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Le Khan qui pèche
En pleine zone rouge malgré un été passé à enfiler les signatures, Fulham est sur le point de devenir l'équipe la plus chère de l'histoire à se faire reléguer. Mais à qui la faute ? Selon certains supporters, le coupable est tout trouvé. Son nom ? Tony Khan, directeur des opérations du football du club, mais aussi vice-président d'une franchise NFL et tout nouveau fondateur d'une Fédération de catch. Surtout, il est le fils du propriétaire, le milliardaire Shahid Khan. De là à dire qu'il fait joujou avec Fulham ?
AEW. Depuis le début de l’année, ces trois petites lettres secouent ce drôle de monde qu’est le catch américain. Tout simplement car, pour la première fois en vingt ans, un nouveau shérif est en ville : Tony Khan. Cet entrepreneur américain de 36 ans a en effet annoncé la naissance d’une nouvelle Fédération de catch, la All Elite Wrestling, qui pourrait à terme défier le monopole que détient la célèbre WWE sur le catch grand public. Un défi de taille rendu crédible par un argument musclé : Shahid Khan, père de Tony et investisseur dans la AEW, est milliardaire. Son fils, lui, est un passionné de catch depuis l’enfance et promet de tout donner pour voir son bébé grandir. Une grande nouvelle aux États-Unis donc, mais qui a dû faire bizarre du côté de Londres : lors de la gestation de la AEW, Tony Khan n’était-il pas censé se concentrer sur le mercato hivernal de Fulham ? En tant que directeur des opérations du football, celui-ci est effectivement en charge de la politique des transferts au sein du club, entre autres responsabilités. Et, avec une équipe aujourd’hui à deux doigts de la relégation, est-ce normal de rêver lutteurs en slip plutôt que shorts et crampons ?
Le soupçon du fils à papa
Chez les supporters de Fulham, la nouvelle aventure de Khan fils ne fait que confirmer une intuition déjà largement partagée : parachuté par son père, le garçon serait incompétent et verrait son poste à Fulham comme un simple vecteur d’adrénaline. Comme un simple jouet à sa guise. Mi-janvier, Khan s’était d’ailleurs déjà attiré les foudres de certains en répondant « va en enfer » à un fan lui demandant sur Twitter de quitter le club. Comme rapporté par Vital Fulham, un site de supporters du club, chaque nouvelle contre-performance des Lilywhites s’accompagne d’un flot de critiques adressées à Khan sur les réseaux sociaux, le dessinant régulièrement sous les traits d’un « enfant gâté » .
L’accusé ne s’en cache d’ailleurs pas : oui, il est né « avec une cuillère en argent dans la bouche » comme il le confiait récemment dans un podcast animé par Chris Jericho, star de la AEW. Lors de cette discussion, il y racontait par exemple comment son père l’a amené en jet privé à un show de catch à l’âge de treize ans. Pas commun. Mais, quant à son travail, Khan se défend : son attachement à Fulham serait sincère, et il aurait travaillé dur pour avoir mérité son poste. Mieux, il serait l’homme le mieux placé pour emmener le club dans le futur. Comment ? Grâce à une vision innovante de la data.
Un Jaguar du chiffre
Diplômé en finance à l’université de l’Illinois, Tony Khan a fait ses gammes au sein du service d’analyse data sportive des Jacksonville Jaguars, une franchise de football américain également détenue par son père. Et, à le croire, ce fut avec un certain flair : « Quand j’ai commencé en 2012, il n’y avait pas beaucoup d’équipes avec des gens en charge de ce type de boulot. Je crois qu’on a beaucoup innové dans ce domaine, et qu’on continue de le faire. » Tony Khan serait donc un pionnier de l’analyse des statistiques et autres données dans le football américain. Bien. Mais, est-ce suffisant pour justifier sa compétence en matière de soccer ? Davantage que le parachutage familial, voilà sûrement le vrai problème avec Tony Khan à Fulham : une superposition de sa vision mathématique du foot américain, sport où la performance individuelle règne, au vrai football où la culture data est moins pertinente. Depuis la prise en charge de Tony Khan en 2017, les choix de transferts du club y sont en effet profondément guidés par ce genre de données statistiques que Khan croit avec passion comme étant le futur.
Si les procédés de Fulham et de TruMedia – la compagnie d’analyse data gérée par Tony Khan – restent secrets, force est de constater que les résultats ne donnent pas satisfaction : malgré plus de 100 millions d’euros dépensés cet été sur le marché des transferts, Fulham est actuellement rangé à la dangereuse dix-neuvième place de Premier League. Surtout, la plupart des grosses acquisitions estivales (la paire de noms fous Franck-André Zambo Anguissa et Jean Michaël Séri en tête) sont des flops monumentaux, consolidant l’image incompétente de Tony Khan. On le sait bien : un fils à papa a beaucoup à prouver pour se faire accepter. Au moins pourra-t-il se consoler d’une probable relégation en mai prochain : deux semaines après la fin du championnat se tiendra en effet le premier show de la All Elite Wrestling à Las Vegas, devant plus de 10 000 personnes. Et, contrairement au football, Tony Khan aura le pouvoir de choisir les vainqueurs des combats.
Par Kerill McCloskey