- 12 octobre
- Journée de l'hispanité
Le made in Spain à l’export
Le 12 octobre, c’est la fête nationale espagnole, mais aussi la journée de l’hispanité (« El día de la hispanidad »). Jour qui rappelle qu’en matière de conquêtes, l’Espagne a toujours eu un temps d’avance depuis 1492. Et footballistiquement, le made in
Zeben Hernández, Espagne → Tanzanie
Zeben Hernández était un parfait inconnu au-delà de ses îles Canaries avant de traverser l’Afrique d’ouest en est. Il n’avait coaché jusqu’alors que son club de Santa Úrsula en tercera división (équivalent de la CFA) sur l’une des îles de l’archipel. Âgé de trente-deux ans, il a répondu en fin de saison dernière à une offre de travail en Tanzanie. Le club de première division de l’Azam FC était à la recherche d’un staff pour faire progresser son équipe première et le club.
Le Tinerfeño (originaire de Tenerife en VO) Zeben Hernández, et son staff composé de quatre autres Espagnols, ont donc débarqué en Tanzanie en juin dernier : « En réalité, notre arrivée est un peu le fruit du hasard. Mais un hasard provoqué par le travail. Venir ici présenter notre projet pour ce club et être retenu est quelque chose de valorisant. Bien sûr, quand on a annoncé à nos proches que nous partions en Tanzanie, ils ont eu du mal à y croire. Mais finalement, eux comme nous, on vit cette situation le plus normalement du monde. Le fait de venir à plusieurs, ça change pas mal de choses. C’est plus facile au quotidien, et surtout, nous apportons au club des choses que je n’aurais jamais pu apporter tout seul. »
Un David de Gea bis
La force collective espagnole pour conduire l’Azam FC au sommet du championnat tanzanien. Ce championnat national, comment le situer justement ? Le coach préfère parler des joueurs de son club : « Par rapport au niveau de mes joueurs, dans notre équipe première, environ les trois quarts des joueurs ont un niveau de segunda B (National) et le dernier quart a un niveau de segunda A (deuxième division). Après, dans les autres équipes, le niveau est très hétérogène… Ici, au club, nous avons la chance d’avoir des infrastructures (espace de vie en commun, piscine, gymnase, deux terrains artificiels et un en herbe) qui vont nous permettre de fournir un travail de qualité. »
Car l’objectif est bel et bien « de devenir une référence dans le football tanzanien » . Partout dans le monde, chacun espère donc trouver son futur Pep Guardiola… Ou alors un David de Gea bis, jusqu’aux confins de l’Iran.
Manuel Fernández, Espagne → Iran
À trente ans, Manuel Fernández n’avait encore jamais quitté son Espagne natale. Le natif de Gijón, formé au Sporting, avait jusqu’alors écumé les clubs espagnols de Huelva, Alavés, Alarcón et du Deportivo. La saison dernière, il a même gardé les cages du Depor à douze reprises (sept matchs de Liga et cinq de coupe). Et puis, à la fin de son contrat, quand certains vivent leur crise de la trentaine, Manu, lui, n’a pas hésité à tenter l’aventure iranienne : « J’avais vraiment envie de vivre une expérience comme celle-là. La décision a donc été assez rapide à prendre pour moi à partir du moment ou un agent iranien a contacté mon représentant pour me faire cette proposition. La principale préoccupation était bien sûr la sécurité. J’ai d’ailleurs appelé l’ambassade d’Espagne à Téhéran pour avoir des informations et j’ai été rassuré à ce niveau-là. De nos jours, il peut se passer des choses n’importe où… Ici pas plus qu’ailleurs… »
Le voici donc début juillet au Machine Sazi de Tabriz, à l’extrême nord-ouest du pays. Ce club d’un entrepreneur spécialisé dans la logistique industrielle retrouve la première division perse après presque vingt ans d’absence. La ville de Tabriz se situe dans la région iranienne de l’Azerbaïdjan oriental à proximité des frontières de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie, de la Turquie et de l’Irak. Ce choix sportif a donc pu surprendre par les temps qui courent, mais le gardien asturien l’assume pleinement : « L’Iran est en train de s’ouvrir au football étranger de plus en plus. Je crois que c’est un phénomène qui va se poursuivre dans le futur, surtout si les expériences comme les miennes sont positives. C’est vrai que le football iranien m’était totalement inconnu. Mais j’ai été surpris par les infrastructures, notre stade, le nombre de spectateurs, la passion autour du foot ici. » Et quand on demande à Manu s’il compte se mettre au perse, il ne répond pas forcément par l’affirmative. Mais pas forcément pour les raisons qui pourraient nous venir à l’esprit : « Déjà le perse est une langue qui me semble compliquée… Mais le problème, c’est qu’ici, Tabriz, c’est une ville où les gens parlent turc ! »
Religion, alcool et exportation
Il semble donc parti pour suivre un double cursus, histoire de pouvoir espérer communiquer avec ses partenaires. Pour l’instant, il échange dans un sabir d’anglais, d’espagnol et de portugais avec son coéquipier brésilien. Pour le reste, le seul Espagnol du championnat iranien reconnaît qu’ « au début, les échanges sont forcément difficiles et limités à quelques mots d’anglais avec l’entraîneur, Rasoul Khatibi, qui est un ancien international iranien qui a joué en Allemagne(à Hambourg en 1999-2000), ou avec le capitaine chrétien de l’équipe, Andranik Teymourian, qui a joué à Bolton et à Fulham et qui a été capitaine de la sélection iranienne » .
Et justement, Manu, la religion dans tout ça ? « Pendant les entraînements, c’est parfois l’heure de la prière, et la séance s’arrête alors quelques instants. Les choses se font tranquillement. Je respecte ce moment avec mes coéquipiers. » Autre sujet important pour un Espagnol en terres étrangères, la nourriture : « C’est l’un des aspects très dépaysants de l’Iran et qui inquiétait beaucoup ma mère avant mon départ. Finalement, ici, on mange bien, en quantité et en qualité. Après, tout est une question d’adaptation. C’est comme pour l’alcool, qui est interdit ici. C’est sûr que ça change par rapport à mes habitudes en Espagne, mais il faut juste savoir s’adapter. » En mode tout-terrain et sur toutes les surfaces du globe, le footballmade in Spain semble être bon pour l’exportation… pour quelques années encore.
Par Benjamin Laguerre