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Le jour où Messi aurait pu signer à River
En mai 2000, Leo Messi débarque à Buenos Aires pour un essai à River Plate. Mais les dirigeants des Millonarios laissent partir le gamin qui deviendra le meilleur joueur du monde.
C’était le 20 décembre 2015. Après une saison exceptionnelle ponctuée par une victoire en Copa Libertadores, River Plate affronte le Barça en finale du Mondial des clubs. Les supporters des Millonarios envahissent le Japon. Mais l’illusion durera trente-cinq minutes. Le temps pour Leo Messi d’ouvrir le score et la voie du succès blaugrana. Mais une image restera dans toutes les têtes des hinchas de River Plate. Alors qu’il avait célébré comme un malade son but face à Estudiantes La Plata en 2009, Messi reste sobre cette fois-ci. Pire, il demande même pardon, levant la main gauche vers le public millonario.
Dos postales imborrables de Japón: Messi pide perdón y luego se lleva la camiseta de River dada por el utilero Pichi pic.twitter.com/mwUR5tXoJR
— Diego Borinsky (@diegoborinsky) 29 décembre 2015
À la fin de la rencontre, il se dirige même vers le vestiaire de River et repart avec un maillot à la bande rouge sur le dos. Plus tard, il expliquera ce geste lors de sa célébration, dans un entretien pour ESPN : « Je l’ai fais parce que plein de supporters de River ont voyagé, ont fait un énorme sacrifice pour venir ici. Ils étaient pleins d’illusions. Et moi, en tant qu’argentin, j’ai anéanti leur rêve. C’était bizarre, ça m’est venu comme ça, donc j’ai demandé pardon. » Si les supporters de River se sont enflammés, annonçant que Messi était l’un des leurs, l’histoire entre le génie argentin et le club du quartier de Nuñez à Buenos Aires est longue. Et elle a débuté en 2000, sur un terrain de la cité universitaire de la capitale argentine.
Un essai aux côtés d’Higuaín
Federico Vairo était une légende du football argentin. Après sa carrière, l’ancien défenseur, passé par Central et River Plate, parcourait le pays à la recherche de talents. De Rosario, il ne revient pas les mains vides. En mai 2000, il conseille aux dirigeants de River de poser leurs yeux sur Leandro Giménez, attaquant, et Lionel Messi, meneur de jeu, douze piges. Les deux gamins débarquent donc à Buenos Aires pour un essai. Eduardo Abrahamian est entraîneur chez les jeunes Millonarios à l’époque. Dans une interview pour La Nación, il raconte l’arrivée des deux jeunes : « J’ai organisé une opposition entre l’équipe titulaire et une de remplaçants, avec Messi et Giménez. Lionel, que j’appelais« le petit », prenait le ballon et dessinait avec ses pieds. Il a mis six ou sept buts pendant ce match contre les titulaires de mon équipe. »
Surpris du niveau des joueurs recommandés par Federico Vairo, Abrahamian leur donne rendez-vous le lendemain, pour un autre entraînement. Cette fois-ci, il place Messi en attaque avec Gonzalo Higuaín, déjà au centre de formation du club. Les deux gamins ne se connaissent pas, mais se baladent. Finalement, Eduardo Abrahamian annoncent à Messi et Giménez, son compère venu de Rosario, qu’il souhaite les recruter. « J’ai parlé avec le directeur général du club, Délem. Je lui ai dit qu’il y avait deux joueurs de Rosario qui étaient venus faire un test et je voulais qu’ils les voient. Il les a adorés » , se souvient-il. Les papiers sont prêts, et le rendez-vous est fixé. Quelques jours plus tard, Giménez s’en va vivre à Buenos Aires chez ses grands-parents pour intégrer le centre de formation de River Plate. Leo Messi, lui, ne viendra pas.
Les exigences du père
Et pour cause, les dirigeants de Newell’s, club où jouaient les deux jeunes avant l’essai avec River Plate, n’ont pas accepté de le libérer. Ils ne pourront rien faire quand le petit génie s’en ira pour Barcelone avec son père. Où son premier contrat sera signé sur une serviette en papier. Mais comment River Plate a raté Leo Messi ? Pourquoi les dirigeants n’ont-ils pas insisté ? Dans La Nación, Eduardo Abrahamian rembobine : « Délem, le directeur général, devait parler avec les dirigeants. Je ne pouvais pas me mêler des besoins de la famille de Leo. Je vous assure que Newell’s n’a pas voulu le libérer. En revanche, ils ont laissé Giménez qui a signé à River. »
La légende raconte que « les besoins de la famille » ressemblaient plus à des exigences. Un travail et une maison à Buenos Aires, voilà ce que demandait Jorge Messi, le père. Les problèmes de croissance de Messi n’ont jamais été évoqués à River, selon Abrahamian : « On ne m’a jamais parlé des injections dont il avait besoin. Beaucoup disent qu’il n’est pas venu parce que le club ne voulait pas payer le traitement, mais je ne sais pas si c’est vrai. » Et de conclure, avec l’amertume toujours présente d’avoir raté le meilleur joueur du monde : « Après, j’étais obsédé par les petits joueurs. Quand Buonanotte est venu, je l’ai recruté de suite. » Presque le même talent.
Par Ruben Curiel