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Le jour où Rodez a fait dérailler le PSG
On entend souvent que le PSG a de la chance au tirage de la Coupe de France. Contrairement à ses acolytes de Ligue 1, c’est juste que le club parisien tient son rang face à des équipes amateurs. À deux exceptions près : Clermont, en 1997, et Rodez, en 2009. Sous les grêlons de l’Aveyron.
Lors des OM-PSG, Jérôme Rothen a toujours pris un malin plaisir à chambrer le public marseillais et se faire détester du Vélodrome. À Furiani, le Parisien recevait des boulons dans la gueule. Avec l’AS Monaco, en Ligue des champions, il a visité certains des plus prestigieux stades européens. Plus tard, il a connu la bouillonnante ferveur des supporters turcs lors d’une pige au MKE Ankaragücü. Bref, Rothen a trimbalé sa patte gauche et sa crinière blonde dans pas mal de chaudrons, mais pourtant il l’assure : l’ambiance la plus hostile qu’il ait connue, c’est celle du stade Paul-Lignon de Rodez… « Je n’avais jamais mis les pieds à Rodez, je me suis fait insulter comme jamais, racontait en janvier dernier celui qui s’est reconverti comme consultant, sur RMC. On a pris des grêlons comme ça (de la taille d’une balle de golf, ndlr) et des crachats ! »
Ce bourbier du stade Paul-Lignon et Paris avec les titulaires
Le « traquenard » , comme le qualifie Rothen, remonte au mercredi 4 mars 2009. Rodez, qui squatte le ventre mou du National, affronte le Paris Saint-Germain en huitième de finale de la Coupe de France. Pour accueillir le club de la capitale en pleine semaine, le RAF – pour Rodez Aveyron Football – préfère son modeste écrin à une délocalisation dans une plus grande enceinte de la région, comme Toulouse ou Albi. L’ambiance hostile contre les Parisiens ? « Ils la méritaient, tranche Rémy, étudiant à l’époque et Aveyronnais pur jus, qui était présent en tribune avec ses potes. À l’échauffement, ils n’en avaient rien à cirer. Les Parisiens ont fait deux allers-retours et un toro, celui qui perdait se prenait une pichenette… »
Et pourtant, Paul Le Guen avait mis la grosse équipe. Lui, l’adepte du turnover lors des matchs européens au cachet notable (comme le 3-1 reçu à Schalke au début de la saison, et une qualification pour les 16e de finale de la C3 arrachée lors du dernier match de la poule face à Twente), choisit d’aligner tous ses meilleurs joueurs à Rodez ! Avec les suspensions de Makelele et Sessègnon, et la blessure de Sakho, voilà le onze titulaire : Mickaёl Landreau – Ceará, Traoré, Camara, Armand – Pancrate, Chantôme, Clément, Rothen – Luyindula, Hoarau. Le PSG est alors en pleine forme : deuxième de Ligue 1, il vient de dérouiller le VfL Wolfsbourg (champion d’Allemagne, cette année-là) en Coupe UEFA. Et cela va se vérifier d’entrée de jeu.
Les grêlons et la cocotte minute
Un coup franc lointain botté par Jérôme Rothen et c’est le grand Sammy Traoré qui ouvre le score de la tête, à moins que ce ne soit de l’épaule – (0-1, 10e). Ce but va paradoxalement libérer les Ruthénois. « Après l’ouverture du score, petit à petit, Paris a déjoué. Nous, on s’est créé une première occasion, une deuxième… On a pris confiance » , situe l’entraîneur Franck Rizzetto. Le coach du RAF se rappelle les conditions dantesques : « Il faisait froid, il y avait de la grêle, du vent ! » Mais le stade bouillonne à l’unisson quand le RAF égalise au milieu de la seconde période sur une frappe en force de Jérémy Choplin. « Ça a redonné un peu de boost. On était galvanisés » , lâche le buteur. Dans le temps additionnel, Guillaume Hoarau donne des sueurs froides aux Aveyronnais, mais le score reste bloqué à 1-1. Rodez emmène le PSG en prolongation.
Après le portier ruthénois, c’est Mickaël Landreau qui sort une parade de classe. Et puis vient la 116e minute : quand Jérémy Choplin décoche une frappe à trente mètres des cages. Tout le stade Paul-Lignon retient son souffle… et exulte ! Rodez mène 2-1. À vitesse réelle, Landreau passe pour une passoire, sauf que c’est Tripy Makonda qui dévie la trajectoire. « Si elle n’est pas contrée, elle atterrit en tribune » , avoue Jérémy Choplin, milieu défensif mué en serial buteur. L’ambiance devient incandescente, et la « cocotte minute » explose quand Miguel Pacios scelle l’exploit du RAF dans les derniers instants.
« Sur le troisième but, je suis entré sur le terrain, je sautais comme un jeunot » , se marre Franck Rizzetto. Il y a les 6 000 supporters en jaune et rouge en tribunes, les 1 500 qui n’ont pas pu se procurer un billet rassemblés devant l’écran géant de la salle de spectacle municipale, et même les internes du lycée Foch qui avaient une vue imprenable sur le terrain depuis les salles de classe de leur bahut. Bientôt, c’est tout Rodez qui envahit l’avenue Victor-Hugo et se donne rendez-vous devant la cathédrale pour « un remake de France 98. Il y avait des gens debout sur les bus, les voitures » , narre Jérémy Choplin. « T’as pas un gars qui est rentré dormir à la maison. C’était fumigènes et klaxons de partout » , reprend Rémy, le supporter, qui prolongera la fête avec le reste de l’équipe en boîte de nuit. Comme quoi, ça valait le coup de se prendre des grêlons sur la tronche pendant toute la seconde période.
Par Florian Lefèvre
Propos de Franck Rizzetto, Jérémy Choplin et de Rémy recueillis par FL