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Le kop Malvoisie, des ultras en Anjou
Dans le Maine-et-Loire, l’Avenir Sport Saint Pierre Montrevault contre le FC Beaupréau La Chapelle, c’est un derby. Celui de la finale de la Coupe d’Anjou 2015 est mémorable. Entre fumigènes, vin blanc et rétro-projecteur dans la nuit.
Si vous portez le polo avec le col relevé, vous connaissez forcément la mythique affiche placardée aux quatre coins de la Grande-Bretagne en 1994, avec Eric the King fier comme un coq sur un fond aux couleurs de l’Angleterre. En VF : 1966 a été une grande année pour le football anglais ; les Three Lions ont remporté la Coupe du monde à domicile. Cantona est né. Imaginons maintenant une version angevine de ce slogan : 2014-2015 a été une grande année pour le football angevin ; 21 ans après, le SCO est remonté en Ligue 1. le kop Malvoisie est né.
Tout commence lors d’un quatrième tour de Coupe de l’Atlantique. L’Avenir Sport Saint Pierre Montrevault reçoit Somloir Yzernay pour une rencontre entre clubs du Maine-et-Loire. Ce 11 octobre 2014, Léo Brevet, dit « Lolove » , originalement surnommé « Docteur Love » , peut compter sur le soutien de ses potes derrière la main courante malgré le mauvais temps. Ils ont bien fait de venir, car le latéral droit de l’ASSPM, qui n’a pas vraiment l’habitude de marquer, claque un doublé. « Le premier but, c’est un centre-tir dévié par le défenseur qui finit au fond. Et le deuxième, ça fusait pas mal, je surprends le gardien avec une frappe au sol » , remet le double buteur. Son équipe se qualifie en l’emportant 3-1. Surtout, il y a cette photo qui capture « Lolove » en train de célébrer avec ses potes au bord du terrain. Dès lors, ces derniers ne manqueront pas de le chambrer sur son plus grand fait d’armes en carrière.
« Le Malvoisie, c’est un vin blanc très sucré »
« Le cliché nous a fait rire. Un copain qui travaille dans le graphisme a créé une bâche avec la photo… » La bande se fédère alors autour du nom « kop Malvoisie » , en référence au pinard du coin. Et c’est encore « Lolove » qui parle le mieux du breuvage : « Le Malvoisie, c’est un vin blanc très sucré qui plaît beaucoup à tout le monde, plus qu’un rosé ou un blanc sec. On est sur quelque chose de fruité, un vin que l’on conseille de prendre en apéritif ou en dessert… » Qui ne passe jamais aussi bien qu’à la buvette de l’ASSPM après une victoire.
En 2014-2015, le club issu de la fusion entre les clubs de Montrevault et Saint-Pierre-Montlimart (deux communes qui ont elles-mêmes fusionné avec d’autres villages pour devenir Montrevault-sur-Èvre, 16 000 habitants en 2016), finit par se faire sortir de la Coupe de l’Atlantique, mais s’accroche à la Coupe d’Anjou. Les Montlimartois disputent une demi-finale accrochée face à l’ES Bouchemaine. Et la victoire aux tirs au but leur ouvre les portes de la finale rêvée : un derby contre le FC Beaupréau La Chapelle. Rien de tel pour donner une nouvelle dimension au kop Malvoisie, qui devient le groupe des fervents supporters de l’équipe. Trois semaines s’écoulent entre la demi-finale et la grande finale, trois semaines qui vont servir de préparation pour établir une ambiance de folie.
« Il fallait attendre 1h ou 2h du matin qu’il fasse bien noir »
« On se retrouvait presque tous les soirs. On préparait des banderoles, des cahiers de chants pour que tout le monde puisse suivre, tout ce qui rassemble un match amateur… » , rembobine Émilien Bouhier, qui a sacrifié ses révisions du bac pour être dans le noyau dur des préparatifs, comme lors de cet atelier peinture nocturne. « On voulait recréer une scène des Simpson en tifo à l’aide d’un vidéo projecteur. Il fallait attendre 1h ou 2h du matin qu’il fasse bien noir pour pouvoir dessiner les traits sur un grand drap placardé sur un bâtiment devant chez un copain. On était ensuite une dizaine à peindre en pleine nuit. »
De leur côté, les supporters de Beaupréau montent eux aussi leur groupe de supporters. Plus que deux villages, c’est toute la région des Mauges qui se donne rendez-vous au stade de La Pommeraye pour la grande finale. L’affluence ? 2 500 entrées payantes, et c’est gratuit pour les femmes, les enfants et les licenciés des deux clubs qui viennent gonfler le nombre. Un convoi de six cars transporte 300 supporters du kop Malvoisie chauffés à blanc par les 20km de déplacement depuis Saint-Pierre-Montlimart. Derrière la bâche du kop, on dirait un véritable groupe ultra qui débarque au stade avec ses T-shirts bleu ciel, ses fumigènes, ses deux-mats à l’effigie des figures du club et donc cette voile qui s’élève à l’entrée des joueurs : on y voit Homer, en maillot bleu ciel, debout les bras en l’air à côté de son voisin, Ned Flanders, estampillé Beaupréau.
Près de la friterie…
« Le kop était tout simplement monstrueux » , résume Léo Brevet, titulaire en défense lors de la finale. Mais le chaudron ne suffira pas à pousser l’ASSPM vers la victoire. Dominé en début de match, Beaupréau s’impose finalement 3-1. S’ensuit un envahissement de terrain général et une fête toute la nuit chez les vainqueurs. « Les deux équipes, ce sont vraiment deux bandes de potes distinctes, mais les joueurs ont été à l’école ensemble ou fait des soirées ensemble, donc ça se passe toujours très bien après les matchs » , remet Alexandre Guilbault, qui peut donc glisser la Coupe d’Anjou 2015 sur son CV de défenseur central de Beaupréau.
« Allez, l’Avenir Allez,
*clap clap clap*près de la friterie,
s’élèvera la ferveur,du kop Malvoisie !
Allez… »
Malgré la déception de la défaite, la semaine suivant la finale, l’air de la chanson emblématique résonne encore dans la cour de récréation de l’école primaire du village, à tel point que les professeurs demandent aux parents des explications. « Les profs connaissaient le vin Malvoisie, mais se demandaient pourquoi des gamins de six/sept ans se mettaient à chanter ça » , se marre Émilien Bouhier, le kopiste qui a finalement réussi à décrocher son bac au talent.
Plus de quatre ans après la finale, le kop Malvoisie continue par intermittence, lors des matchs importants, d’amener de la ferveur dans le sillage de l’ASSPM (qui évolue cette saison en Régional 2). « C’est parce que chez nous, c’est très rural, tout le monde se connaît. On rencontre beaucoup de clubs de ville, à Angers, La Roche-sur-Yon, autour de Nantes, où il y a très peu de spectateurs » , note « Lolove » , le buteur à la genèse du groupe. Ainsi, dernièrement, lors d’un NDC Angers-ASSPM, les locaux ont regardé avec des gros yeux 200 kopistes débarquer et s’époumoner 90 minutes pour une demi-finale de Coupe d’Anjou. Ce jour-là, le kop Malvoisie a déployé une banderole : « Le football a été inventé en Angleterre et la Coupe d’Anjou à l’ASSPM ! »
Florian Lefèvre
tous propos recueillis par FL // crédit photos : Facebook Kop Malvoisie