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Le jour où l’OL aurait faussé le championnat
Il y a dix ans, l'OL était le leader incontestable du championnat. Pourtant, à la surprise du reste de la Ligue 1, cet Olympique-là subit une lourde défaite contre Lille. Les autres clubs crient alors au loup, et au truquage dans la course au podium.
« Quand il aligne une équipe bidon face à Lille, le PSG fausse le championnat et il faut savoir l’exprimer. » Jean-Michel Aulas est furax en ce 15 février 2016. Le leader du championnat, sans concurrence digne de ce nom, vient de céder un modeste 0-0 dans son Parc contre Lille. La pilule ne passe pas pour le président des Gones, qui soupçonne Paris d’avoir fait jouer une équipe plus faible que ce qu’elle pourrait proposer – avec un match de Ligue des champions important à venir trois jours plus tard. Pourtant, l’homme fort de l’OL a la mémoire courte : il y a 10 ans, c’était son équipe qui était accusée des mêmes maux par les équipes concurrentes du LOSC. À l’époque, on joue la 37e journée, l’OL est large champion de France pour la 5e fois consécutive et prend une raclée 4-0 à Villeneuve-d’Ascq. Récit d’un match déjoué.
Furia à Villeneuve-d’Ascq
Dans les mémoires lilloises, ce match n’a pas été marquant, semble-t-il. « Je n’en ai pas de souvenirs particuliers » , avoue Jean-Marie Dhaussy, proche suiveur du club depuis 1997. Pourtant, sur le papier, il s’agit peut-être du meilleur match de la part de la bête noire de l’OL époque domination totale. Des années plus tard, Stéphane Dumont confirme sur le site du LOSC que l’écart n’est pas anecdotique. « Même avec le titre en poche, les Lyonnais n’avaient pas habitude de prendre 4-0. » C’est un OL qui vient de battre un record – avec 81 points déjà, à la suite de la branlée 4-0 infligée aux Stéphanois. Et s’il n’y participe pas directement, Dumont se souvient parfaitement d’un « festival offensif et une prestation époustouflante » . C’est Dernis qui allume la mèche en première mi-temps, Peter Odemwingie profite des largesses défensives et de sa vitesse pour alourdir le score en deuxième, en bénéficiant d’un Vercoutre peu inspiré. Puis Makoun achève les débats. Claude Puel, sur le banc des Nordistes, savoure : « C’est un très gros match de la part de mes joueurs aussi bien dans le secteur défensif que dans l’animation offensive. » Lille récupère la troisième place et peut « jouer [son] destin à Rennes » , comme le dit Stéphane Dumont.
Fureur à Lens et Marseille
Car oui, si ce résultat ne change rien à la mainmise lyonnaise (qui conclura sa saison par un 8-0 à la maison contre le MUC 72) sur le championnat, il a une incidence au classement. La lutte pour la troisième place est féroce cette saison-là. Les prétendants sont nombreux, aux côtés du LOSC. Lens, Marseille, Rennes et même Auxerre se tiennent en une poignée de points. Philippe Violeau se souvient parfaitement du beau parcours de son AJA d’alors. « À Auxerre, on fait une super première partie de saison. Ensuite, il y a un conflit qui s’installe entre les entraîneurs et le club. Ils ne se sentaient pas suivis dans l’ambition qu’ils avaient pour ce club. De l’intérieur, la fin de saison a été difficile. La course était en quelque sorte perdue d’avance pour nous. » Après le multiplex du 6 mai, la course est finie. L’écart est porté à six points. « Pour autant, on n’avait rien à envier aux autres clubs concurrents » , et l’espoir d’accrocher le podium est resté presque jusqu’au bout. Or, il y a ce dernier match, où Gérard Houllier a fait le choix de se passer de nombreux titulaires habituels – en premier lieu Grégory Coupet, en pleine lutte pour le poste de numéro 1 en équipe de France au mondial 2006. Exit surtout Cris, Juninho, Caçapa et Thiago, soit la colonne vertébrale du champion de France. « Aulas, influencé par Jérôme Seydoux, était condescendant vis-à-vis du LOSC, petite équipe méritante, sans stade. Et en contrepartie, il estimait être prioritaire pour les recrutements » , juge Jean-Marie Dhaussy. Une explication comme une autre pour ce surprenant turnover.
« Vous ne voulez pas que je pleure ? »
Mais dans les autres clubs, c’est l’indignation qui domine. Car avec cette équipe A’, l’OL fournit une prestation bien en deçà des habitudes. Gervais Martel, président du RC Lens, fulmine dans les médias. L’OM crie au complot dans le duel des Olympiques. Sur fond de double rivalité, la rencontre alimente la machine à scandales. Houllier s’en défend à l’époque : « J’ai aligné de nombreux internationaux. Ce n’était quand même pas l’équipe de CFA de Marseille. Avec l’équipe type, j’aurais peut-être perdu plus largement. Vous ne voulez pas que je pleure parce que Lille nous a battus. » Si Houllier ne pleure pas, les autres clubs, eux, peuvent l’avoir mauvaise. Violeau se remémore la réaction de son vestiaire. « Avec Santini et Cuperly, qui sont tous deux d’anciens Lyonnais également, on avait forcément quelques doutes sur ce résultat. On s’est dit que Lyon avait lâché le match. Mais c’était plutôt lié – je pense – à la décompression après le titre de champion. Ce n’était pas dans une volonté de nuire. On peut lever le pied sur un match, mais pas aussi intentionnellement. Je n’imagine pas l’entraîneur dire : « On lève le pied les gars ce soir. » » Au contraire, Violeau comprend les choix opérés. « Je conçois qu’on fasse tourner pour faire participer tout le monde à la fête. » Et à ce petit jeu, le match a au moins prouvé une chose : les remplaçants lyonnais (comme Monsoreau, Clément et Pedretti) n’étaient tout simplement pas au niveau.
Par Côme Tessier