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- Disparition de Pelé
Le jour où Pelé a inscrit son 1000e but
Disparu ce jeudi 29 décembre à l'âge de 82 ans, Pelé était définitivement devenu le Roi en marquant le 1000e gol de sa carrière professionnelle, le 19 novembre 1969 au Maracanã. Penalty dans les dix dernières minutes, but sous une pression de malade, terrain envahi : le Brésilien avait bel et bien le sens du spectacle.
Le 19 novembre 1969, stade du Maracanã. Il ne reste plus que cinq minutes à jouer dans le match entre Santos et le Vasco de Gama. Les tribunes se sont vidées. Si Santos mène 2-1, le match n’a plus aucun intérêt. Les deux équipes ne jouent plus rien en cette fin de championnat, largement dominée par Palmeiras. Pourtant, cinq minutes plus tôt, l’enceinte de 80 000 places était pleine à craquer et en ébullition. Cinq minutes plus tôt, le Roi Pelé réalisait un tour d’honneur, entouré de milliers de spectateurs et journalistes en plein milieu du terrain. Cinq minutes plus tôt, le Roi Pelé forgeait sa légende en célébrant le millième pion de sa carrière professionnelle. Cinq minutes plus tôt, le Roi Pelé faisait oublier que le football était un sport collectif.
Envahissement de terrain et tour d’honneur
Un mois auparavant, la presse brésilienne remarque que Pelé est très proche d’atteindre la barre mythique. Après des calculs peut-être un peu aléatoires, il est convenu que l’idole est bloquée à 995 buts depuis le 22 octobre et un doublé contre Coritiba. Soit. Dans les trois matchs qui suivent, le Brésilien inscrit quatre buts. Il n’en manque plus qu’un. Le 16 novembre, Santos affronte Salvador de Bahia, mais O Rei ne parvient pas à trouver la faille et bute à la dernière minute sur la barre transversale. Ce n’est que partie remise. Trois jours plus tard donc, Pelé a une nouvelle occasion d’écrire l’histoire, contre Vasco de Gama. Ils sont 80 000 à avoir bravé la pluie pour pouvoir dire « j’y étais ». En face, les Cariocas sont bien décidés à repousser l’échéance encore un peu plus. « Tu ne marqueras pas aujourd’hui », lui murmurent-ils à l’oreille, entre deux paroles un peu moins classes. Même si c’est bien Vasco de Gama qui ouvre le score, l’essentiel est ailleurs. Cette fois-ci, Pelé est dans son match et se procure plusieurs occasions. Edgardo Andrada, le gardien adverse, détourne une première tentative. Ensuite, peu avant la mi-temps, c’est la barre transversale, encore elle, qui se dresse sur la trajectoire de la balle. Enfin, sur un centre, le Roi s’élève pour smasher de la tête, mais René, le défenseur qui le colle aux basques depuis le début de la rencontre, préfère marquer contre son propre camp plutôt que de laisser Pelé libérer le stade.
À la 78e minute, Clodoaldo lance Pelé dans la profondeur. Le Roi va le faire, il va se présenter seul face à Andrada. Sauf que Fernando le fauche en pleine surface. Penalty indiscutable, et pourtant largement discuté. Les joueurs de Vasco de Gama entourent l’arbitre et protestent pendant de longues minutes. Pendant ce temps-là, le public scande le nom de Pelé et ses coéquipiers se sont réunis et alignés derrière la ligne médiane, au centre du terrain. Pelé est seul. Comme ils ont compris que l’arbitre ne reviendrait pas sur sa décision, les joueurs de Vasco changent de stratégie et s’attaquent directement au principal intéressé. Tout le monde lui parle, particulièrement Andrada qui le prend à part. Pelé parvient enfin à poser son ballon. Un défenseur, l’arbitre, puis le gardien adverse viennent réajuster la position du ballon. Pelé s’en moque. Alors qu’il discute encore avec ses adversaires, il se retourne et s’élance pour frapper. Un petit temps d’arrêt, il ouvre son pied et ça y est. C’est fait.
Pelé va chercher la balle dans le but et l’embrasse. Il n’est plus seul. Il est 23h23 et il est prisonnier dans les cages. Des journalistes et des supporters se précipitent vers lui pour le féliciter, pour immortaliser le moment. Une véritable marée s’abat sur lui, et le porte en triomphe. Après plusieurs minutes à tenter de s’extirper de la foule, Pelé peut enfin célébrer ce moment avec ses coéquipiers, qui l’attendent tous sagement derrière la ligne médiane. Pas pour très longtemps. Il s’empare ensuite d’un maillot floqué 1000, et entame un tour d’honneur interminable. Finalement, le match, interrompu pendant vingt bonnes minutes, peut reprendre dans l’indifférence. Pelé vient d’écrire l’histoire le jour de la naissance du drapeau national du Brésil et le jour de l’anniversaire de sa mère. Le tout au Maracanã. Comme quoi, il a peut-être bien fait de patienter et de seulement taper la barre transversale trois jours plus tôt.
Messi piétine la Bolivie à lui tout seul, le Brésil s’amuse contre le PérouPar Kévin Charnay