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Le jour où l’Espanyol a fait tomber le Real pour la dernière fois
Saleté de série : l'Espanyol n'a plus battu le Real Madrid depuis plus de dix ans, soit depuis 22 confrontations exactement. La dernière fois, c'était le 20 octobre 2007 (2-1) et l'entraîneur des Pericos était un certain Ernesto Valverde.
Johan Cruyff avait pourtant prévenu. Deux fois. Une première, au début des années 1990, dans son livre Mis futbolistas y yo : « Ernesto était un joueur intelligent et qui avait toujours soif d’apprendre. En tant qu’entraîneur, il sera l’un des plus prometteurs de sa génération. » Une seconde, plus de dix ans plus tard : « C’est un vrai plaisir de regarder l’Espanyol jouer ; je suis heureux qu’il y ait des personnes comme Ernesto qui proposent cette vision et qui souhaitent que les gens en profitent. C’est avant tout pour ça que le football est né. » Il est un peu après 21h, fin octobre 2007. C’est une autre époque : celle du stade olympique Lluís-Companys ; d’un Real qui se cherche une politique malgré un premier titre de champion d’Espagne depuis 2003 gratté au printemps précédent entre les doigts d’un Fabio Capello dégagé dans la foulée, le président Ramón Calderón souhaitant trouver « un autre jeu qui enthousiasme plus » ; et de Bernd Schuster, donc, installé à la barre de la Maison-Blanche après des prouesses réalisées à Getafe. C’est aussi le temps des pages qui se tournent (Roberto Carlos, Helguera, Pavón, Beckham) et de celles qui commencent à s’écrire avec plus ou moins de lisibilité (Robben, Pepe, Sneijder, Drenthe). Oublions et regardons l’Espanyol car, au départ de cette série de vingt-deux rencontres consécutives sans défaite du Real face aux Perruches catalanes (19 victoires, 3 nuls), il y a ce 20 octobre 2007, jour où Ernesto Valverde a lâché l’un des plus beaux crochets de sa carrière d’entraîneur.
L’envol de Valverde
Tout sauf une surprise : à l’automne 2007, la fourmi – surnom que lui a donné un jour Javier Clemente – est déjà quelqu’un. Un mec qui sort notamment d’une finale de Coupe de l’UEFA perdue face au FC Séville à Glasgow (2-2, 1-3 aux tirs au but, ndlr) et qui traîne derrière lui quatre saisons professionnelles sur un banc. Il y a eu Bilbao, il y a maintenant l’Espanyol, où Valverde a joué à la fin des années 1980 (1986-1988), et surtout Barcelone, ville où le jeune entraîneur avait découvert, joueur, « une certaine effervescence artistique, un côté avant-gardiste » , au point de passer le concours d’entrée de l’Institut d’études photographiques de Catalogne (IEFC). Concours réussi, forcément, mais c’est une autre histoire, Ernesto Valverde étant bien plus qu’un coach intello. Les premières minutes de cet Espanyol-Real, joué dans un Lluís-Companys chauffé par la deuxième partie d’une saison 2006-2007 convaincante et le début d’un second exercice valverdien plutôt réussi (quatre victoires, dont deux succès à Séville et à Valence, un nul, deux défaites), en est le parfait exemple : d’entrée, les Pericos attrapent la glotte du Real de Schuster, Valdo glisse un petit pont à Marcelo et va chercher le corner pour l’ouverture du score signée Riera au bout d’une petite minute de jeu.
L’autre Raúl
Cet Espanyol est celui des promesses maison (Dani Jarque, Torrejón, Moisés Hurtado), des bonnes pioches (Kameni, Zabaleta) et des légendes (Tamudo, Riera, Luis García). Il joue au foot, ne calcule pas, a cogné, la saison précédente, le Barça de Rijkaard (3-1, le 13 janvier 2007) et est passé tout proche d’un exploit fou au Bernabéu (défaite 4-3 après avoir mené 1-3 au bout de 33 minutes grâce à un triplé de Walter Pandiani, ndlr). Face au Real, alors invaincu et en route pour un deuxième titre de champion consécutif devant le Villarreal de Pellegrini, la bande de Valverde déroule et inscrit un second but après la pause sur un lob délicieux de Raúl Tamudo devant un Christoph Metzelder brinquebalant. Brûlant lors de ses premières semaines en Espagne, Wesley Sneijder patauge également et est même remplacé par Royston Drenthe à l’heure de jeu. Le voilà donc au chaud, aux côtés de Mahamadou Diarra, pour voir Sergio Ramos réduire le score. Bingo : le Real est tombé (1-2) et Valverde poursuit sur le moment la seconde plus grosse série de matchs sans défaite de sa carrière d’entraîneur (17, l’Espanyol sera battu le 13 janvier 2008, 0-1, à Almería, ndlr). C’était il y a maintenant plus de dix piges : Valverde ne roulait pas encore sur le monde avec le Barça, Royson Drenthe soulevait toutes les jupes de Madrid, Sneijder courait encore, Marcelo n’avait pas de touffe, et Raúl Tamudo était un roi, déjà. Et ça, Cruyff ne l’avait pas vu venir.
Par Maxime Brigand