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Le jour où OM – PSG a allumé la mèche
Au-delà de la rivalité Paris/province qui date de l’après-guerre, l’antagonisme OM-PSG a été construit artificiellement dans les années 90 par Canal + et Bernard Tapie, quand les deux clubs dominaient le foot français – avec en point d’orgue la boucherie de 1992 au Parc. Mais le casus belli date peut-être du 5 mai 1989 au Vélodrome, un soir de match décisif pour le titre.
« Trop longtemps endormi, le Kop de Boulogne va se réveiller et nos combats retentiront dans toute l’Europe. Marseille ne se relèvera plus après notre passage. Le grand nettoyage commence.(…)Notre haine est sans limite. Le Heysel nouveau est arrivé. » En ce printemps 1989, ce tract ressemble à une véritable déclaration de guerre. Il est signé de la tribune Boulogne, qui rassemble alors les plus fervents et plus violents supporters parisiens (à la « grande époque » du hooliganisme en France). En novembre 1987, déjà, le kop avait exhibé sa haine anti-marseillais en déployant un « OM = SIDA » , lors d’un match face à Lille. À quatre journées de la fin de la saison 1988-89, le PSG et l’OM bataillent l’un contre l’autre pour remporter le titre de champion de France. Et tous les protagonistes ont imprimé la date du vendredi 5 mai : Paris, leader, se déplace chez son dauphin, Marseille, qui ne compte qu’un point de retard.
« Nous allons en terre hostile, j’allais dire étrangère »
Pour la première fois dans l’histoire du football français, les deux clubs sont au coude-à-coude dans la dernière ligne droite. Champion en 1986, le PSG sort de deux saisons laborieuses. En 1988, il a même dû batailler jusqu’à la dernière journée et une victoire contre Le Havre pour assurer son maintien. Remonté en D1 en 1984, l’OM a accroché une demi-finale de Coupe des coupes la saison précédente et livre des duels féroces avec les Girondins, tant sur le terrain qu’en dehors avec les passes d’armes médiatiques opposant Claude Bez à Bernard Tapie. Ce choc sent la poudre, mais se fera sans les supporters parisiens. Sous la pression de la Ligue, les dirigeants du club de la capitale ont annulé le déplacement de leurs fans le 25 avril.
Il faut remonter au mois de mars pour comprendre les raisons de ce climat de tension. Le milieu bordelais, Jean Tigana, veut rejoindre l’Olympique de Marseille. La Ligue, composée notamment de Francis Borelli, refuse d’homologuer le transfert. Pourtant, Éric Cantona, lui, vient précisément d’être transféré de l’OM chez les Girondins. Tapie l’a mauvaise contre Borelli. Avant le choc, il se murmure que Bernard Tapie aurait proposé un contrat au coach parisien, Tomislav Ivić pour la saison suivante. Le coach croate signera bien à l’OM, mais en 1991. Pendant ce temps-là, à Marseille, la rumeur selon laquelle Francis Borelli a, lui aussi, l’habitude de sonder des joueurs adverses avant les matchs court auprès des supporters locaux. Francis Borelli reçoit des menaces de mort. « Nous allons en terre hostile, j’allais dire étrangère » , ose le président du PSG, qui sera entouré de deux gardes du corps au Vélodrome.
« Les coups de fil de Tapie pour contacter des Parisiens ? Ça a dû être vrai, mais objectivement, ça n’a pas eu d’impact sur le groupe » , tempère aujourd’hui Jean-Marc Pilorget. « On a toujours connu l’animosité à l’extérieur, un peu plus à Marseille. C’était chaud » , rembobine simplement l’ancien capitaine du PSG. Reste que les joueurs parisiens se retrouvent seuls dans un Vélodrome entièrement acquis aux Marseillais (35 572 spectateurs). Même sur le terrain, on retrouve les couleurs olympiennes. L’OM joue en blanc, quand le PSG porte un maillot bleu électrique à col blanc et liserés bleus, qui aurait plus d’allure sur les épaules des Marseillais.
Le raté de Simba, Sauzée le sauveur
En cas de victoire, l’OM aura son destin en main pour aller chercher le titre. Sinon, une voie royale s’ouvrira pour le PSG. Marseille domine, mais peine à déstabiliser le bloc parisien. Philippe Vercruysse s’infiltre dans la surface (10e). Yvon le Roux cale une frappe (16e). En face ? Rien offensivement, si ce n’est des longs ballons vers Daniel Xuereb. Il faut attendre la 72e minute et une tentative de Gabriel Caldéron pour voir la première frappe parisienne ! La deuxième sera à mettre à l’actif d’Amara Simba. À la 87e, l’attaquant international met les gaz le long de la ligne de touche, combine avec Sušić et se retrouve en position idéale dans la surface. Simba a le titre au bout du pied gauche, mais Gaëtan Huard sauve l’OM.
On entre dans la deuxième minute du temps additionnel, il reste une dernière cartouche aux Marseillais. Ce sera la bonne. En contre, Frédéric Meyrieu décale Franck Sauzée qui lâche une frappe ni supersonique, ni en pleine lucarne. Joël Bats voit le tir s’échapper sur sa gauche. 1-0 ! « C’était à la dernière minute, ça a été une libération et le stade a chaviré dans le bonheur » , se rappelait le buteur l’année dernière pour Les Cahiers du Foot. L’OM arrache la victoire, Tapie fait péter le feu d’artifice. En tribune, l’émotion est trop vive pour Anne-Marie Navarro. Victime d’un infarctus, la supportrice de l’OM décède à vingt-deux ans. Moins grave, Jean-Pierre Bernès fait un malaise. L’ami du président Tapie sera soigné dans le vestiaire olympien.
Deux semaines plus tard, Paris lâche définitivement le titre à Lens (0-0), pourtant bon dernier et déjà condamné à la descente en Division 2 depuis plusieurs semaines. « Je ne sais pas pourquoi, ce soir, nous avons touché double prime pour tenir en échec le PSG » , confiera un joueur lensois sous couvert d’anonymat dans l’ouvrage OM-PSG/PSG-OM les meilleurs ennemis. Maletas ou pas, l’OM est sacré champion de France le 20 mai en battant l’AJ Auxerre au Vélodrome (2-1). Si, sur le terrain, OM – PSG s’était déroulé dans un état d’esprit correct, comme l’a souligné l’arbitre Michel Vautrot à la fin du match, les futurs OM-PSG et PSG-OM ne seront plus jamais comme avant.
Par Florian Lefèvre
Source : OM-PSG/PSG-OM les meilleurs ennemis (chapitre 2), Mango Sport // Propos de Jean-Marc Pilorget recueillis par FL, ceux de Francis Borelli et du joueur lensois extraits de OM-PSG/PSG-OM les meilleurs ennemis, par Jean-François Pérès et Daniel Riolo, ceux de Franck Sauzée extraits des Cahiers du Foot.