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Le Jubilé du PCF
Le PCF vient de souffler ses 90 bougies. Il serait très facile de présenter les grandes problématiques qui fondent les relations complexes entre grand «monstre» politique devenu nain du jardin socialiste et le ballon rond, l'autre grande passion –mais interclassiste et pour tout dire nationale– du vingtième siècle. Toutefois, comme souvent en fait, c'est peut-être le foot qui nous en apprend davantage sur le communisme français que l'inverse... Quelques éléments de réponses chronologiques pour remonter le moral du futur fan club de Mélenchon.
1933
Pour dénoncer les calomnies de l’Auto (ancêtre de l’Equipe) qui annonçait l’adhésion de l’URSS à la FIFA (elle en exigera en vain la présidence en 1945 comme prix à payer de son héroïsme contre le nazisme), le Front Rouge, organe du rayon communiste de Villejuif du 31 décembre 1933, incite les ouvriers à boycotter ce journal. Pareille rigueur théorique manqua cruellement lors de la dernière Coupe du Monde face au rôle nocif d’un certain quotidien sportif racoleur !
1941
Charles Michel, député communiste de Paris, est fusillé le 22 octobre 1941 à Chateaubriand (six mois après l’invasion par l’Allemagne nazie de l’URSS, rompant ainsi le pacte germano-soviétique). Cet Ouvrier en chaussures (à l’époque le PC envoyait des ouvriers à l’Assemblée Nationale, un peu comme si le PS faisait élire aujourd’hui des arabes ou des noirs), était aussi un footballeur passionné. Il se rendit à ce titre pour la première fois en URSS dans le cadre d’une sélection porteuse des valeurs de solidarité “prolétarienne”. La résistance patriotique et la fascination internationaliste pour l’URSS stalinienne marqueront l’après-guerre du PCF.
1956
Écrasement de la Hongrie sous les chars de l’Armée Rouge. Si quelques intellectuels quittent la famille communiste, surtout après les révélations du rapport Khrouchtchev, le reste des troupes resserre les rangs (dans la capitale, les manifestants d’extrême droite attaquent le siège du Parti) et félicite l’URSS d’avoir saigné la “contre-révolution”. Dans l’Equipe, on s’inquiète surtout du sort du onze magique hongrois, qui avait réussi l’exploit en France de réunir sous un même chapeau “anti-boche et beau jeu” les fidèles de Moscou et les affidés du grand capital.
1968
« Le football aux footballeurs » ! Quelques exaltés, notamment autour du “Miroir du football” et de la FSGT, prennent la Bastille de la FFF et finissent comme les maquis FTP en 45 par rendre les armes devant le Gaullisme légaliste. Le PCF veut défendre les travailleurs du football de papa comme les revendications légitimes des ouvriers spécialisés. Mais la France passe au tertiaire et à la révolution sexuelle plus que prolétarienne. Les joueurs commencent surtout à comprendre que leur talent peut leur rapporter autre chose qu’un bar tabac en province. La dialectique, toujours la dialectique ou la mort !
1978
Une Coupe du Monde au cœur d’une dictature. Une réédition des JO de Berlin en plus soft mais tout autant moralement douloureux. Le PCF pourtant choisit la prudence. Normal, dans deux ans, les anneaux atterrissent à Moscou et ces salauds de gauchistes et d’Américains se préparent à calomnier “la patrie du socialisme”. Au troc des indignations, les JO de Brejnev l’emportent sur le Mondial de Videla ! Bientôt la génération droits de l’homme et Mandela passera au Rugby !
1986
Georges Marchais, qui lit l’Equipe avant l’Humanité le matin sur le chemin de Colonel Fabien, ne sait pas encore que les jours de son URSS chérie sont comptés. Justement la France tombe sur l’équipe soviétique en poule (et également la Hongrie). Mais les formations des pays “frères” n’inquiètent plus grand monde et les Bleus ont grandi (ils ne pleurent plus à l’idée de lutter contre la RDA ou la Roumanie). Un 1 à 1 diplomatique permet aux deux de se qualifier (l’URSS s’incline ensuite devant “l’ogre” belge). Le Bloc de l’Est est mort sur le terrain de foot avant le coup de grâce de Gorbatchev. Des journalistes roublards, qui avaient piqué les fiches d’Elkabbach, ont demandé à Marchais en faveur de qui penchait son cœur lors de ce fameux match. Étrangement aucune question pour France-Allemagne…
1998
La banlieue rouge (ou ce qu’il en reste) accueille le Stade de France et son maire encore communiste, Patrick Braouezec (dernier héritier de la grande tradition ouvrière bretonne dans la cité des rois de France) en profite pour obtenir le recouvrement de l’autoroute (c’est beau un succès de gauche dans les revendications). Marie-Georges Buffet aura de son coté été la seule Ministre des Sports a assisté à une victoire tricolore en Coupe du Monde. Plus sympa à mettre sur son CV ou sa notice du Who’s Who que son score de 2007.
2010
Patrick Braouezec a quitté le Parti et s’occupe désormais de la fondation du football (succédant à Philippe Séguin, son regretté alter ego gaulliste, ultime rempart old school des grandes familles perdues de la politique française). Pour rester au contact des classes populaires ?
Par Nicolas Kssis-Martov
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