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Le jour où l’OM s’est qualifié pour le « classique » final
Au printemps 2006, après avoir passé trois buts à Rennes dans un Vélodrome chaud bouillant en demi-finale de Coupe de France, l'Olympique de Marseille de Jean Fernandez s'offrait une finale au Stade de France, non sans donner de bonnes raisons au PSG de Guy Lacombe de douter.
Fadas de l’OM et fétichistes du nombre dix, il y a de quoi méditer à l’heure où les Phocéens vont défier le FC Sochaux-Montbéliard pour rejoindre le PSG en finale de la reine des épreuves, ramenée dix fois sur le Vieux-Port. Restant sur dix matchs sans victoire, les « chèvres de l’Hexagone » auraient une bonne idée de se remémorer la date du 20 avril 2006. Il y a dix ans tout pile, donc. Ce jour-là, après avoir claqué… dix buts en trois semaines de championnat, leurs aînés, emmenés par Fabien Barthez, Taye Taiwo et Franck Ribéry, tabassaient l’un des meilleurs Stade rennais de ce début de siècle par trois buts à rien. Dans un stade Vélodrome rempli de 57 000 têtes, en semaine et en fin d’après-midi. Le jeu en valait la chandelle, avec la possibilité d’une belle première : une finale de Coupe de France plus qu’attendue face au Paris Saint-Germain, difficile vainqueur la veille du FC Nantes (2-1) et laborieux en championnat. En décembre, Guy Lacombe a d’ailleurs succédé à Laurent Fournier sur le banc. S’il l’emporte, le club olympien, en pleine bourre en cette fin de saison à rallonge (61 matchs au total), sera favori. Il ne le sait que trop bien.
« On avait des joueurs aux profils différents, mais complémentaires, et c’est ce qu’on recherche dans le foot. Il y avait un Ribéry dribbleur, des joueurs de devoir qui récupéraient et donnaient de bons ballons, de la technique, de la vitesse et de la puissance. En ce moment, c’est plus trop ça… » , compare d’ailleurs Mickaël Pagis. L’actuel ambassadeur du beach soccer en Bretagne garde d’ailleurs un souvenir sucré de ces soirs de buts et de fièvre, dans un antre imprenable ou presque – une seule défaite en championnat en 2005-2006 – quand les gradins brûlants, même sous le mistral, faisaient vibrer tout le boulevard Michelet : « Je me souviens plus du quart de finale contre Lyon (en 2007), où on entre avec Niang et on marque contre le grand Lyon pour se qualifier (2-1). Quelle folie dans le stade, c’était comme une bombe qui explosait sur les buts ! Un vrai moment de bonheur. J’ai connu de très belles communions à Bonal ou la Meinau, qui est un peu le Marseille de l’Est. Mais l’OM, ça reste le plus fort. »
Marseille qualifié en 20 secondes
Le genre de tornades sur et en dehors du pré capables de tout renverser. Bien qu’irrégulier, le Stade rennais européen et complet de Kim Källström, Yoann Gourcuff, Stéphane M’Bia, Olivier Monterrubio ou John Utaka, qui termine à trois longueurs de la 3e place, ne fait pas exception à la règle, même en grande forme. Le latéral Jean-Joël Perrier-Doumbé se rappelle : « On venait juste de faire notre belle série de dix victoires d’affilée toutes compétitions confondues et on avait une belle équipe, capable d’un coup en demie au Vélodrome. On avait notre plan, mais… » À peine une vingtaine de secondes après le coup d’envoi donné par M. Piccirillo, Franck Ribéry, chouchou adoubé d’un Vél’ en mal d’un héros comme Drogba, presse, gratte la balle à Grégory Bourillon, sans doute anesthésié au Vicks Vaporub, et file droit au but. « Le défenseur revient quand même, mais passe tout droit… Bon, on ne va pas parler de faute professionnelle, tant c’est dur de défendre sur lui, mais pas loin » , revoit « Pagistral » . Un piqué plus tard et le futur international fait craquer les fumigènes comme le moral des hommes de Bölöni.
« Ce n’était déjà plus le même match. Dans ta tête, tu sais que c’est déjà mort. Ils étaient costauds avec leurs quatre mecs derrière (Beye, Civelli, Déhu et Taiwo, ndlr)et leurs attaquants, le stade les mettait en confiance en plus. Quand on allait chercher un ballon sur les touches, on se faisait chambrer sévère » , revoit Perrier-Doumbé. S’ensuit une déferlante d’un gros quart d’heure et trois sueurs froides provoquées par Lamouchi, Pagis et Cana, Rennes a toujours la tête retournée lorsqu’un coup franc est sifflé à 20m à peine. Parfait pour porter un peu plus aux nues Ribéry. Le ballon est posé et les bras des supporters prêts à s’agiter lorsque Taye Taiwo, plus habitué aux longs fouettés, surprend son monde avec un cachou inattendu, flashé à 130 km/h. « On connaissait Taye : pas toujours cadré, mais dès que ça arrivait… Et là, sur ce but-là, c’était une flèche » , image Pagis, aux premières loges pour cette exécution, qui a bien failli emporter Olivier Monterrubio. « Il faisait souvent ce truc de se mettre juste derrière le mur sur les coups francs de près, avant de vite filer sur la ligne pour repousser si ça passait par-dessus. Mais là, est-ce qu’il l’a vu partir déjà ? » , rigole Jean-Joël Perrier Doumbé. « S’il se fait attraper, il part avec » , s’amuse aussi l’ancien buteur de Sochaux, Strasbourg et Rennes.
Tandis que Ribéry se prend au jeu du chambrage et des « Ooooooh » tel Manolete avec ses taureaux, Yoann Gourcuff manque de remettre les siens dans la partie. Sur un coup franc à gauche à 20 mètres là encore, son ballon travaillé échoue sur le poteau d’un divin chauve loin de sa cible. L’alerte qui intime aux Marseillais d’en remettre une couche, histoire de ne pas jouer avec la frousse de voir la première finale de leur histoire au Stade de France leur passer sous le nez. Qui d’autre que Mamadou Niang, 17 buts en championnat cette saison-là, pour parachever le spectacle ? Servi par Lamouchi alors qu’il mange la ligne à droite, le Sénégalais rentre vers l’intérieur. Fixation de Jeunechamp aux 18 m, tir entre les jambes, petit filet opposé. Isaksson est désabusé et Jean-Michel Larqué, aux commentaires, emballé par ce qu’il voit. « C’est vraiment un bon match » , répète-t-il à l’envi. « Quant tu rentres aux vestiaires dans ce contexte et avec ce score, qu’espérer d’autre que faire amende honorable sur la seconde mi-temps ? » , se demande alors Perrier-Doumbé avec ses coéquipiers. Mais aucun autre but ne sera marqué par qui que ce soit, malgré le festival de Ribéry ou les « ola » , les « grecques » ou les chants repris de plus belle dans le stade.
Au bout de cet exercice 2005-2006, l’OM de Jean Fernandez et de Pape Diouf n’avait certes rien gagné d’autre qu’une Coupe Intertoto, échouant face au PSG de Kalou et Dhorasoo (1-2) à Saint-Denis et finissant 5e après avoir un temps occupé le strapontin des préliminaires de la C1 lors de l’ultime multiplex. Mais il avait au moins le mérite d’afficher « du caractère, du panache » , dixit Pagis. Des arguments suffisants en tout cas pour susciter l’adhésion, dans une ville pour qui « l’OM est la baromètre du bien-être des Marseillais » , toujours selon l’ex-buteur aujourd’hui âgé de 42 ans. Il avait aussi la capacité de donner le sourire et la foi aux gens, entre les pitreries de Ribéry, les bandelettes dégainées des chaussettes de Maoulida ou la présence « réconfortante » dans le dos des adversaires de Beye ou de Civelli. De son indigne descendant à présent, que rajouter, après le départ d’un coach à 24 heures d’une nouvelle demi-finale de Coupe de France ? Que dire du fait que Sochaux, 15e de L2, au passé récent douloureux, s’affiche comme le favori face au 2e budget de France ? À la manière de Sarkozy en politique, coller deux images de 2006 et 2016 l’une à côté de l’autre, avec tout ce que ça implique en matière de popularité, de charisme, de réussite, tant sur qu’en dehors du cœur de métier, fait saigner bien des yeux. Comme le chantait MC Solaar, les temps changent. Et sur la Canebière, la couleur du rire ne s’est jamais autant mariée à celle du pastaga.
Par Arnaud Clément