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Le jour où Lorient a humilié Guingamp au Moustoir

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Le jour où Lorient a humilié Guingamp au Moustoir

Pour So Foot, Jean-Claude Darcheville, Arnaud Le Lan, Stéphane Carnot et Cédric Bardon reviennent sur les deux confrontations folles entre Lorient et Guingamp en 2001-2002 durant lesquelles les joueurs bretons ont planté pas moins de 15 pions en 180 minutes.

Il paraît qu’un derby ne se joue pas, mais qu’il se gagne. À Guingamp, pour la génération qui a fréquenté le Roudourou au début du deuxième millénaire, il y a un derby que les locaux ont mal joué et qui traumatise. « On essaye de ne pas s’en rappeler. Ce fut un gros moment de solitude » , se souvient Cédric Bardon. Pas plus fier, Stéphane Carnot, icône du Guingamp collec’ Panini, surenchérit : « C’était une tôle, il n’y a pas d’autres mots… » Une raclée, une pilule subie par Guingamp à Lorient il y a maintenant plus de quatorze ans et que les deux anciens Costarmoricains ont encore du mal à avaler aujourd’hui.

Il faut dire que pour ce premier match de l’histoire de la Ligue 1 entre les deux équipes bretonnes, les Merlus ont fière allure en ce 27 octobre 2001. Promus, les Lorientais se pointent avec Seydou Keita, Pancho Abardonado, Jean-Claude Darcheville ou encore Pascal Feindouno. Une sacrée armada qui est alors treizième de l’élite avec douze points sérieusement glanés grâce au jeu vers l’avant prôné par Angel Marcos. Forts de succès face à Monaco ou Montpellier et de nuls face au PSG d’Anelka et au Rennes de Sévérino Lucas, les Morbihannais ont une mission compliquée face au Guingamp d’un Guy Lacombe à la moustache encore fraîche. Neuvièmes grâce à une équipe où Coco Michel, Fabrice Fiorès, Abelhamid Tasfaout et Florent Malouda font des miracles, les Guingampais mettent le cap vers le sud avec de l’ambition. Manque de bol, ce soir-là, ils vont tomber sur des Merluchons en ébullition.

Le dernier récital d’Ulrich Le Pen

Pourtant, le match avait parfaitement commencé pour les Guingampais qui ouvrent la marque dès la 5e minute sur leur première occasion par un Fabrice Fiorèse qui partira en janvier grossir les rangs du PSG. Une ouverture du score qui permet aux gars du 22 de fanfaronner en entonnant fièrement un Fabrice « Fio, Fabrice Fio oh oh oh oh oh des familles » . Le même hommage que les Marseillais chantaient à la gloire de l’idole transalpine, Fabrizio Ravanelli. Mais pas trop longtemps, hein, car seulement quatre minutes plus tard, la fusée Jean-Claude Darcheville trouve la faille. Mis sur orbite par Ulrich Le Pen en profondeur, JC le messie devance la sortie d’Éric Loussouarn. « On égalise dans la foulée et je crois que c’est ça qui leur fait mal » , rigole le Guyanais, aujourd’hui patron d’une boîte de nuit à Cayenne.

Vidéo

Le Ronaldo du 56 double même la mise à la 24e minute en réalisant une belle volée du gauche sur un centre d’Ulrich Le Pen qui venait de combiner avec Arnaud Le Lan. Ce dernier se rappelle du match énorme du milieu de terrain lorientais. « Ce soir-là, les centres devant le but de Lulu Le Pen les avaient beaucoup inquiétés. Il avait délivré trois passes décisives si je me souviens bien. Il est ensuite parti en Angleterre (à Ipswich Town FC, ndlr) un mois plus tard, il nous avait beaucoup manqué sur la deuxième partie de saison. »

Le premier triplé de Darch’ en Ligue 1

Dix minutes après la reprise, Arnaud Le Lan alerte Eli Kroupi qui profite d’un raté de son vis-à-vis pour trouver le petit filet du portier guingampais. « Après, c’est un peu dans la débandade, on a essayé de sauver les meubles, mais Darcheville, à l’époque, c’était très fort. On n’a jamais réussi à endiguer la crise » , déplore Stéphane Carnot, inexistant au milieu ce soir-là et désormais recruteur pour l’En Avant. Une prestation aux antipodes évidemment de la maîtrise lorientaise. « Je me souviens d’un moment exceptionnel sur le terrain en ce qui concerne la qualité du jeu et le score. On était rigoureux derrière, créatifs devant, une sorte de plénitude. C’est une performance que l’on n’a pas dû souvent reproduire par la suite » , analyse, à la Gourcuff, Arnaud Le Lan qui coache cette saison les U19 lorientais (dont Moussa Guel, le fils de Tchiressoua) après avoir finalement validé son mémoire malgré son disque dur volé.

La défense guingampaise va prendre littéralement la flotte. Au propre comme au figuré. Auriol Guillaume défend en chaussettes, Hubert Fournier traîne une caravane, Laurent Guyot n’en touche pas une, l’ancien Canari Éric Loussouarn vit un cauchemar. Un doublé de Tchiressoua Guel et un autre pion de Darch’ portent donc le score à 6-1 à la 89e minute. En marquant trois buts dans le même match pour la première fois en D1, l’attaquant breton passe à l’issue du match en tête du classement des buteurs avec neuf réalisations. Un tournant dans sa carrière. « C’est un très beau souvenir pour moi, tout nous réussissait. Quand tu es en tête du classement devant des attaquants comme Pedro Miguel Pauleta et Djibril Cissé, ce n’est plus pareil. Tu as plus de confiance et lorsque des clubs te suivent, c’est vrai que c’est plus facile pour la suite. » Entré à la mi-temps, Cédric Bardon réduit quand même la marque dans les arrêts de jeu. Pour l’honneur. « Je suis arrivé après le déluge. Mon but ne sert pas à grand-chose, c’est juste un but de plus à rajouter à la liste. »

Score de tennis et Zoubida

Dans les tribunes du si posé stade Yves-Allainmat, les supporters lorientais chambrent comme rarement, se remémore Xavier Thomas, 14 piges à l’époque et fan inconditionnel des Merlus. « C’était l’euphorie dans le stade. Le rythme du match était monté crescendo. Le public avait suivi. Une ambiance très festive, bon enfant. Mettre 6-2 en première division, on n’avait jamais vu ça, on en revenait pas. On avait chanté je ne sais plus combien deOn entend plus jamais chanter les Guingampaissur l’air deLa Zoubida » , raconte-il, navré, en prenant un peu de recul. Dans le camp d’en face, du côté des 700 supporters guingampais qui avaient fait le déplacement, ce n’est pas la même limonade. « On avait fait venir pas mal de bus. Je me souviens qu’on était bourrés à l’aller et que c’était un peu la soupe à la grimace au retour » , raconte Miko, ancien capo désormais trésorier du Kop rouge. « Prendre un score de tennis dans la tronche à l’extérieur, ça fait mal. Le parcage de Lorient n’est pas abrité, je ne me souviens plus s’il pleuvait ou pas, mais si tu rajoutes la flotte à ça, c’est la fin. » Vexés par cette humiliation, les supporters de l’EAG vont décider le lendemain d’accrocher une banderole au-dessus de la porte du vestiaire des joueurs sur laquelle ils inscrivent « Honte à vous » . « Un gars qui bossait à la ville a demandé s’il devait la retirer. Guy Lacombe a décidé de la laisser quelques jours en évidence pour rappeler aux joueurs leur piètre prestation » , rajoute Miko.

« Au retour, on avait à cœur de se rattraper »

À Lorient, l’effet est tout autre. « Ça validait notre bon début de saison. Mais je crois que cette victoire nous a fait plus de mal que de bien, on croyait ensuite que tout allait être facile. » Comme l’explique Arnaud Le Lan, les Morbihannais ne vont bizarrement pas profiter de cette euphorie pour prendre des points. Au contraire, l’équipe d’Ángel Marcos (remplacé par Yvon Pouliquen à la trêve après son départ à Nantes), va enchaîner les branlées : 5-0 contre le Sedan de Pius N’Diefi, 3-0 contre l’OL de Sonny Anderson, 4-2 contre le LOSC de Dagui Bakari… Quelle époque ! Il faudra finalement attendre neuf rencontres et un derby à domicile face à Rennes pour voir Lorient renouer avec la victoire face à Christian Gourcuff. Un match qui rendra fous des supporters rennais prêts à envahir la pelouse à l’époque, car bons derniers du championnat…

Les Lorientais et les Guingampais vont d’ailleurs se battre toute l’année pour le maintien. Lorsqu’ils s’affrontent au retour au Roudourou lors de la 28e journée, un seul point sépare les deux équipes. Lorient est 16e avec 27 points, Guingamp, 17e, est relégable avec 26 unités. Un match qui sent bon la descente et la peur, mais qui fait une nouvelle fois la part belle au foot champagne, puisque les Rouge et Noir avec Drogba l’emportent (4-3) grâce à un doublé de Stéphane Carnot. « On mène 2-0 et ils reviennent au score en neuf minutes. On remarque dans la minute qui suit, puis on plante le 4-2. On se dit que c’est terminé, mais Darcheville réduit le score sur penalty à deux minutes de la fin. Dans les arrêts de jeu, Moussa Saïb adresse même une superbe frappe qui frôle la lucarne… Pourtant, on ne voulait pas spécialement faire des matchs de fou » , assure l’ancien milieu de terrain guingampais. Cédric Bardon qui avait ouvert le score d’un pointu raccroc se souvient du sentiment de revanche qui prédominait avant la rencontre. « Les supporters attendaient qu’on rende la pareille aux Lorientais. Au retour, on avait à cœur de se rattraper. »

Toujours un derby prolifique

Les protégés de Guy Lacombe se sauveront finalement lors de la dernière journée, notamment grâce au nul des Merlus à Metz qui finiront bons derniers. Les Tangos et Rémi Gaillard se consoleront tout de même avec une victoire en Coupe de France remportée face à Bastia sans avoir été salués avant le match par Jacquot Chirac et son fameux « Ils sifflent ? Je m’en vais. »

La coupe, meilleur souvenir de Jean-Claude Darcheville qui roulait à l’époque dans les rues de la ville aux cinq ports dans une caisse qui changeait de couleur avec le soleil. C’est-à-dire pas souvent… « Je l’ai vendu il y a plusieurs années » , se marre-t-il. « Malgré la descente, on avait fait une belle saison en atteignant la finale de la Coupe de la Ligue et en remportant la Coupe de France. C’était mon premier grand trophée, et en plus, je marque. On avait malheureusement laissé des forces pour prendre des points pour se sauver. On était une bande de potes, on rigolait aux entraînements, mais on savait être sérieux. J’aime Bordeaux, mais Lorient, c’est mon club de cœur, c’est celui qui m’a lancé et j’ai un très bon rapport avec les supporters » , tient à rappeler Darcheville qui aimerait revenir un jour bosser pour le club morbihannais.

Quatorze ans plus tard, et malgré la mauvaise passe des deux équipes, il devrait y avoir une nouvelle fois du spectacle entre deux clubs amis et joueurs. Depuis qu’ils s’affrontent dans l’élite, Lorientais et Guingampais ont en effet marqué pas moins de trente-deux buts lors de leurs sept confrontations. Soit 4,57 buts par match, alors que la moyenne en Ligue 1 est de 2,4 buts par rencontre cette saison. Pas de doute, ce samedi, les Bretons verront des pions.

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