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Le lac d’Insigne
À 24 ans, c’est un paradoxe. L’Insigne blanc du Napoli est en pleine bourre. L’Insigne noir de la Nazionale n’existe presque pas. Il est temps pour lui de franchir encore une étape.
Samedi, aux alentours de 22h, quartier Vomero à Naples. Lorenzo Insigne rentre en voiture d’un dîner en ville. Deux hommes en scooter le forcent à s’arrêter et pointent un calibre sur sa femme, ses amis et lui. Sous la menace, ils cèdent montres, argent liquide et autres objets de valeur. Finalement, plus de peur que de mal pour le petit bonhomme du Napoli. Et même un peu d’ironie dans cette sombre histoire qu’il a racontée à la Gazzetta : l’un des deux braqueurs lui aurait demandé de lui dédicacer un but contre la Fiorentina. Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr, c’est que Lorenzo Insigne fait souvent parler de lui cette saison. Pour de bonnes et de mauvaises raisons. Les mauvaises : son fragile physique et son absence en sélection. Les bonnes : il est tout simplement énorme cette saison. Dans le top 10 des meilleurs buteurs et passeurs du championnat, il est surtout, derrière Dybala, le deuxième joueur le plus décisif en Serie A. Mais pas encore suffisamment aux yeux de Conte. Et le temps compte pour Lorenzo.
L’alibi du choix tactique
Car ses souvenirs avec la Nazionale se comptent presque sur les doigts d’une main. Pour la dernière Coupe du monde, ils se résument à 34 petites minutes contre le Costa Rica. Sinon, cinq autres petites entrées en jeu depuis 2012. Bref, il n’a jamais vraiment eu sa chance. Le pire, c’est peut-être le boycott dont il fait l’objet depuis octobre dernier. Explication : le 4, il met le Milan à ses pieds sous les yeux d’Antonio Conte, en tribunes, sans aucun doute impressionné par la prestation XXL du mètre 63. Mais trois jours plus tard, il est annoncé blessé, rapatrié et remplacé par Bonaventura. Depuis, plus aucune sélection. Plus aucune nouvelle non plus. Un « choix tactique » à ce qu’on en dit. Mais la réalité est plus complexe. En fait, Antonio Contre aurait encore en travers cet événement.
Pour lui, ce n’était qu’une gêne au genou et il n’aurait pas apprécié la désertion du Napolitain : « J’ai besoin de gens prêts à se battre pour le maillot de l’Italie. Je veux que les joueurs soient disponibles à 100%. » Du coup aujourd’hui, alors que Lorenzo Insigne affiche des statistiques impressionnantes, alors qu’il figure parmi les meilleurs joueurs du championnat, alors qu’il fait du pied à la Nazionale – « Je travaille vraiment dur pour regagner sa confiance. J’espère que je serai sélectionné le plus vite possible » – alors qu’à Naples, on pense même à lui donner le numéro 10, oui, celui de Maradona, alors qu’il semble dans la forme de sa vie, on est en droit de se demander comment Antonio Conte peut encore se passer de lui ? Certes, le prochain match en sélection n’est que dans trois semaines, contre l’Espagne, mais des petits signes d’encouragement ne seraient pas de refus pour le trapu.
Le côté sombre
Après, il est certain que Lorenzo n’est pas parfait. Il est encore jeune. Il lui arrive parfois de passer au travers. Et puis, il aime peut-être trop le Napoli. Ce qui l’a certainement poussé à ne pas forcer sur son genou en octobre dernier et à rentrer chez lui. Il a également encore du mal à se montrer décisif dans les grands matchs. Contre la Juventus, il n’a par exemple pas su sortir son épingle du jeu. Pareil en Ligue Europa. Mais difficile d’ignorer qu’avec Higuaín, il est le grand artisan du retour au premier plan du Napoli. Et ça, Antonio Conte aura du mal à l’ignorer en conférence de presse, car c’est un des sujets de discussion récurrents entre les journalistes et le sélectionneur, sans qu’aucune réponse claire n’ait à ce jour été donnée. Lorenzo Insigne a par ailleurs laissé entendre qu’il était prêt à encore jouer un rôle de remplaçant de luxe avec la Nazionale. Et peut-être qu’il y a du monde sur la liste à ses côtés – Bonaventura, Candreva, Berardi, El Shaarawy, Eder, Gabbiadini… – mais peu ont ce côté sombre, cette capacité à faire basculer un match d’un coup de génie, à l’instinct, l’Insigne noir, l’imprévu. Un facteur X qu’Antonio Conte, certainement présent ce lundi soir à Artemio-Franchi, pourra encore considérer.
Par Ugo Bocchi