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Le jour où Newcastle a perdu contre… personne
Bien avant de défier le PSG en Ligue des champions ce mercredi soir, Newcastle perdait un match sans aucun adversaire en face. Retour en 1992.
Ce mercredi soir, au moment d’accueillir le PSG, Saint-James Park tremblera à nouveau sous les trompettes de l’hymne de la Ligue des champions. Pour la première fois depuis 20 ans, Newcastle United recevra en effet un adversaire de calibre C1 et fera oublier à ses lads les nombreux épisodes de galère traversés par le club. Parmi ceux-ci, un sketch vieux de 30 ans, qui voyait des Magpies au bord du précipice se couvrir d’un ridicule ultime.
Le pire des Pies
La scène prend forme durant la saison 1991-1992. À l’époque, le Geordie Shore n’existe pas, mais la téléréalité est déjà bien ancrée sur les bords de la Tyne. Le siège de Newcastle United est le théâtre d’une crise institutionnelle sans précédent, avec une équipe végétant en deuxième division et luttant pour ne pas descendre à l’échelon du dessous. L’entraîneur est pourtant de renommée mondiale. Légendaire milieu de terrain argentin, Osvaldo Ardiles s’est fait un nom en Angleterre grâce à ses dix ans passés à Tottenham et entame à peine son cursus de coach. L’occasion pour George Forbes, président de Newcastle, de frapper un énorme coup en plaçant la superstar sur le banc. L’électrochoc doit alors être immédiat. Ce sera un fiasco.
En Championship depuis 1989 (appelée Second Division à l’époque), le club est encore plus à la peine en cette campagne 1991-1992. N’ayant remporté que 6 de ses 27 matchs jusqu’à la trêve du 1er janvier, Ardiles se retrouve sur la sellette. Le board lui laisse alors un mois de plus pour redresser la barre, sans succès. En février 1992, l’Argentin doit donc abattre ses dernières carte avant de prendre la porte, et use son crâne dégarni pour trouver un scénario de génie. La suite est racontée par Steve Howey, l’un de ses anciens défenseurs. « Nous avions entraînement en matinée, narre le quinquagénaire pour le podcast Undr The Cosh. “Ossie” (le surnom d’Osvaldo Ardiles) nous a alors précisé que la séance allait être un peu spéciale. »
Ossie qui perd, Kevin Keegan
Et pour cause. L’entraîneur aligne son onze type, en demandant aux remplaçants de se mettre sur le côté. Howey, qui fait partie des titulaires, enfile donc sa chasuble et se positionne sur le terrain : « On attendait qu’une autre équipe vienne nous défier durant l’opposition, mais il n’y avait personne face à nous. Le coach Ardiles nous a dit que nous devions marquer un but dans la cage vide de l’autre côté. » L’objectif est simple : faire engranger de la confiance à des garçons qui en manquent cruellement. La règle n’est pas franchement compliquée : chaque joueur doit toucher le ballon avant qu’il ne soit poussé au fond des filets. « On a même été disposés en 4-4-2, soit le dispositif le plus simple, pour ne pas nous brusquer », se marre encore aujourd’hui Steve Howey. Les onze acteurs, positionnés sur leur terrain d’entraînement avec aucun adversaire dans le camp d’en face, donnent donc le coup d’envoi. Il ne reste que dix secondes avant le drame.
L’attaquant Lee Clark fait ainsi la passe d’engagement à Kevin Scott, ce dernier se retourne et la donne à son latéral droit Steve Watson. On le rappelle : chaque joueur doit toucher le ballon pour marquer. Watson contrôle, pivote et transmet à son gardien Tommy Wright, pour que celui-ci fasse tourner vers la gauche. Le ballon roule doucement vers Wright. « Je regarde le ballon se diriger vers Tommy, mais je ne vois pas Tommy, lâche Howey dans un énorme fou rire. L’enfoiré était en fait dans les cages, dos au jeu, en train de mettre ses gants, il ne voyait donc pas la balle qui arrivait vers lui… » Cette passe en retrait finit sa course dans les cages, avec des joueurs et un entraîneur estomaqués. Newcastle United vient de prendre un but contre personne. « Ossie est devenu bleu. Il s’est pris la tête entre ses mains et semblait tétanisé. À vrai dire, nous aussi on était un peu atteints. Comment était-il possible de faire une connerie pareille ? Il a immédiatement mis fin à la séance, et on est rentrés chez nous dans le silence complet. » Démis de ses fonctions, Osvaldo Ardiles laissera sa place à Kevin Keegan, qui se chargera de maintenir le club à deux journées de la fin. Et si les joueurs de Newcastle sont un jour interrogés sur leur pire défaite, ils pourront toujours répondre qu’ils ont perdu contre personne.
Par Adel Bentaha