- Ronalday
- 40 ans de Ronaldo
Le jour où le Joga Bonito a humilié le Chili
Le 4 septembre 2005, le Brésil atomise le Chili à Brasilia et composte son billet pour le Mondial allemand. Ce jour-là Ronaldo est aligné en compagnie de Kaká, Adriano et Robinho. Les victimes chiliennes, encore hantées par le cauchemar, racontent l’apogée du Joga Bonito.
Adriano élimine en vitesse et en puissance le pauvre Pablo Contreras, qui se retrouve le cul par terre, puis centre au second poteau. Kaká arrive et remet de volée dans l’axe pour Ronaldo. Le ballon est un poil en retrait, alors le Fenomeno contrôle la sphère et, d’une subtile déviation, sert Robinho qui n’a plus qu’à frapper dans le but vide. Et les quatre souriants, heureux d’aller fêter leur but sur un pas de samba. Comme un symbole de ce futbol alegre alors porté par cinq joueurs au sommet de leur forme : Adriano explose tout avec l’Inter, Ronaldinho sera Ballon d’or à la fin de l’année, Ronaldo est à la pointe de l’attaque des Galactiques, Robinho est encore la plus grande promesse du football mondial et Kaká guide le jeu de l’AC Milan.
C’était il y a onze ans, une éternité déjà. À l’époque, le Brésil, déjà favori de la Coupe du monde 2006, marche sur les éliminatoires, porté par ce football joyeux, vif, instinctif. Accompagné par la chanson de Sergio Mendes, Mais que Nada, le but de rêve illustrera, six mois plus tard, le Joga Bonito markété par Nike lors de sa campagne publicitaire pré-Mondial 2006. Et les pauvres Chiliens de se voir humiliés en mondovision dès qu’ils regardent un match de football.
Une marche trop haute
Sur toute l’action, les défenseurs chiliens sont à des années-lumière du quatuor auriverde. Ils assistent impuissants au récital des Brésiliens. Un but à l’image d’un match dont ils gardent encore aujourd’hui un souvenir amer. À l’époque, le Chili s’avance à Brasilia diminué, Marcelo Salas est blessé. Nelson Acosta, sélectionneur lors du Mondial 98, a été appelé à la rescousse d’une équipe à la dérive quelques mois plus tôt. Pour son retour, les débuts ont été encourageants, deux victoires à domicile face à la Bolivie et au Venezuela. Mais les Chiliens doivent obtenir un résultat au Brésil s’ils veulent entretenir l’espoir d’une qualification. Et évidemment, la marche est trop haute : « Bien sûr, j’avais prévu un plan tactique. On essayait de tenir un peu le ballon, mais très vite on se fait punir sur corner et le plan est foutu. L’équipe traversait un moment difficile, c’est juste le genre de jour où rien n’a fonctionné. » Le défenseur central Pablo Contreras, champion de France 1999 avec Monaco, abonde dans le même sens : « On avait beaucoup travaillé, fait beaucoup de séances vidéo avec Nelson, pour voir comment piéger cette équipe. Mais on a pris un but au bout de onze minutes qui ruine notre approche tactique. Après coup, tu te dis : « On aurait peut-être dû jouer plus bas, de manière plus défensive », mais même en garant le bus, on aurait pris des buts contre cette équipe. Il y avait une grosse différence de niveau. »
Un but très vite suivi par un second, celui du Joga Bonito donc, où Contreras n’est pas exempt de tout reproche selon le Pelado Acosta : « Sur le second but, nous n’avons pas le droit d’être si ingénus, d’y aller la fleur au fusil, on devait plus se contrôler. Pablo sort très haut sur Adriano et va au sol alors que tu ne dois utiliser cette possibilité qu’en dernier recours. Ce qui m’a embêté, c’est que nous n’étions pas en place. Ce but-là vient de nos erreurs, on n’a pas le droit de le prendre dans un match d’éliminatoires. » Et le cauchemar n’est pas fini, puisqu’Adriano déboule dans le game et signe un doublé express (27e, 29e).
Revanche à Bernabéu
Aux citrons alors que le Brésil mène déjà 4-0, le vieux gardien chilien Nelson Tapia, pas irréprochable sur le quatrième but, a la mauvaise idée d’échanger son maillot avec Robinho, son ex-coéquipier à Santos. Un geste pour lequel il sera épinglé à son retour au pays et qui marque le chant du cygne de la carrière internationale de celui que le Chili surnommait Bart Simpson. Après cette terrible défaite, Tapia, qui facture trente-huit ans à l’époque, ne sera plus jamais rappelé pour jouer avec la Roja. L’intéressé se défend : « J’ai une super amitié avec Robinho, à l’époque on était constamment en contact. Avant le match, il m’avait promis son maillot pour mon fils. À la mi-temps, il me file son maillot sur le terrain. J’aurais préféré qu’il me le donne dans le vestiaire, ça n’aurait pas fait une telle histoire, mais en aucun cas, cela n’a eu une influence sur le résultat. » Nelson Acosta, qui apprend l’histoire par les médias chiliens à son retour à Santiago, est pourtant colère : « Nelson a fait une erreur. Une grosse erreur parce que quand tu prends quatre buts en 30 minutes, la première chose que tu dois faire est courir aux vestiaires, et voir comment faire pour stopper l’hémorragie. »
Onze ans après les faits, Contreras, lui, est plus fataliste : « C’était un match horrible pour nous et parfait pour eux. Ronaldo était extraordinaire, Adriano dans la forme de sa vie, ils étaient injouables en fait. C’était pratiquement impossible de les arrêter, peut-être le pire match de ma carrière, car il y avait un énorme sentiment d’impuissance. On n’avait rien pu faire, on voyait les vagues brésiliennes arriver et nous submerger, le quatuor offensif plus Roberto Carlos et Cafu, c’était très dur. » 5-0 au final et un coup de semonce pour la Roja, éliminée du Mondial brésilien. Puisqu’à toute chose malheur est bon, Pablo Contreras préfère se souvenir d’un match heureux, une semaine après la terrible défaite : « Une semaine après ce cauchemar, j’affrontais à nouveau Ronaldo, l’attaquant le plus fort que j’ai jamais joué, et Robinho. Je jouais au Celta Vigo à l’époque. Les affronter à nouveau, j’en avais des sueurs froides, mais à Bernabéu, j’ai fait un super match. J’ai marqué et on a gagné 3-2 contre le Real. Disons que le match de Brasilia m’a aidé, j’avais un gros sentiment de revanche ! » Toujours ça de pris.
Chili : une question de Vidal ou de mortPar Arthur Jeanne