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- FC Bâle-Ludogorets Razgrad
Le Ludogorets Razgrad s’invite à la fête
Sans que personne ne s'en émeuve, le Ludogorets Razgrad fait son retour en Ligue des champions, deux ans après sa première participation. Les Bulgares affrontaient déjà Bâle en phase de poules, et avait réussi un parcours surprenant. Et même si personne n'y croit, le Ludogorets jure qu'il est là pour gagner. Et si ce n'était pas que de la fanfaronnade ?
Les Suisses ont beau avoir la réputation d’être modérés, et d’éviter la vantardise, la presse helvète ne se cachait pas ces derniers jours pour expliquer que la victoire de Bâle ce soir face au Ludogorets Razgrad était obligatoire. Car le FC Bâle est face à un calcul simple : les deux premiers strapontins semblent réservés aux ogres du groupe A, le PSG et Arsenal. Mais en cas de craquage de l’un ou de l’autre, autant tenter d’en profiter, ce qui commence par récupérer les points faciles là où ils sont, du côté de la Bulgarie. Car les gars du Ludogorets n’auront pas le choix, et devront se coltiner l’étiquette du Petit Poucet tout le long de la phase de poules. On les dit déjà condamnés à entendre un « Vous êtes le maillon faible, au revoir » à la fin de la manche, et pourtant, les Aigles – leur surnom – balancent à tout va qu’ils n’ont peur de rien. « Nous savons que Bâle est une bonne équipe, mais rien à craindre. Notre objectif est la première place du groupe » , assénait le gardien Vladislav Stoyanov – également portier de l’équipe de Bulgarie – sans sourciller devant les journalistes bulgares. Quant au coach, George Dermendjiev, il affichait lui aussi son ambition : « Tout le monde pense que le FC Bâle est meilleur que la dernière fois que nous avons joué contre lui. Mais nous aussi, nous avons progressé. Et je pense que vous allez le voir. » Car il y a deux dans, Bâle et Razgrad se retrouvaient déjà dans la même poule en Ligue des champions. Et déjà, les Bulgares étaient censés servir de punching-ball. Ce qui n’avait pas été le cas.
Millionnaire grâce aux chaussures
Les équipes à battre de ce groupe A se nomment Paris et Arsenal. En 2014, ceux du groupe B étaient le Real Madrid et Liverpool. Les deux premières places leur semblaient promises, avec un scénario tout écrit : Bâle troisième et bon pour la Ligue Europa, et les Bulgares loin derrière, après avoir profité de la chance d’être là et pris des selfies avec les stars. La deuxième place sera finalement pour Bâle, et Liverpool ne terminera qu’à un petit point devant le Ludo. Qui s’attendait à ce que le Ludogorets, cette équipe inconnue perdue dans la petite ville de Razgrad – 35 000 habitants au Nord du pays – donne quelque chose ? Car le Ludogorets Razgrad a longtemps été un club condamné à végéter dans l’anonymat de la deuxième division bulgare, jusqu’à ce que l’homme d’affaires Kiril Domuschiev ne le prenne en main en 2010. Comme beaucoup d’autres fortunes locales, la sienne fait débat. Il jure qu’il a gagné son premier million en vendant des chaussures sur les marchés dans le chaos du début des années 90, quand le pays se reconstruisait après la chute de Jivkov et du régime communiste. Aujourd’hui âgé de quarante-sept ans et ancien membre de l’équipe dirigeante du CSKA Sofia, Domuschiev règne en maître sur une compagnie pharmaceutique, plus gros secteur industriel de la région de Razgrad. Le club monte en première division dès 2011, s’offre un triplé championnat-coupe-Supercoupe de Bulgarie, et est depuis quintuple champion en titre, alors que les clubs historiques de Sofia sont à la ramasse, quand ils ne sont pas rétrogradés pour des dettes colossales. Un succès dû à un recrutement ambitieux pour la Bulgarie – sept Brésiliens dans l’effectif actuel – et à la construction de certaines infrastructures, même si l’underground reste de mise.
Les europhiles
Car Razgrad joue les matchs de championnat dans son arène, la Ludogorets Arena, mais doit disputer ses joutes européennes à Sofia. En effet, l’incroyable stade de Razgrad est un gazon entouré de 8 800 places – certaines debout – qui donne des sueurs froides aux normes de sécurité de l’UEFA. Cette équipe qui a les locaux d’un club de CFA s’apprête donc à lancer sa troisième campagne européenne en quatre ans. En 2013-2014, premier assaut avec une Ligue Europa maîtrisée. Sorti premier de son groupe en ayant notamment battu le PSV Eindhoven, le Ludogorets s’offre la Lazio en 16es avant de perdre au tour suivant. L’année d’après, place à la Ligue des champions, abordée avec le statut de plus petite ville et de plus petit budget de la compétition. Et en ayant gagné le dernier tour de barrage aux tirs au but, avec le défenseur roumain Cosmin Moți au goal après l’expulsion de Stoyanov. Serein, Moți avait mis le sien avant d’en stopper deux, une des images folles de la saison. Pour leur premier match de C1, les Bulgares annoncent la couleur et perdent 2-1 contre Liverpool à Anfield, à cause d’un penalty inventé dans les arrêts de jeu, et feront match nul au match retour. Deux semaines plus tard, ils ne prennent que 2-1 contre le Real, là aussi avec un péno litigieux. Enfin, lors de la troisième journée, ils battent Bâle 1-0 à Sofia, mais prennent une rouste au retour (4-0). Une campagne remarquée, et l’Europe est cette saison l’objectif principal du club, pour l’instant sixième en championnat après six journées. Ambitieux, Domuschiev prépare son club à vivre d’autres épopées européennes, et est en train d’agrandir le stade. L’une des nouvelles tribunes a d’ailleurs été baptisée « Cosmin Moți » .
Par Alexandre Doskov