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Le LOSC veut de l’herbe de qualité
Champion de France en titre et huitième-de-finaliste de la C1, le LOSC est aussi lanterne rouge. Pas en Ligue 1, mais dans le championnat des pelouses françaises. Chaque semaine, les Dogues foulent un terrain indigne de leur statut, et dont tout le monde se plaint depuis un moment sans que cela ne change quoi que ce soit. Au point qu’une pétition a été lancée.
« C’était un match de merde sur une pelouse de merde. » Après le nul contre Nantes lors de la 15e journée de Ligue 1, Benjamin André n’a pas fait dans le détail. Une semaine plus tard, c’est l’entraîneur lyonnais Peter Bosz qui s’en prenait à la pelouse du stade Pierre-Mauroy, jugée « très très très mauvaise ». Un point de convergence avec son homologue lillois, Jocelyn Gourvennec, qui n’en finit plus d’évoquer le sujet : « C’est un vrai problème pour nous quand on doit faire le jeu à domicile.[…]Je ne veux pas accabler nos jardiniers, je pense qu’il y a un problème de structure, pas un problème humain. On n’attaque personne quand on dit ça. C’est un constat. » Un constat partagé par tout le monde au club, du bureau présidentiel aux supporters, à l’image de Fabienne Barbieux, qui en viendrait presque à regretter le vétuste Stadium Nord : « C’était le royaume des courants d’air, on voyait mal, mais on avait la meilleure pelouse de Ligue 1. » Aujourd’hui, le LOSC a la pire.
Toit, toit mon toit
Or, ce problème ne date pas d’hier, mais justement du déménagement au Grand Stade en 2012. Depuis que les Lillois ont posé leurs valises dans leur enceinte multifonctions à Villeneuve-d’Ascq, ils ont rarement foulé un billard. En témoigne la sortie de Didier Deschamps à l’Euro 2016, qui se plaignait d’un terrain « catastrophique et désolant ». Ancien employé des espaces verts (à Fréjus), Adil Rami le reconnaissait lui aussi : « C’est difficile pour les jardiniers, mais c’est difficile de jouer notre football sur un terrain comme ça. L’intelligence d’un footballeur, c’est de savoir sur quoi on joue, et quand on tombe sur un terrain comme ça, il faut faire des choses simples. » Quelques années plus tard, c’est Christophe Galtier qui fustige son pré qu’il trouve tout simplement « pourri ». Entre les évènements accueillis par le stade (handball, tennis, basket, concerts…), les approximations des jardiniers de l’UEFA à l’Euro, la pelouse arrivée gelée avant d’être plantée, ou des bactéries : le gazon lillois semble maudit.
Non seulement ce n’est pas télégénique – à l’Euro la pelouse avait été peinte en vert pour camoufler les dégâts -, mais cela entraîne des conséquences sérieuses. « Contre Lyon, on a vu le Lyonnais Henrique se blesser tout seul, à cause de notre pelouse. C’est la honte. Et ça pourrait arriver à un de nos joueurs », s’inquiète Fabienne. Avant même les blessures, le problème est ailleurs pour Gourvennec : « Ça affecte fortement le jeu. On a joué sur un billard à Wolfsburg (3-1), on a joué sur un billard à Rennes (2-1)… Si vous mettez des choses en place, mais qu’à cause du terrain, vous ne pouvez pas les appliquer, c’est un problème.(…)C’est très difficile de repartir de derrière, d’être pressé dans la construction, sans faire d’erreur technique avec le terrain qu’on a. On est contraints de jouer un peu différemment. » Et Benjamin André d’enfoncer le clou : « On a des joueurs très forts en un contre un, donc forcément quand le ballon saute, pour faire des décalages, c’est difficile. » Sans parler des conséquences sur l’image du club, notamment sur la scène européenne.
La @MEL_Lille 1re supportice du @losclive est attentive à l’évolution de la pelouse malade du @StadePM.Les actions menées par le prestataire #ELISA n’ont pas permis d’atteindre la qualité attendue. La pelouse doit être remplacée dès la fin du match #losc @AJA !! pic.twitter.com/vfXYa3qTZV
— Damien Castelain (@DamienCastelain) December 15, 2021
Mais alors, comment expliquer ce fiasco ? Dans le passé, le passage du stade en mode Arena a pu poser problème, puisque dans ces cas-là la moitié du terrain vient recouvrir l’autre pendant plusieurs jours. Sauf qu’en ces temps pandémiques, l’excuse ne tient plus, car seul le LOSC utilise l’enceinte depuis l’été 2020. La pelouse a même été changée entre-temps. Le problème réside plus dans la configuration des lieux, l’enceinte ressemblant davantage à un immense gymnase avec un toit ouvert, qu’à un stade. « C’est très fermé finalement, la coupole du toit est très resserrée même quand c’est ouvert, donc il n’y a pas beaucoup de lumière qui passe, expose un jardinier de Ligue 1 qui connaît les lieux. C’est la problématique des nouveaux stades avec un toit haut, fermé. » Le manque d’ensoleillement est donc une première piste. « Ensuite, il y a un problème de circulation de l’air, qui ne se fait pas non plus à cause de la configuration. Si ton stade est ventilé, tu as moins de rosée le matin par exemple, donc le terrain est moins sujet aux maladies. Si c’est tout le temps humide, sans soleil qui vient réchauffer le brin d’herbe, la pelouse est plus sujettes aux maladies », expose le jardinier.
Pétition, Sheriff Tiraspol et Martine Aubry
Ces explications, Fabienne les entend depuis des années. Mais comme nombre de supporters lillois, elle n’en peut plus : « L’architecture du stade n’est pas notre problème, qu’ils fassent le nécessaire pour que ce soit bien fait. Nous on paie notre abonnement, le contribuable a mis la main à la poche pour payer le stade et on n’a pas de retour sur investissement. Même le Sheriff Tiraspol en Moldavie a un meilleur terrain que nous ! C’est un peu la honte, indigne d’un champion de France et d’un huitième-de-finaliste de C1. » « Ils » , c’est Elisa, société d’Eiffage qui gère le stade Pierre-Mauroy, et qui n’a pas répondu à nos questions. Car là réside le fond du problème : le LOSC n’est pas maître de sa pelouse, au sens propre. « Si Eiffage refuse de faire des travaux pour des raisons d’argent, les confrères ne peuvent rien faire. Ça doit être frustrant pour eux, ils ne voient pas d’améliorations possibles alors qu’ils font le maximum », compatit le jardinier de L1. « Ça nous fatigue », souffle Fabienne, qui soupçonne la société gérante de ne pas mettre tous les moyens en œuvre : « Je passe souvent près du stade, je ne vois jamais d’installation de luminothérapie à travers les grilles. »
Lundi 13 décembre, en apprenant que Lille allait accueillir les champions d’Europe de Chelsea sur ce champ de patates en huitièmes de finale de C1, Fabienne Barbieux a donc décidé de passer à l’offensive en lançant la pétition « Un billard pour le stade Pierre-Mauroy » , adressée au gestionnaire du stade (ELISA GESTION) et à la métropole européenne de Lille (MEL). « On veut mobiliser les intervenants directement concernés. Et je pense que Martine Aubry pourrait mettre un coup de pression, d’autant qu’on la voit de plus en plus en tribunes depuis qu’on est bons en C1… » En quelques heures, la pétition a recueilli plusieurs milliers de signatures, signe d’un ras-le-bol général dans la capitale des Flandres.
« On a même des pigeons en permanence sur la pelouse, pendant les matchs, c’est ridicule », désespère Fabienne, pour qui ces problèmes de pelouse symbolisent l’échec global du Grand Stade lillois : « Ils ont voulu absolument un stade multifonctions, que ce soit rentable. C’est une histoire de pognon avant tout. Quand on voit Lens qui a moins de budget et qui a un billard, c’est rageant. Surtout pour un Lillois. » Cela commence à faire beaucoup pour un stade déjà pointé du doigt pour sa localisation et son parvis sans âme en pleine zone commerciale, en périphérie de Villeneuve-d’Ascq. Au moins, l’avantage pour les problèmes de pelouse, c’est qu’ils peuvent être réglés. Mais quand ? Le jardinier de L1 prévient : « En général, quand c’est comme ça en décembre, c’est compliqué de rattraper les dégâts pour la suite de la saison. » Autrement dit, pour le LOSC cette saison, l’herbe sera vraiment plus verte ailleurs.
Par Adrien Hémard
Propos de FB et du jardinier recueillis par AH.