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Le jour où Tottenham a démoli Everton 10-4
Tottenham contre Everton, c’est l’histoire d’un duel entre deux clubs qui font partie des grands de l’histoire du football british, mais qui courent depuis des années derrière un nouveau titre. Ce dimanche, les Spurs, deuxièmes du classement, reçoivent les Toffees, septièmes. L’occasion de revenir sur l'un de leur duel historique, il y a bientôt 60 ans.
11 octobre 1958. À une époque où le Ballon d’or s’appelait Raymond Kopa (RIP), les Spurs ne font pas partie de l’élite anglaise comme c’est le cas aujourd’hui : ils n’ont remporté qu’un championnat et deux FA Cup. Everton, de son côté, est déjà plus reconnu : son nom figure déjà au palmarès de cinq championnats et de deux coupes. Pourtant, en ce début de saison 1958-59, si les deux clubs végètent en bout de classement, c’est bien Tottenham qui est devant. Le club londonien pointe à la 16e place sur 22, avec 9 points seulement en onze rencontres (trois victoires, trois nuls, cinq défaites), tandis qu’Everton se trouve encore plus bas, en 20e position, avec 8 points.
Après un début de championnat très compliqué, les Spurs ont un peu redressé la barre et restent sur un bilan de six points sur dix (à l’époque, une victoire vaut deux points, ndlr). Les Toffees, qui ont entamé la saison sur une série de six défaites, sont, eux aussi, sur une pente ascendante : de leurs cinq dernières rencontres, ils en ont remporté quatre. Ce match de bas de classement peut donc marquer un coup d’arrêt pour l’un des deux adversaires, qui veulent chacun continuer sur sa lancée. Les 38 000 spectateurs présents à White Hart Lane ne sont pas près d’oublier ce qui va se passer.
Nicholson, le disciple
Tottenham prépare son match d’une façon pour le moins rock and roll. Quelques jours avant la rencontre, le coach, Jimmy Anderson, quitte le club. Bill Nicholson, qui est déjà dans le staff et connaît parfaitement la maison – il y a joué toute sa carrière, de 1938 à 1954, et a donc participé au premier titre en 1951 – s’entretient avec la direction. Selon certains, Anderson était à Tottenham ce que Franck Passi est aujourd’hui à Lille : un intérimaire, en attendant l’élu. Nicholson était vu comme le disciple d’Arthur Rowe, qui l’avait eu sous ses ordres et qui avait mené Bill et les Spurs vers leur premier titre en 1951. Plutôt réticent au premier abord, Nicholson se dit que l’arrivée d’un nouveau coach pourrait lui coûter sa place. Il accepte donc le poste, mais l’annonce officielle ne se fait que le matin du match. « On ne savait pas que Bill avait été désigné coach, jusqu’à ce qu’il arrive le jour du match » , raconte Terry Medwin, l’un des buteurs du jour.
Ce changement d’entraîneur, aussi surprenant soit-il, va en tout cas donner des ailes aux Spurs. « On était tristes d’apprendre que Jimmy Anderson devait s’en aller, mais on était contents pour Bill, se rappelle Smith, le capitaine de l’époque. Croyez-moi, on a joué ce match pour lui. » Dans l’effectif du jour, on retrouve déjà des joueurs qui grimperont au firmament du football anglais les années suivantes sous la houlette de Nicholson : Peter Baker, le latéral droit, Danny Blanchflower, nommé joueur de l’année la saison précédente et futur capitaine du grand Tottenham de Nicholson, ou encore l’attaquant Bobby Smith. L’une des décisions importantes de Nicholson sera aussi de remettre en selle Tommy Harmer, « le Charmeur » , très apprécié par les fans pour ses dribbles et son agilité au ballon et qui sera l’un des artisans de la victoire.
Des débuts en fanfare
Les premiers instants de ce match entre Tottenham et Everton sont décrits à l’époque par le Daily Mirror comme une « avalanche » . Dès la deuxième minute, Alf Stokes ouvre la marque pour les Lillywhites. Everton, qui sera loin d’être ridicule pendant le match malgré la sévérité du score, égalise très vite via Jimmy Harris. La suite de la mi-temps ressemble à un match de Wimbledon : Tottenham fait le break et mène 6-1 après le premier set, grâce à Smith, qui en plante deux, George Robb, Terry Medwin et à nouveau Alf Stokes, qui inscrit son doublé.
La deuxième période commence comme la première, avec un but très rapide : les Toffees réduisent l’écart comme ils peuvent et reviennent à 6-2 par Jimmy Harris, à nouveau. Pas de quoi faire douter les Spurs sauce Nicholson, qui continuent à planter les roses dans le but d’Albert Dunlop, le gardien d’Everton : un troisième et un quatrième but de Smith et un de Tommy Harmer portent le score à 9-2. L’attaquant des Toffees Jimmy Harris se permet quand même d’inscrire un triplé pour revenir à 9-3 à la 83e. Dans les dernières minutes de la rencontre, Johnny Ryden fait trembler pour la dixième fois les filets d’Everton, et l’Écossais Bobby Collins inscrit le quatrième des siens. 10-4, merci.
Les prémices de la gloire
Personne ne le sait à l’heure où l’arbitre siffle la fin de la rencontre, mais ce premier match resplendissant – la plus nette victoire de l’histoire des Spurs à l’époque – de l’ère Nicholson augure de bien belles années pour les Londoniens. Tottenham finit tout de même en bas de classement à la fin de la saison, à une peu réjouissante 18e place – alors qu’Everton termine 16e –, mais la gloire est proche. Très apprécié par les supporters et par ses joueurs, Nicholson va tirer le maximum de son équipe pour aller au plus haut. « Il vaut mieux échouer en visant haut, que réussir en visant bas. Chez lesSpurs, on met nos objectifs très haut pour que, même dans nos échecs, il y ait un écho de gloire » , disait-il à ses joueurs, selon le capitaine Danny Blanchflower. « Bill était un grand homme comme joueur, et comme entraîneur. Tout le monde le respectait, explique Terry Medwin, buteur lors du 10-4 d’octobre 1958. C’était quelqu’un de très calme, mais il te remontait vite les bretelles s’il y avait un problème. Tout était très chouette quand Bill était notre coach, c’était très agréable. »
Deux saisons plus tard, Nicholson emmène les Lillywhites sur le toit de l’Angleterre : lors de la saison 1960-1961, Tottenham réalise le doublé Coupe-Championnat. Ils sont les premiers à réaliser cet exploit dans l’histoire du football britannique. Danny Blanchflower, déjà présent lors de la victoire 10-4, sera d’ailleurs nommé joueur de l’année à l’issue de la saison. Par la suite, Nicholson et les siens remportent encore deux FA Cup, en 1962 et 1967. Ils deviennent aussi le premier club britannique à remporter un tournoi européen majeur, la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, en 1963 et, neuf ans plus tard, inscrivent également leur nom au palmarès de la Coupe UEFA 1972. Si l’on compte également les deux Coupes de la Ligue de 1971 et 1973, l’armoire à trophées de Bill Nicholson en tant qu’entraîneur des Spurs est donc garnie de huit titres. Soit près de la moitié du palmarès de Tottenham (dix-sept titres depuis la création du club) dans les compétitions majeures. Ce n’est pas pour rien qu’une route menant à White Hart Lane, le stade qui a accueilli ses exploits, porte son nom.
Par Arthur Lejeune
Propos de Terry Medwin et Bobby Smith recueillis sur le site du club.
Propos de Blanchflower, citant Nicholson, recueillis sur le site du National Football Museum.