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Le jour où Zidane dansait face au Super Depor
Le Deportivo La Corogne sera donc le premier test de Zinédine Zidane en tant que coach principal du Real Madrid. Une équipe contre laquelle l’ancien meneur de jeu avait déjà frappé très fort en cours de saison 2001-2002. Un match entré dans la légende.
« Zidane, c’est moi et Michael Jordan réunis. » La punchline est lourde, et à vrai dire, elle ne sort pas de la bouche de n’importe qui. Monument retraité des Los Angeles Lakers, Earvin « Magic » Johnson vient de claquer un switch via la parole. En même temps, l’ancien meneur sait de quoi il parle. Depuis les tribunes VIP du stade Santiago-Bernabéu, le géant s’est littéralement extasié devant les prouesses du numéro 5 du Real Madrid, dans un match pas tout à fait comme les autres. Le 5 janvier 2002, pour le choc de la 19e journée de Liga, le Real affronte le Deportivo La Corogne. Au point de vue du classement, le dauphin reçoit le leader pour se disputer le titre de champion d’automne. Vraiment, on ne peut pas faire mieux pour fêter la nouvelle année civile.
90 minutes avant les paroles de Magic pourtant, l’heure n’est pas à la fête pour Zinédine Zidane, loin de là. Arrivé au sein de la Maison Blanche avec l’étiquette du plus gros transfert de l’histoire, les 73,5 millions d’euros pèsent lourd dans les chaussettes de Zizou malgré un départ encourageant. Mais au Santiago-Bernabéu plus qu’ailleurs, le bon ne suffit pas. Seule compte l’excellence. Ce soir donc, Zidane va devoir prouver qu’il est de la taille des patrons, ceux qui brillent quand on les attend le plus. Les vingt-deux acteurs pénètrent sur la pelouse, le public madrilène acclame son équipe. L’heure de vérité sonne.
« Quand tu vois un but comme celui-là, il faut l’accepter ! »
Vainqueur de la Liga avec son Super Depor deux ans auparavant, Javier Irureta croit fermement aux chances de son équipe. « Depuis plusieurs années déjà, nous avions engrangé beaucoup de confiance, explique l’entraîneur. C’était une époque où nous pouvions jouer les deux premières places. Le terrain du Real Madrid, c’est toujours un endroit où il fallait être très fort pour récupérer des points. Cette année-là, il y avait Zidane certes, mais aussi d’autres joueurs capables de nous surprendre : Raúl, Figo, Roberto Carlos… » Pas à pas, l’équipe des Galactiques est en pleine construction.
Aux avant-postes, le duo Raúl-Morientes est digne d’une entente entre frères siamois. Le premier sert le second en profondeur, José Francisco Molina est fixé, la frappe à ras de terre est imparable (6e).
Le Real mène dans une ambiance indescriptible. Oui mais voilà, cette équipe n’est pas encore tout à fait prête. À l’image du penalty concédé deux minutes plus tard et transformé par Roy Makaay, la Casa Blanca sent encore la menace d’une contre-performance. Elle a besoin d’un maître créateur, d’un magicien à la Johnson. Comme Zidane, elle recherche le déclic. L’engagement est donné, le Real Madrid construit son offensive et avance en meute. La suite, les images la racontent mieux que personne.
Scotché par un tel bijou, Irureta garde encore en mémoire ce moment de grâce : « Pfff… Quand tu vois un but comme celui-là, il faut l’accepter ! C’est un geste à la Zidane, dans la surface de réparation. Dans ces cas-là, il n’y a pas grand-chose à faire… » Victime de ZZ sur ce ballet incroyable en compagnie d’Hector et de Mauro Silva, Donato trouve son mot à dire. « C’est un but magnifique… Sûrement l’un des plus beaux de la Liga espagnole. Quand un best of des buts de Zidane apparaît en Espagne, celui-là est obligatoirement dedans ! »
Enfin, Zidane enchante les 70 000 spectateurs du Bernabéu. Le maestro retrouve la symphonie de ses grandes heures bordelaises, turinoises et tricolores. Désormais, la superstar est définitivement lancée. « C’était son premier très grand moment au Real, analyse Irureta. Zidane aime faire ce genre de gestes et le public madrilène adore les séquences magiques. Seuls les grands joueurs sont capables de réaliser cela devant un tel public. Cette rencontre lui a donné plus d’aisance, les fans étaient tous conquis après cela, ils l’applaudissaient de plus en plus. » Zizou danse avec les stars.
« C’était le meilleur joueur du monde »
Cette fois, le Super Depor ne peut pas rendre la pareille au Real, la pilule est trop grosse à avaler. Sur leur nuage blanc, les Madrilènes enchaînent les grosses séquences de jeu.
Vicente del Bosque aligne ses éléments avec sens et minutie, Florentino Pérez contemple la beauté de sa nouvelle acquisition. « Le charisme de Zidane à cette époque, c’était une arme redoutable, explique Irureta. Il avait déjà une énorme réputation avec Bordeaux puis la Juventus, c’était le meilleur joueur du monde à l’époque. Le Real Madrid obtenait la recrue qu’il souhaitait. Il est devenu la pièce incontournable du Real de par sa façon d’être : une élégance sur le terrain, une technique de frappe bien particulière, une vision du jeu unique avec les deux pieds. Tout avait l’air facile chez lui. » Donato abonde dans le sens de son ancien coach. « Zidane avait une attitude de bien-être sur la pelouse, un contrôle du ballon parfait. J’aimais jouer contre lui, c’était un challenge. Il était de la classe des grands : Pelé, Zico, Cruyff, Ronaldo, Ronaldinho… Des joueurs exceptionnels. »
Parfois, même le génie peut admirer une superbe action construite par ses coéquipiers. Roberto Carlos lance Raúl, pour un coup du sombrero suivi d’une reprise du pied droit. 3-1, le Depor ne reviendra plus (65e). Après une série de prouesses techniques en tous genres, le double Z laisse sa place à Guti afin de recevoir une immense ovation du Bernabéu. Le lendemain, le quotidien Marca parle d’un « Raúl meilleur joueur du match » quand Zidane « appose sa signature avec un but magistral » . Un type de buts que le Real Madrid retrouvera plus tard dans la saison, lors d’une certaine finale de Ligue des champions face au Bayer Leverkusen… Et si le joueur Zidane était à cet instant une icône à part entière, l’entraîneur va maintenant bientôt faire ses preuves. « La façon dont il est entré en contact avec le groupe me paraît bonne, conclut Irureta. Il connaît presque tous les joueurs parce qu’il avait déjà été l’adjoint d’Ancelotti. Tout le monde parle en bien de lui au club… Zidane possède le respect du vestiaire. Nous allons voir si la chance le suit, mais j’aimerais bien le voir réussir à Madrid et remplir ses objectifs. » D’accord, mais comment faire mieux que Magic et MJ23 réunis ?
Les temps forts madrilènes du match avec « Harry Potter » :
Par Antoine Donnarieix