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Le jour où Pelé a enregistré un album avec Sérgio Mendes
En 2014, Pelé avouait être un grand fan de One Direction. Mais O Rei n’a pas toujours eu des goûts douteux en matière musicale. En 1977, il a même eu l’intelligence d’enregistrer un album avec l’immense Sérgio Mendes. Dont voici l’histoire.
Nous sommes le samedi 10 mai 2014. La scène se passe sur la scène du stade Morumbi à São Paulo. En pleine communion avec leur public de jeunes pucelles décérébrées, les gugusses de One Direction annoncent un invité. Et comme le groupe anglais ne sait faire que dans la démesure, cet invité n’est autre que Pelé. Visiblement très fier de poser aux côtés de ces jeunes popstars, ce dernier déclare, sans aucune ironie : « Je joue de la guitare, et un jour nous jouerons ensemble. Je ne veux pas jouer au football, nous jouerons de la guitare, ok ? » Si une nouvelle collaboration est peut-être née ce soir-là, elle tranche toutefois avec celle que l’ancien roi de la sélection brésilienne a mené avec Sérgio Mendes il y a plusieurs décennies.
Sérgio Mendes, ce héros !
1977. Cela fait deux ans que Pelé a quitté son pays natal pour rejoindre l’attaque des New York Cosmos, emportant avec lui non seulement son sens du but, mais aussi ses inspirations musicales. Certainement préoccupé par son après-carrière, il vient en effet d’écrire six chansons dans le cadre d’un film qui lui est consacré et a la bonne idée de confier la production et le mixage à Sérgio Mendes, sans doute le musicien brésilien le plus reconnu aux pays des Ramones à cette époque. Passionné de foot – en 1977, il enregistre également l’album Sérgio Mendes & and the new Brasil’ 77 sur lequel figurent des compositions de Stevie Wonder et un caméo de Pelé sur le dos de la pochette, où on le voit jouer au docteur et soigner Sérgio Mendes et son groupe, déguisés en footballeurs -, Sérgio Mendes revenait d’ailleurs en juin 2012 sur les rapports entre le foot et la musique au Brésil pour le site Sounds And Colours : « Il y a toujours de nouvelles choses qui se déroulent au Brésil, c’est ce qu’il y a de plus beau concernant la musique ici. C’est comme le football. Il y avait Pelé, aujourd’hui il y a Neymar. Que ce soit dans le foot ou la musique, il y a toujours une mentalité très festive et très joyeuse. Je pense que c’est pour ça que les Brésiliens sont si attachés à ces deux pratiques, ça correspond à leur état d’esprit. La joie qu’ils ont au quotidien, c’est la même que vous ressentez lorsque vous allez à un match ou que vous écoutez de la musique. »
De la bossa nova, du soleil et une pochette
Publié sur Atlantic Records et enregistré avec des musiciens de jazz internationaux comme Gerry Mulligan, Jim Keltner et Bill Dickson, ce disque (qui ne sortira au Brésil qu’en 1978) trouve une place à part dans la discographie de Sérgio Mendes. D’abord parce qu’il est principalement instrumental, mais aussi parce que le chant principal (pas toujours très juste) est assuré par Pelé. Lequel n’en était pas à sa première expérience puisque, quelques années plus tôt, il apparaissait aux côtés d’une autre idole de la musique brésilienne : Elis Regina.
Reste que si ses amis et son réseau ont permis à Pelé d’enregistrer un disque, l’album n’est pas franchement des plus excitants. Si quelques titres se révèlent bien entendu surprenants (A Tristeza Do Adeus, Amor e Aggressao) et intéressants pour leur titre (Le cœur du roi, Mon monde est un ballon, en VF), il convient de rétablir une vérité. Passé ce mélange étonnant de pop, de bossa nova et de jazz, c’est bien la pochette qui permet encore aujourd’hui à ce disque d’être mythique. Ce qu’on y voit ? Pelé affalé au milieu d’un stade, une guitare à la main et un ballon devant lui. Une belle façon de faire la transition entre sa carrière sportive qui se termine et sa nouvelle passion. Que Pelé assouvira de temps à autre en faisant des apparitions aux côtés de Trem da Alegria, Gilberto Gil ou encore en solo lors de spots publicitaires à l’occasion de la Coupe du monde 1998.
par Maxime Delcourt