- Ligue 1
- J4
- Reims-Paris SG
Le jour où Lionel Messi a joué son premier match… contre Mauricio Pochettino
Dimanche soir, Lionel Messi pourrait jouer ses premières minutes avec le maillot du Paris Saint-Germain, face au Stade de Reims. Ses premières minutes avec un autre maillot que celui du FC Barcelone, en fait ; et ce, sous les ordres de Mauricio Pochettino. Un premier match professionnel dans une autre équipe, dix-sept ans après ses premières secondes avec le Barça, et son entrée en jeu à la 82e minute face à l'Espanyol Barcelone, le 16 juin 2004. Un Espanyol Barcelone dont le capitaine aux cheveux longs de 32 ans n'était autre que... Mauricio Pochettino. Une irréelle coïncidence, qui méritait d'être racontée par ceux qui l'ont vécue.
16 octobre 2004, un peu avant 22 heures. Sur la pelouse du stade olympique de Montjuïc, un derby barcelonais de haute volée se prépare. Après six journées de championnat, l’Espanyol Barcelone emmené par Maxi Rodríguez et Ivan de la Peña est septième du classement, et s’est payé le scalp du Real Madrid à peine un mois plus tôt. Il accueille son rival, le FC Barcelone de Frank Rijkaard, déjà confortablement installé sur son fauteuil de leader de la Liga, et dont le onze titulaire donne des frissons. Ronaldinho, Eto’o, Deco, Xavi, Puyol, Larsson, Valdés, tout ce beau monde marche d’un pas autoritaire sur l’Espagne et n’entend pas laisser filer des points face à ses voisins de l’Espanyol.
Les joueurs se promènent tranquillement de part et d’autre du carré vert pour prendre possession des lieux, comme le veut la tradition. C’est alors que Samuel Eto’o s’approche de Carlos Kameni, le gardien camerounais titulaire de l’Espanyol Barcelone. Les deux hommes se côtoient en sélection nationale depuis un bout de temps ; ils se connaissent bien. « Samuel vient me voir, pointe du doigt un petit gars en survêt’ au bord du terrain, et il me dit : « Lui, un jour, ce sera le meilleur joueur du Barça. Il est très, très fort. » Je me suis méfié, parce que quand Samuel dit ça, c’est qu’il y a une raison. » Carlos Kameni ne sait pas qu’il vient de faire la connaissance de Lionel Messi.
Pas inconnu de tous
Du côté de l’Espanyol, certains ont déjà eu vent du phénomène. Miguel Ángel Lotina, le coach, par exemple. « On le connaissait déjà un peu, parce que le Barça projetait de nous le prêter. À l’époque, Messi n’était pas encore espagnol, et le Barça devait réduire son nombre d’étrangers à la Masia. Ils avaient pensé à nous le céder pour qu’il reste à Barcelone, comme sa famille était d’accord. » Mais à l’heure de commencer le match, Lionel Messi, au même titre qu’Andrés Iniesta, est sur le banc. Les deux minots assistent depuis la cahute à l’ouverture du score de Deco dès la neuvième minute, sur un service d’Eto’o. Le Barça continue de dominer, mais ne parvient pas à enfoncer le clou. Pochettino tient à bout de bras la défense de l’Espanyol. Après l’heure de jeu, Iniesta supplée Eto’o. À la 82e minute, c’est au tour du Portugais buteur de rejoindre la touche ; le moment choisi par Rijkaard pour lancer dans le grand bain le petit Argentin aux cheveux longs de 17 ans.
Kameni tilte. « Depuis le banc, Sam me refait un signe :« C’est lui, c’est lui dont je te parlais ! » » Rijkaard l’a placé à droite, devant les bancs des remplaçants. Sur l’un de ses premiers ballons, Messi fait sa première victime : David Garcia, l’arrière gauche, qui finit le nez dans le gazon après un crochet du gauche vers l’intérieur. Erwin Lemmens, gardien remplaçant de l’Espanyol, est aux premières loges. « J’ai très peu de souvenirs de ce match, ça remonte à longtemps maintenant, mais je me souviens bien de ce mouvement, droite-gauche. Il le fait devant nous, et ça va très vite. » La rencontre touche à sa fin, l’Espanyol veut égaliser et laisse des boulevards derrière. Même Pochettino monte aux avant-postes. Alors, lorsque Messi est lancé en contre pour la dernière action, c’est Ito, revenu en catastrophe, qui lui barre la route vers le but de Carlos Kameni. Et qui remporte d’un tacle rageur son un-contre-un face à l’Argentin. « C’est une satisfaction, aujourd’hui. À l’époque, je ne pouvais pas le savoir, mais quand j’ai rejoué contre lui, j’ai compris à quel point il était fort. Être le premier à avoir gagné un un-contre-un avec Messi, c’est une vraie fierté. » Carlos Dávila siffle aussitôt la fin de la rencontre.
Rijkaard gère
Messi n’a joué que dix minutes. Assez pour qu’en conférence de presse d’après-match, Frank Rijkaard soit assailli de questions sur son deuxième entrant. Le Batave explique qu’il a sorti deux de ses cadres prématurément en vue d’un match de Ligue des champions contre l’AC Milan, le mercredi qui suit. Et, en bon coach qui protège ses pépites – ce sont les joueurs qui lui ont demandé d’intégrer Messi aux entraînements, lui était contre pour le préserver physiquement -, il fait redescendre la pression autour de l’étoile argentine. « Messi est entré parce qu’il est très doué. Sinon, je convoquerais mes amis. » Lionel Messi a marqué les esprits, balle au pied ; mais au micro, ce n’est déjà pas une star, et Ito l’a compris. « Il était très timide. Ça se sentait même sur le terrain. À la fin du match, les caméras viennent le voir, mais on voit qu’il n’est pas du tout à l’aise. » Ce n’est pas Cesc Fàbregas qui dira le contraire, lui qui jouait avec la Pulga en jeunes à la Masia. « On croyait qu’il était muet. C’est grâce à la Playstation qu’on a découvert qu’il pouvait parler. »
Lionel Messi et Mauricio Pochettino n’ont fait que se croiser sur le terrain. Tous les deux ont les cheveux longs, mais l’un vit l’aube de sa gargantuesque carrière, alors que l’autre, brassard au biceps, est au crépuscule de son vécu de joueur et n’a plus que deux saisons à tirer avant de faire sa révérence. L’année suivante, alors que le Barça projette toujours de prêter sa pépite, Messi réalise une performance de haute volée lors du trophée Gamper, face à la Juventus de Fabio Capello qui le félicite personnellement. Suffisant pour faire capoter le prêt, et intégrer définitivement Messi à l’équipe première : les deux hommes de Rosario ne joueront jamais sous le même maillot. Dix-sept ans plus tard, les voilà réunis à Paris, le premier sous les ordres du second. Un conseil pour stopper la nouvelle star du PSG ? Ito est formel. « Se munir d’un lasso, pour l’attraper. »
Par Paul Citron