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Le jour où Reims a tapé Lille 7-1 au Vélodrome

Par Eric Carpentier
Le jour où Reims a tapé Lille 7-1 au Vélodrome

Il y a 60 ans, le Stade de Reims remportait le premier Challenge des champions, ancêtre de. Un match joué à Marseille contre le LOSC, et un vrai passage de témoin entre les deux clubs. Une histoire qui commence par un enfilage de menottes sur le terrain.

Ce n’était pas encore le Trophée des champions, et il ne se jouait pas à Tanger, New-York, Angondjé ou Pékin. La destination n’en était pas moins exotique, vue du Nord de la Loire : le 14 septembre 1955, Reims et Lille s’en sont allés à Marseille pour un match opposant le champion rémois et le tenant de la Coupe lillois, au Vélodrome. 5 000 personnes ont ainsi assisté au massacre de l’arrière-garde des Dogues par le jeu à la rémoise. Sept buts signant l’épilogue d’une histoire débutée quelques mois plus tôt, par l’entrée en jeu des gendarmes pendant un match du côté de Rouen.

À moi, à toi, à toi, à moi

Le 14 septembre à Marseille, rien ne permet, a priori, d’imaginer un tel écart de niveau entre les deux clubs. Le Stade de Reims, frais champion 1955, reprend alors le sceptre au LOSC, champion 1954 en ayant détrôné le Stade, roi en 1953 et dauphin en 1954. Une lutte dans les hautes sphères du championnat qui se prolonge en Coupe de France : Reims repart avec le trophée en 1950, Lille l’embarque en 1953 et 1955 – avec une élimination du futur champion en 8e de finale. Mais, derrière les apparences, tout n’est pas rose pour le club du Nord : « La saison 54-55 est une saison paradoxale pour Lille » , se souvient Patrick Robert, historien du LOSC. « On fait un championnat pitoyable, on termine 16es sur 18. Et dans le même temps, on gagne la Coupe de manière étincelante, en éliminant tous les ténors. Cette Coupe a été l’arbre qui cache la forêt, la victoire a empêché les dirigeants de regarder la réalité de la situation. » Des dirigeants qui auraient pourtant dû être échaudés par leur erreur du début de saison. Erreur qui porte un nom : Zakariás. Enfin, pas vraiment.

« Passez-moi la balle, j’irai marquer deux-trois buts »

József Zakariás est un membre du Onze d’or hongrois arrivé en finale de la Coupe du monde 1954. Joueur du Vörös Lobogó, il est convoité par les plus grands clubs, et, quelques jours plus tard, le LOSC n’est pas peu fier de présenter son nouveau joueur à la presse convoquée en grande pompe. « Des journalistes trouvaient qu’il ne ressemblait pas exactement au joueur qu’ils avaient vu à la Coupe du monde, mais, après tout, si le président Henno assurait que c’était lui, il y avait lieu de le croire » , raconte Patrick Robert. La première occasion d’admirer le joueur à l’œuvre sur les prés français vient dans la foulée, à l’occasion d’un match amical contre le FC Rouen. « Dans le bus, il disait aux autres joueurs : « Si ça ne va pas, passez-moi la balle, j’irai marquer deux-trois buts. » Arrivé dans les vestiaires, il avait du mal à faire ses lacets… » La farce continue sur le terrain : maladroit et dangereux, il brise la jambe de Melchior, joueur de Rouen, avant de voir les gendarmes débarquer sur le terrain pour l’emmener en prison, sa résidence pour deux mois.

Car en fait de Zakariás, le LOSC a récupéré un légionnaire tchécoslovaque ayant déserté l’Indochine. Se présentant à Lille comme étant le József de Hongrie, les dirigeants ne se méfient pas et l’enrôlent : « L’enquête s’est terminée pendant le match, d’où l’intervention sur le terrain. Le matin, les gendarmes ont reçu un télégramme du vrai Zakariás, assurant qu’il était en train de boire un verre sur la place centrale de Budapest ! » Une erreur magnifique qui coûtera bien plus à Lille que la réputation de ses dirigeants en matière de transfert. Car, voyant le pseudo Hongrois débarquer, le board du LOSC a laissé partir Van der Hart, patron de la défense. Ce dernier non remplacé, c’est le point fort de l’équipe qui se voit considérablement affaibli. Une épingle pour Lille, un boulevard pour Reims.

Défense de fer et destin à la rémoise

En 1954, Lille termine meilleure défense du championnat avec 22 buts encaissés, record seulement dépassé par l’OM 45 ans plus tard (21 buts, saison 98-99). De son côté, le Stade de Reims développe un jeu offensif, emmené par son meneur de jeu Raymond Kopa. Si ce dernier ne joue par le Challenge de 55 pour les Rouge et Blanc, au contraire de Michel Hidalgo, les coéquipiers de René Bliard (triplé) ne se privent pas d’en passer sept à l’ancienne « défense de fer » transformée en mousse. Et tout un destin de dévier son chemin : « Vu le résultat, le match est passé par pertes et profits dans la mémoire collective lilloise. Mais surtout, il marque un tournant dans l’histoire du LOSC. C’est le chant du cygne. Deux ans plus tard, on est relégués. » Alors que, dans le même temps, Reims peut écrire ses glorieuses pages européennes. La Coupe des clubs champions européens est créée en 1955, et le Stade de Reims y participe régulièrement, fort de ses quatre titres en huit championnats à compter de cette année-là. Il parvient deux fois en finale contre le Real Madrid, dont la défaite légendaire, 3-2, pour la première de la Coupe en 1956. Un match joué à Paris. Peut-être que Marseille eut été mieux indiqué. Ou Lille.

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