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Le jour où Simeone a fait pleurer la Juve
Ce soir, Diego Simeone se déplace à Turin pour y affronter la Juventus. L'actuel coach de l'Atlético Madrid n'évoque pas forcément de bons souvenirs aux tifosi turinois. En effet, il leur a déjà fait mal. Très mal.
Trois. Trois doigts, trois points. Diego Simeone est là, sous le virage des supporters de la Lazio, son bras droit levé vers le ciel. Il indique le chiffre trois. C’est le nombre de points qui séparent la Juventus de la Lazio, au terme des 90 minutes les plus palpitantes de toute cette saison 1999-00. Simeone est en transe, tout comme le reste de son équipe. Car il vient de réaliser là une performance énorme. Il vient surtout d’écrire en lettres majuscules l’histoire de la Serie A. Le lendemain, le Corriere dello Sport titre en Une : « Historique » , avec une photo du Cholo. Pourtant, la Lazio n’a rien gagné ce jour-là. Elle a juste pris en mains son destin, à l’instar de son milieu de terrain argentin. Lui-même qui, ce soir, sera assis (ou debout) sur le banc de l’Atlético Madrid. 14 ans plus tard.
Neuf points d’écart, puis six, puis…
« Qui a arrêté de lutter ? Qui a arrêté d’y croire ? Qui a arrêté de rêver ? Moi, non. Et je n’arrêterai jamais. » Le jour où il prononce ces mots, Sven Göran Eriksson passe pour un fou. Nous sommes le 19 mars 2000. Sa Lazio vient de s’incliner 1-0 sur la pelouse du Hellas Vérone, pour le compte de la 26e journée de Serie A. Dans le même temps, la Juventus s’est imposée lors du derby turinois. Il reste huit journées à disputer et le classement dit : Juventus 59, Lazio 50. Les jeux sont faits. Pourtant, Eriksson veut encore y croire. Et une once d’espoir renait la semaine suivante. La Juve s’incline face au Milan AC et le lendemain, la Lazio remporte le derby face à l’AS Roma. Les neuf points d’écart ne sont plus que six. Tiens tiens, la 28e journée réserve justement un Juventus-Lazio où tout va se jouer. « La mère de tous les matchs de la saison » titre le matin même la Gazzetta dello Sport, pas dupe sur l’enjeu d’une telle rencontre. Les joueurs non plus, d’ailleurs. « C’est assez simple, nous allons à Turin pour gagner. Ce n’est pas un souhait, c’est la seule possibilité que nous ayons » affirme alors Simone Inzaghi, attaquant laziale qui, pour l’occasion, affrontait son frangin.
La situation est cocasse. La saison précédente, la Lazio était en tête du classement, loin devant le Milan AC. Mais dans le sprint final, elle avait chuté à deux reprises, une fois contre la Roma et une fois contre la Juve, et s’était ensuite fait rattraper par le Milan AC. Cette fois-ci, situation inverse. La Lazio est deuxième, et c’est justement avec des victoires contre la Roma et la Juve qu’elle a l’occasion de rouvrir les débats. « La situation de la Juve, nous la connaissions, car nous avions vécu la même chose la saison précédente, racontera plus tard Sven-Göran Eriksson au journal Lazialità. Ils avaient tout à perdre et devaient s’auto-convaincre que leur avance en tête du classement était suffisante. C’est justement quand nous nous sommes dit ça, la saison d’avant, que nous nous sommes écroulés. » Le 1er avril, 55 000 spectateurs se pressent au stadio delle Alpi. D’un côté, Ferrara, Conte, Davids, Zidane, Del Piero et Inzaghi. De l’autre, Mihajlović, Conceição, Veron, Simeone, Nedvěd et l’autre Inzaghi. La Serie A comme on l’aime, bordel.
« Tu auras toujours une occasion »
La rencontre est disputée. Très disputée. Des occasions des deux côtés, mais les défenses sont attentives. 0-0 à la pause. Arrivé à l’été 1999 à Rome en provenance de l’Inter, Diego Simeone rentre alors aux vestiaires avec une idée fixe. « Deux années auparavant, j’avais disputé un match similaire face à la Juve avec l’Inter. Ils étaient premiers, nous étions deuxièmes. Il y avait eu tout un bordel avec ce penalty non sifflé sur Ronaldo, et nous avions perdu 1-0. J’avais retenu une chose de ce match : dans une telle rencontre, tu auras toujours une occasion. Et celle-là, il faut la mettre » racontera le Cholo dans une longue interview des célèbres vidéos Logos, retraçant l’épopée laziale de la fin des 90’s. L’Argentin va passer de la parole aux actes. On joue la 65e minute. « La minute qui change le destin du championnat » , comme l’assure le résumé du match de l’époque de la chaîne Rete4. Ciro Ferrera, défenseur turinois, reçoit un deuxième carton jaune et est expulsé. Carlo Ancelotti n’a pas le temps de replacer sa défense, et 30 secondes plus tard, la Lazio frappe. Veron invente une merveille de centre, Simeone s’élève au point de penalty et vient tromper Van der Sar de la tête. 1-0.
La Juve se rue à l’attaque, mais les minutes s’envolent, et la Lazio gare un tank devant les cages de Balotta, déjà vieux et déjà chauve. Au coup de sifflet final, les joueurs biancocelesti lèvent les bras au ciel. Simeone, héros du jour, s’en va comme un dingue fêter le succès avec les supporters venus en nombre. Vexé par une telle démonstration de joie, Luciano Moggi envoie des piques à la fin du match. « J’ai eu peur : j’ai vu comme les joueurs de la Lazio ont célébré leur victoire et j’ai cru qu’ils nous avait dépassés. Heureusement, j’ai regardé le classement, et j’ai vu que nous avions encore trois points d’avance » , affirme-t-il. Mais Lucky Luciano avait oublié un détail : Diego Simeone. Lors des quatre dernières journées de championnat, le Cholo plante quatre buts (un par match contre Piacenza, Venezia, Bologna et la Reggina), et la Lazio, au buzzer, passe devant la Juve (défaite lors de la dernière journée sous le déluge de Perugia). Un Scudetto attendu depuis 24 ans. Un Scudetto remporté en grande partie ce 1er avril 2000 par Diego Simeone et son coup de casque. Forcément, ce soir, les supporters de la Juventus sauront s’en souvenir.
Par Éric Maggiori