- Russie
- 90 ans de la naissance de Lev Yachine
Le jour où Yachine a porté le maillot du Dynamo Moscou en équipe nationale
Lors de l'Euro 1964, juste après avoir reçu le Ballon d’or 1963, Lev Yachine a arboré le maillot du Dynamo Moscou (cette célèbre tunique floquée d'un D majuscule) en équipe nationale. Loin d'être un choix stylistique personnel, il s'agissait là d'un message politique envoyé par l'URSS.
Ce mardi 22 octobre 2019, la Russie célèbre les 90 ans de la naissance de Lev Yachine, seul gardien de but à avoir, à ce jour, remporté le Ballon d’or, en 1963. Pour marquer le coup, l’actuel portier du Dynamo Moscou, Anton Shunin, a arboré ce dimanche un béret et un maillot noir floqué du « D » de Dynamo, tenue mythique de Yachine. L’occasion de se remémorer une drôle d’histoire concernant cette tunique noire ( « bleue très foncée » , avait précisé sa femme dans une interview à TheBlizzard) si chère au gardien soviétique, qui a fait toute sa carrière dans ce seul club (1950-1970).
? Players entered the pitch with a portrait of Lev Yashin on their shirts in the memory of the great goalkeeper. #RPL #DynamoKrasnodar pic.twitter.com/VNZzM1hXsT
— Russian Premier Liga (@premierliga_en) October 20, 2019
Décision politique
Nous sommes le 27 mai 1964. Après avoir écarté l’Italie en huitièmes, l’URSS dispute, à Moscou, un quart de finale retour d’Euro face à la Suède. Quelques jours plus tôt, le magazine France Football a élu Lev Yachine Ballon d’or 1963. Le trophée doit lui être remis avant la rencontre face à la Suède. Or, lorsqu’il se présente sur la pelouse pour recevoir son bien doré, Yachine n’arbore ni le maillot qu’il porte d’habitude en équipe nationale (tout noir, sans la moindre inscription), ni celui de ses coéquipiers, le célèbre rouge avec les lettres « CCCP » (la version cyrillique de « URSS » ). Non, il débarque sur la terrain avec le maillot… du Dynamo Moscou, noir, avec un joli « D » stylisé brodé dessus.
Un simple détail stylistique ? Loin de là. Les journaux de l’époque expliquent que ce choix d’arborer le « D » de Dynamo en équipe nationale n’a en effet rien d’anodin. C’est une décision totalement politique de la part de ceux qui tirent les ficelles en Union soviétique. En effet, la Dynamo Sport, société sportive fondée en 1923, qui détient tous les Dynamo d’URSS (Dynamo Moscou, Dynamo Kiev, Dynamo Tbilissi…), est alors l’entreprise de la police politique soviétique (le KGB, ex-Tchéka).
Or, nous sommes un an et demi après la crise des missiles de Cuba (octobre 1962), et même si les relations entre l’URSS et les États-Unis tendent à s’apaiser depuis ce point culminant, l’Union soviétique ne manque pas la moindre occasion de montrer son omniprésence. Le fait d’afficher ce « D » sur Yachine, lui le symbole sportif de la puissance soviétique, le jour où il est élu meilleur footballeur du monde, est un puissant message politique de la police. Comme pour dire : « Nous sommes là, nous contrôlons tout » .
Sous les yeux de Franco
Avec ce « D » sur le cœur, Yachine réalise une prestation énorme face aux Suédois. L’URSS s’impose 3-1 (1-1 à l’aller) et se qualifie pour le tournoi final, qui a lieu en Espagne du 17 au 21 juin 1964. À nouveau, pour la demi-finale victorieuse contre le Danemark (3-0) disputée à Barcelone, et la finale perdue contre l’Espagne (1-2) à) Madrid, Yachine porte le maillot noir du Dynamo Moscou. Plus qu’un simple message politique, cette fois-ci, il s’agit carrément d’un joli pied de nez de la police politique soviétique au général Franco, sur ses terres, et sous ses yeux.
Par Éric Maggiori