais à Saransk en Russie, j’avais un coéquipier qui était parti à Belgrade et m’envoyait des vidéos. Mais une fois sur le terrain, ça prend une autre dimension.

Quand je jouais à Saransk en Russie, j’avais un coéquipier qui était parti à Belgrade et m’envoyait des vidéos. Mais une fois sur le terrain, ça prend une autre dimension.

LT : Pour le coup, ma première était loin d’être la meilleure. C’était un match de championnat à la con, où il y avait 3000 personnes. En revanche, je me souviens parfaitement de mon premier derby. Quelle folie.


Un pont entre Belgrade et Rio de Janeiro

LT : Initialement, on pouvait mettre 100 000 personnes là-dedans. Avant la rénovation dans les années 2000, c’était un des plus grands stades d’Europe. D’où le lien évident avec le Maracanã de Rio, une référence dans le genre. Aujourd’hui, le nom officiel est stade Rajko Mitić, mais ce surnom « Marakana » reste sa désignation utilisée au quotidien par les Serbes.

PN : Quand on était la Yougoslavie, il y avait énormément de bons joueurs. Chacun est ensuite parti de son côté, mais on jouait vraiment très bien, au point qu’on nous surnomme « les Brésiliens de l’Europe » . J’étais encore jeune, mais j’ai regardé des cassettes et des vidéos et à ce moment-là, notre football était fort. En Serbie aujourd’hui, il y a encore beaucoup de talent, mais il y a un problème de mentalité je pense par rapport au talent.


Un couloir tout aussi mythique

PN : C’est un long tunnel qui mène jusqu’au terrain, un peu comme à Bordeaux dans l’ancien stade. Dans celui du Marakana, il y avait beaucoup de graffitis. À ce moment, tu vois la peur sur les visages. Au-dessus, il y a la Delije Sever, la tribune des fans qui sont les plus chauds. Quand tu es dans le couloir, tu entends donc tout le bruit et l’ambiance et quand tu sors, ils sont juste à un ou deux mètres de toi. Ils sont juste à côté, et c’est ça qui fait peur aux adversaires.

Dès les vestiaires, une heure avant le match, tu sens les vibrations. C’est moins de la pression que de l’aide. Une pression positive qui te pousse à te surpasser.

DLT : Dès les vestiaires, une heure avant le match, tu sens les vibrations. C’est moins de la pression que de l’aide. Une pression positive qui te pousse à te surpasser. Mais depuis que l’Étoile rouge a retrouvé la Coupe d’Europe, il y a deux ans, le tunnel a été refait. Sûrement à la suite des consignes de l’UEFA. Il n’y a plus les tags, tout a été repeint en rouge et blanc et à la place du bitume, c’est du gazon synthétique. En revanche, il y a toujours les CRS dans le couloir… Heureusement qu’ils sont là parce qu’après certains matchs, ça peut un peu chauffer.


Une zone de grabuge

LT : Les abords du stade peuvent poser problème. Il n’y a pas nécessairement de filtres avant les abords du stade. Il peut donc y avoir des masses de gens tout autour.

DLT : Je ne me suis jamais senti en danger. C’est une fausse image qu’on a de la Serbie et de l’Étoile rouge. Dans le passé, il y a eu des choses, mais quand j’y étais, il n’y a jamais eu de débordements. Bon, pour le derby c’est autre chose…

LT : Pour les derbys, les supporters visiteurs se réunissent dans leur stade et font les 900 mètres escortés. Bon, il y a toujours des petits malins qui s’échappent et il y a des bagarres qui partent. Dans le stade, il peut aussi y avoir des problèmes. En 2015, j’ai participé à un derby, et une bagarre assez sérieuse parmi les supporters avait retardé le coup d’envoi de 30 minutes. Mais c’est arrivé plusieurs fois, et les policiers ont déjà dû intervenir. Sur le derby, il faut faire attention. En dehors de ça, ça reste assez sûr.


Un terrain propice à la politique

LT : L’Étoile rouge, comme tous les clubs yougoslaves créés en 1945, était plus ou moins liée au régime. Mais le vrai club yougoslave, c’est surtout le Partizan, puisque c’était le club de l’armée. L’Étoile rouge avait et a toujours une proximité avec la ville de Belgrade, que ça soit dans ses classes bourgeoises ou populaires. Ce sont des choses qu’on retrouve encore aujourd’hui dans l’identité des groupes de supporters.

DLT : Les habitants de Belgrade vivent au quotidien pour leur club. Tu te balades en ville, tu n’entend que ça.

Ils se disent apolitiques, sans s’interdire les banderoles à caractère politique. Vu depuis la France, leurs discours semblent assez extrêmes et nationalistes.

LT : Ils se disent apolitiques, sans s’interdire les banderoles à caractère politique. Vu depuis la France, leurs discours semblent assez extrêmes et nationalistes. Ils l’ont été par le passé, quand ils ont participé au renversement de Milošević ou véhiculé des messages homophobes en 2010 pendant la Gay Pride. Cependant, leur position est relativement mainstream vis-à-vis de la société serbe et proche du discours officiel, que ce soit sur la guerre, le Kosovo ou des questions sociétales. Les dérives pendant la guerre, les milices d’Arkan, il ne vaut mieux pas en parler. C’est derrière. Donc c’est compliqué de les pointer du doigt comme des ultra nationalistes. C’est une question de degré plus que de nature.


S’il ne devait rester qu’un souvenir

PN : Mon premier derby face au Partizan. Il n’y a pas de réelle façon de gérer ce moment, d’autant qu’il y a une telle attente autour de ce match. Dans la rue, une semaine avant, on ne te parle que de ça. Sur le terrain, j’essayais de parler à mon premier coéquipier qui était à quatre mètres de moi pour lui donner des indications. Il ne m’entendait pas. C’est quand même dingue quand ton coéquipier ne t’entend pas de si près à cause du bruit ! Je ne l’oublierai jamais.

DLT : Pour moi, c’est plus la joie des supporters quand on s’est qualifiés pour la Coupe d’Europe. Ça faisait 25 ans qu’ils en étaient privés. Toute la ville était dans un état d’euphorie.

LT : Une fois, je me suis retrouvé sur la piste d’athlétisme, face à la tribune nord, pour l’observer pendant tout le match. C’était un match assez banal, un match de coupe en semaine contre Teleoptik, si je ne dis pas de bêtises. Mais ils avaient fait une superbe chorégraphie avec une bâche énorme sur toute la largeur de la tribune. Ça représentait une vue depuis l’espace, avec un cosmonaute, coiffé d’un casque rouge et blanc, et l’inscription « Même sur Mars s’il le faut » . Même sur un match bidon, ils arrivent à faire ça…


Un piège pour le Paris Saint-Germain ?

DLT : Oui, c’est clairement un piège. N’importe quelle équipe peut perdre au Marakana.

PN : Un journaliste serbe m’avait demandé avant Liverpool : « Mais comment l’Étoile rouge va-t-elle pouvoir contrer une telle équipe avec tant de grands joueurs ? » Je lui ai dit que cela dépendait tout simplement de comment les Reds allaient entrer dans le match. Au début, les joueurs de Liverpool se sont sûrement dit que ce serait facile, puis ils entrés dans le stade et ils ont perdu. Je ne dis pas que ce sera la même chose avec Paris. Si les Parisiens pensent qu’ils vont s’imposer facilement, ils perdront. À l’inverse, s’ils entrent avec la même détermination qu’à l’aller, je pense qu’ils vont gagner, car ils ont de très bons joueurs, pour les avoir joués quelques fois avec Toulouse. Des matchs chauds, les Parisiens en ont joué et notamment à Marseille au Vélodrome. Mais chaud comme celui-là, je n’en suis pas sûr.

DLT : Les Parisiens sont des joueurs d’expérience et ils vont kiffer être là. Ça peut aussi les pousser dans les retranchements et les obliger à faire un grand match.

À chaque fois qu’il y a un match d’un club français en Grèce, en Turquie ou au Marakana, il y a toujours ce fantasme. Finalement, on ramène en règle générale trois points en France.

LT : À chaque fois qu’il y a un match d’un club français en Grèce, en Turquie ou au Marakana, il y a toujours ce fantasme. Finalement, on ramène en règle générale trois points en France. Les joueurs de l’Étoile rouge vont être galvanisés c’est sûr, mais les joueurs parisiens sont des professionnels et savent se jouer de ça. Certains vont beaucoup apprécier, car c’est toujours agréable de jouer dans des telles ambiances.

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