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Le jour où le Parc des Princes a découvert Mbappé
Le 20 mars 2016, Leonardo Jardim titularise contre toute attente un jeune joueur de dix-sept ans pour un PSG-Monaco crucial dans la course à la deuxième place qui oppose le club de la Principauté à l'Olympique lyonnais. Son nom ? Kylian Mbappé.
Le principe de prudence est un réflexe tenace quand il s’agit d’évoquer ces joueurs pourtant amoureux du risque. Il ne faut pas exalter l’instant, juste se méfier de l’avenir et relativiser le passé. Lorsque l’on doit tempérer la folie autour de Kylian Mbappé, le même pseudo-argument revient sans cesse : « Il n’a fait que six mois ! » Comme si l’engouement était forcément un brin illégitime, comme si on avait peur d’en avoir trop fait et trop dit autour d’un joueur de dix-huit ans qui a pourtant déjà prouvé davantage que mille autres, dont les carrières seront fanées quand le phénomène aura encore toute la sienne devant lui. C’est vrai, Mbappé n’était pas encore tout à fait Mbappé avant le mois de février et la décision de Jardim de l’inscrire sur la feuille de match d’un huitième de finale de Ligue des champions. Ce qui apparaissait alors comme un pari osé. Mais il avait eu le temps de grandir, à sa manière, toujours plus vite que les autres. En décembre 2015, l’idole de Bondy jouait son premier match en professionnel. En février 2016, il marquait son premier but en Ligue 1. Huit jours plus tard, il goûtait à sa première titularisation à la Beaujoire. Trois semaines après, il découvrait déjà le Parc des Princes, dans la peau d’un titulaire, face à une équipe invaincue dans son antre depuis près de deux ans.
Aucun complexe face à Maxwell
« J’avais eu l’occasion de le voir évoluer avec les jeunes de Monaco. On voyait déjà de quoi il était capable, mais entre les promesses et l’accomplissement en professionnel, il y a un monde » , note José-Karl Pierre-Fanfan, ancien joueur du PSG et de l’ASM. Ce soir-là, un dauphin moribond se présente, croit-on, en victime expiatoire chez le champion de France. Avec une tactique expérimentale et donc le petit Kylian, aux côtés d’un Lemar des grands soirs et d’un Vágner Love qui a encore un peu d’amour à donner. « J’étais au stade. Je me souviens que sur l’un de ses premiers ballons, Mbappé avait tenté une aile de pigeon sombrero sur David Luiz qui lui a mis un coup de coude à la gorge pour le stopper, relance l’ancien défenseur. Il était parfois un peu brouillon encore, mais ce qui sautait aux yeux, c’est qu’il n’avait pas peur ! Il ne faisait pas de complexe face à Maxwell dans son couloir. » Maxwell ? Oui, car Mbappé a bien commencé sa vie professionnelle à droite, ce jour-là, dans un 5-2-3 sauce Jardim. « C’était un bloc bas, donc il devait exploser à la récupération du ballon, amener de la vitesse et de la percussion, exploiter les espaces. Et il le faisait très bien. Le PSG dominait, avait le ballon, donc Mbappé n’en avait pas beaucoup touché. Mais sur le peu de situations qui s’étaient présentées, il avait été intéressant sur ses prises de balle. On sentait qu’il était capable de fulgurances » , concède José-Karl. Après une série de trente-quatre matchs sans défaite à domicile, le PSG un poil suffisant de Laurent Blanc cède face à la malice, la rigueur et, il en faut, la réussite du onze de Jardim. 0-2, un penalty de Fabinho et un but de Vágner Love. Mbappé ne fait pas encore tourner la tête des statisticiens, mais il marque un peu les esprits, dont celui de Pierre-Fanfan la tulipe « Pour une deuxième titularisation en Ligue 1, c’était assez impressionnant. Même s’il n’a pas su être décisif par une passe ou un but, il a influé sur le match par cette menace qu’il représentait pour la défense. En face de lui, il avait des joueurs qui ont X matchs de Ligue des champions et de Coupe du monde, mais ça ne l’a pas empêché de tenter des gestes fous, de les mettre en difficulté. »
Globules rouge et bleu
Dix-huit mois après ses premiers pas au Parc, Mbappé va cette fois fouler la pelouse avec les couleurs locales et faire face à des attentes monumentales. De quoi lui mettre un peu de pression ? Réponse de l’ancien capitaine parisien : « Lors de ce match, il n’y avait pas la grosse ambiance du Parc telle qu’elle est en train de revenir, donc le contexte était un peu plus favorable. Et c’est plus dur de jouer au Parc des Princes quand on porte le maillot du PSG. Il y a une pression, une atmosphère particulière. Mais même si on dit qu’il n’y a pas de pression à Monaco, elle existe tout de même. La Principauté, cette couronne sur le maillot… Même s’il y a moins de ferveur, il y a une exigence similaire : cette culture du beau jeu liée à l’histoire de l’ASM. » Comme pour sa première dans le jardin parisien, Mbappé devrait s’installer sur un côté droit qu’il ne chérit pas, mais qui ne l’empêchera pas de briller. « Contre Metz, il a joué dans l’axe pour avoir plus de liberté. Mais Paris ne jouera pas toujours avec quatre vrais offensifs. En tout cas, il offre un panel d’options. Et puis même s’il y a un schéma tactique, sur le terrain, rien n’est figé. Dans les attaques, il doit y avoir des permutations entre les joueurs, du mouvement. L’essentiel, tactiquement, c’est de savoir se replacer à la perte du ballon. C’est là que toute l’équipe prend ses repères pour verrouiller le terrain. Sur le plan offensif, avec des joueurs d’un tel niveau, quelques mouvements sont travaillés, mais l’entraîneur leur laisse quasiment carte blanche. C’est l’instinct qui parle, les qualités techniques. On a vu contre Metz certains mouvements avec des talonnades, des doubles une-deux qui viennent naturellement parce qu’ils aiment le football. » Il n’est pas imprudent de penser que c’est réciproque.
Par Christophe Depincé