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- 22 avril 1995
Le jour où Mohamed Kallon a marqué à 15 ans
Vous souvenez-vous de l'intermittent Mohamed Kallon ? L'histoire du football ne peut, en tout cas, esquiver cet homme-record. Le 22 avril 1995, le Sierra-Léonais devient le plus jeune joueur à inscrire un but lors d'un match international.
La Sierra Leone se trouvait au cœur d’une terrible guerre civile. Viols, massacres, mutilations, enfants recrutés comme soldats. Le conflit s’étalera sur plus d’une décennie (1991-2002). Quand les premiers coups de feu sont échangés, Mohamed Kallon a douze ans, l’âge d’être recruté par un belligérant. À Freetown, malgré le terrible contexte, on continue de jouer au foot. Au cours de cette période tragique, le petit pays d’Afrique de l’Ouest va même arracher les deux seules qualifications de son histoire à la Coupe d’Afrique (1994 et 1996).
Au milieu des années 90, la Sierra Leone se repose alors sur le talent de la fratrie des Kallon. Kemokai et Musa brillent en sélection, mais le prodige de la famille se nomme Mohamed. En janvier 1995, « Small Kallon » , son surnom, fait ses débuts en match éliminatoire face à la Gambie, aux côtés de ses deux grands frères. À 15 ans, il devient le plus jeune joueur de l’histoire à disputer un match international. Mohamed Kallon va mobiliser à nouveau les experts du livre Guinness quelques mois plus tard en devenant le plus jeune joueur à inscrire un but en match international, à 15 ans, six mois et dix-huit jours. Ce 22 avril 1995, la Sierra Leone voyage au Congo-Brazzaville et se doit de l’emporter pour arracher sa qualification. Les Africains de l’Ouest l’emportent (0-2) et Small Kallon fait trembler les filets.
Un télégramme de Pelé
Quand il inscrit ce but qui lui vaut de recevoir un télégramme de félicitations de Pelé, le jeune Sierra-Léonais n’évolue déjà plus au pays. Après avoir fait ses débuts précoces au Old Edwardians, le surdoué s’est engagé pour le Tadamon Sour, un club libanais. Il ne s’y éternisera pas, sa réputation dépassant rapidement les frontières de son continent. Lors de la Coupe d’Afrique 1996, l’attaquant à la technique superlative prouvera d’ailleurs à tous les recruteurs d’Europe qui s’intéressent à lui qu’il n’avait rien d’une arnaque, d’un vulgaire Nii Lamptey. D’entrée, la Sierra Leone remporte le premier match de son histoire en Coupe d’Afrique face au Burkina Faso. Le but de la victoire est évidemment signé Mohamed Kallon, qui devient le plus jeune joueur à disputer le tournoi continental. Record jusqu’alors détenu par le Nigérian, Daniel Amokachi.
Jeune, prodige, record, voilà des mots doux qui font facilement flancher Massimo Moratti au cœur des années 90. Alors, l’Inter n’attend pas, et dès 1995 s’offre Kallon… pour mieux le prêter. Seuls trois étrangers peuvent alors être alignés en Italie, et comme les Nerazzurri les recrutent par camions, Kallon s’en ira envoyer du dribble et de la frappe lourde à la Reggina, au Genoa ou à Cagliari. Le Sierra-Léonais finira par défendre les couleurs de l’Inter à partir de 2001, où quelques matchs prodigieux ne peuvent masquer son manque de constance. Quand Monaco recrute Kallon en 2004, le joueur Guiness accuse déjà un bon nombre de kilomètres au compteur, mais n’a finalement que… 25 ans. En Principauté, le Sierra-Léonais vivra ses derniers moments au contact du football de haut niveau, avant d’aller monnayer sa réputation en Arabie Saoudite, en Grèce ou aux Émirats. Cela ne l’empêchera pas de marquer à nouveau l’histoire du football. En 2009, il signe pour le club qu’il avait lui-même créé : le Kallon FC. Une autre première pour l’ambassadeur du football sierra-léonais.
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin