- Retraite de Patrice Évra
Le jour où Patrice Évra a célébré devant Luis Suárez
Le 15 octobre 2011, Patrice Évra et Luis Suárez se prenaient le bec sur la pelouse d’Anfield avant que le latéral gauche français n’accuse l’Uruguayen d’insultes racistes à son encontre. Huit ans après l'incident, retour sur un conflit dont Évra n’a pas été l’instigateur.
Un peu plus d’un an après Knysna, Patrice Évra se retrouvait à nouveau au milieu d’une polémique. Mais contrairement à celle qui avait eu lieu en Afrique du Sud pendant la Coupe du monde, le Français n’était cette fois-ci pas le coupable, mais bel et bien la victime. Insulté de « negro » par Luis Suárez après que les deux joueurs se sont crêpés le chignon pendant 90 minutes, Évra allait tout faire pour que son adversaire prenne cher. Ce qui arriva puisque l’Uruguayen fut suspendu huit matchs, sans qu’on sache précisément ce qu’il s’était dit et passé lors de cette rencontre entre Liverpool et Manchester United à Anfield Road. Plus de huit ans après, et alors que Patrice Évra vient d’annoncer sa retraite sportive, cette polémique méritait bien un petit coup de projecteur.
Patrice la victime
Lors de cette huitième journée de Premier League, le match entre Liverpool et Manchester United apparaît clairement comme le choc du week-end. Sur le terrain, comme à l’accoutumée entre les deux clubs, le rythme est effréné et les coups partent dans tous les sens. Au milieu des tacles, des invectives et des provocations, le duel Suárez-Évra s’annonce vite électrique. Peu avant l’heure de jeu, l’attaquant uruguayen dégomme le genou du latéral gauche français et l’envoie mordre la poussière. Mécontent de se retrouver au sol, Évra se relève et demande à son adversaire des explications. Adorateur de la provocation et du mépris, Suárez lui répond, sans se douter une seconde qu’une polémique va prendre forme et le suivre pendant de longs mois.
Car à la fin de la rencontre, Évra et Sir Alex Ferguson se pointent dans le vestiaire de l’arbitre du jour, Andre Marriner, afin de lui demander d’inclure la plainte du Français dans son rapport d’après-match. La raison ? Le latéral gauche mancunien accuse Suárez de l’avoir traité de « nigger » une dizaine de fois durant la rencontre. L’Uruguayen ne dément pas, mais affirme que le terme utilisé n’avait rien de raciste. Pour Évra, tout cela n’est que foutaise et les vidéos de la rencontre sont d’après lui en mesure de le prouver. Pourtant, les images de Sky Sports ne permettent pas de lire les échanges entre les deux joueurs, et de fait, la commission de discipline de la Fédération anglaise de football (FA) prend le relais et ouvre une enquête pour percer le mystère de ce conflit.
Suárez le bonimenteur
Quelques semaines plus tard, alors qu’une bonne partie de la planète foot a déjà donné son avis sur l’affaire, le rapport de la commission de discipline révèle que Suárez a traité Évra de « nigger » au moins sept fois au cours de la rencontre. Toujours selon ce rapport, Suárez lui aurait dit : « No hablo con los negros » (Je ne parle pas aux noirs). Malgré le conditionnel, Suárez est suspendu huit matchs, ce qui ne calme évidemment pas son aigreur à l’égard d’Évra. Lors du match retour à Old Trafford, le 11 février 2012, l’Uruguayen en remet une couche en refusant de serrer la main du Français, provoquant la fureur de Rio Ferdinand qui fait de même en retour.
Ce jour-là, le sort se retourne contre Suárez, car malgré son but, c’est Manchester qui l’emporte sur le score de 2-1. À la fin de la rencontre, Patrice Évra jubile, comme tout Old Trafford. Serrant d’abord dans ses bras ses coéquipiers, le Français va ensuite venir célébrer la victoire en sautillant juste devant son ennemi. Une scène devenue culte.
À la suite de ce match retour, même David Cameron, Premier ministre anglais de l’époque, se saisit de l’affaire et n’hésite pas à vilipender l’Uruguayen avant de demander à la FA de frapper fort.
Cette fois-ci Liverpool ne peut plus défendre son joueur, contrairement à son ami et coéquipier en sélection, Álvaro Pereira : « Je connais Suárez et tout ce cirque qui a été monté en Angleterre m’étonne. C’est du football. On dirait que c’est un pêché de dire quelque chose sur un terrain. Dans ce cas-là, en Amérique du Sud, il faudrait suspendre tous les joueurs. » Le président uruguayen de l’époque, José Mujica, défend lui aussi Suárez, et ce dernier va finalement s’expliquer en 2014 dans son autobiographie Crossing The Line: My Story. À l’intérieur, l’attaquant du Barça tient à se justifier : « Est-ce que j’ai utilisé le terme « negro » lors d’une querelle, en espagnol, avec Patrice Évra le 15 octobre 2011 lors d’un match entre Liverpool et Manchester United ? Oui. Le terme« negro » est-il le même en espagnol et en anglais ? Non, en aucun cas. Suis-je raciste ? Non, en aucun cas. J’étais horrifié quand j’ai compris ce dont j’étais accusé. » Patrice Évra ne semble pas lui en avoir tenu rigueur, puisque depuis, la hache de guerre a été enterrée. A priori.
Par Maxime Renaudet