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Le jour où Mourinho a vaincu Stamford Bridge
Un petit stade loin d'offrir une atmosphère extraordinaire, mais un stade où Chelsea a trop gagné. À tel point que la confiance des Blues au Bridge est supérieure à la confiance de n'importe quel visiteur. Dernièrement, Naples et le PSG ont succombé à la malédiction. Cette confiance, c'est une forteresse que José Mourinho a bâtie de ses propres mains. Une forteresse dont le Portugais connaît si bien les secrets qu'il a su la vaincre en 2010 avec l'Inter.
Même le Barça de 2009, « ce Barça-là » , celui qui jouait sur une autre planète, n’avait pas gagné au Bridge. Bien aidé par un autre chauve devenu célèbre, Guardiola était venu arracher un match nul à la 89e minute, sur un miracle d’Iniesta. En 2012, Naples se fait fusiller. En 2014, c’est au tour du PSG de tomber. Ces dernières saisons, seuls Mourinho et Sir Alex ont su aller s’imposer du côté de la station de Fulham Broadway en phase finale de Ligue des champions. Alors que Diego Simeone se déplace ce soir à Londres avec sa troupe de morts de faim, retour sur la victoire de l’Inter de Mourinho pour répondre à la question suivante : comment vaincre Stamford Bridge ?
L’Inter et la malédiction anglaise
Février 2008, Liverpool brise les rêves européens de l’Inter de Mancini dès les huitièmes. Février 2009, Manchester United se met sur la route de la première escouade nerazzurra de l’ère Mourinho. Ainsi, quand le tirage au sort de l’édition 2010 indique que la Beneamata affrontera le Chelsea d’Ancelotti en huitièmes, Milan croit voir l’histoire se répéter. Les Blues d’Ancelotti filent alors tout droit vers un titre de champion à 103 buts marqués : Drogba finira à 29 buts et 13 passes décisives, Lampard soignera un total de 22 pions et 17 assists. En poule, l’Inter a fini derrière le Barça, et accueille donc le match aller.
Une semaine plus tôt, le Milan est tombé à San Siro contre Manchester (2-3). Dans la tête d’à peu près tout le monde, la Premier League est encore sur le point de dégager la Serie A de cette Ligue des champions qui lui réussit bien. Et la victoire de l’Inter à l’aller ne change rien à la donne. L’insouciance de Milito et l’acharnement de Cambiasso, face au coup d’œil de Salomon Kalou, offrent un 2-1 loin d’être confortable aux Intéristes. Car en février 2010, cette Inter est encore loin de celle qui battra le Barça à San Siro (3-1). Malgré la finesse de Sneijder, le milieu de son 4-3-1-2 (Motta-Cambiasso-Stanković) est lourd et conservateur, et ses attaquants demandent plus de soutien.
Émotions, professionnalisme et intimidation
Quand Mourinho revient chez lui, ou plutôt chez un vieil amour, il n’est pas du genre à le faire sur la pointe des pieds. Revenu à San Siro avec le Real pour jouer contre le Milan en 2010, il était allé voir la Curva Sud milaniste en brandissant trois doigts, pour rappeler ce qu’il avait accompli en Lombardie : le triplé. Alors, à Stamford Bridge, Mourinho vient prendre la température du public, et se fait acclamer comme s’il venait de remporter Wimbledon. Forcément, le lien est énorme entre le public et celui qui a fait monter les Blues à des sommets nationaux. « Les émotions sont intenses, parce que j’ai passé trois ans et demi ici, et que je revois les mêmes têtes, les mêmes gens, les mêmes joueurs. » Ces joueurs-là seront les témoins d’une scène insolite.
Alors que les stars de Chelsea grimpent sur le terrain pour aller s’échauffer, bonnet vissé et survêtement zippé jusqu’au cou, Mourinho les attend. Et les salue, un par un. Quelques mots pour Lampard, une tape dans le dos de Ballack, des rires avec Mikel et Kalou, un sourire avec Drogba. Pour la plupart, il les a fait venir lui-même à Londres. Il en a fait des Blues. Il les connaît par cœur, et eux savent à quel point il a l’habitude de connaître ses adversaires. En quelques mots, un sourire, un regard, le Mou leur rappelle sur qui ils sont tombés, et leur démontre sa propre sérénité. « Oui, je suis heureux de revenir ici. Mais attention, ne confondez pas mes émotions et mon professionnalisme » , avait-il prévenu en conférence de presse la veille. Nul doute que cette scène fait partie de la deuxième catégorie.
Les pirates de Mourinho à l’assaut de Stamford Bridge
Qu’il peut être difficile d’aller conquérir sa propre maison. Il faut croire que c’est même impossible de le faire proprement : les émotions sont trop intenses. Ce sera sale, ou alors cela ne sera pas. Ainsi, pour ne pas devenir passif et finir rongé par les questions et les choix suspendus, il faut prendre l’initiative. Alors, Mourinho confie la tâche à des pirates. Et il ne leur laisse pas le choix : quatre joueurs offensifs titulaires (Eto’o, Milito, Pandev, Sneijder), pour faire passer un message aux siens : « Marquez, ou alors vous sortirez. » L’ultimatum est d’autant plus justifié que le weekend précédent, l’Inter s’était inclinée de la pire des manières à Catane (3-1). Face au chaos, Mourinho répond avec le chaos, et un nouveau système. Autour de la doublette Motta-Cambiasso, le Portugais demande à Pandev et Sneijder de se rendre très disponibles pour faire circuler le ballon au maximum, et à Milito et Eto’o de noyer leurs milieux dans des appels incessants. Sur la feuille, cela donne le 4-2-3-1 qui influencera la majorité des équipes du Mondial sud-africain. Résultats : Milito est signalé six (!) fois hors-jeu et Chelsea réalise pas moins de vingt-deux fautes. Forcément, l’Inter doit se découvrir pour presser, et donc repose sur les duels gagnés par la charnière Lúcio-Samuel, invincible à cette époque. Le message passera sans déformation, comme une passe de Sneijder dans l’air londonien.
Alors que les Blues s’attendaient à voir une équipe milanaise regroupée derrière, venue avec la volonté de protéger son avantage du match aller, Mourinho se montre à nouveau imprévisible. Les phases de possession sont plus longues que prévu, le jeu est bien moins direct qu’à l’aller. Et ainsi, Chelsea doit remonter au score, mais ne contrôle pas le ballon… Parce qu’à Stamford Bridge, l’Inter subira tout de même le dernier quart d’heure de la première mi-temps, mais accélérera à l’heure de jeu, jusqu’au but de Samuel Eto’o à la 80e minute. Comme toujours, Ancelotti ne cherchera pas de feinte : « L’Inter a mis beaucoup de pression sur nos milieux de terrain, donc nous avions du mal à développer notre jeu. » A posteriori, il est certain qu’il s’est passé quelque chose pour ce groupe à Stamford Bridge. Un phénomène à double tranchant, que l’on pourrait résumer ainsi : « Réussis à maîtriser la force de Stamford Bridge et tu en possèderas la confiance pour le reste de la saison. » En 2010, l’Inter avait gagné le triplé. Et à deux minutes et une autre approche tactique près, le PSG aurait pu… ?
Par Markus Kaufmann
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