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Le jour où l’ASSE a disputé son premier match international
100e match de Coupe d'Europe ce soir à Geoffroy-Guichard. Coïncidence, le 17 septembre 1933 l'AS Saint-Étienne jouait la première rencontre internationale de son histoire, un amical face à l'Urania Genève Sport. Retour sur des Verts en sépia.
Ce n’était pas encore le Chaudron. À l’aube des années 30, les fumées qui enveloppaient le stade émanaient plutôt des usines alentours que de la ferveur populaire. Une ferveur certes présente, ainsi les 2 000 spectateurs venus au premier match professionnel de l’histoire de Geoffroy-Guichard, autour d’un terrain bordé d’une tribune principale de 1 000 places. Mais un gradin unique et une piste d’athlétisme ne permettent pas à une arène de bouillir. En revanche, ils font remonter des souvenirs. Une semaine après cette première – victoire 3-2 contre le FAC Nice –, Saint-Étienne reçoit l’Urania Genève Sport en amical, premier club étranger à fouler la pelouse stéphanoise. Le calendrier indique la date du 17 septembre 1933, soit 82 ans jour pour jour avant la 100e européenne de l’ASSE, ce jeudi soir.
Des papillons dans le Chaudron
Si le stade Geoffroy-Guichard est inauguré en 1931, il est dans ses premières années utilisé par l’ASS, club omnisports et corpo’ de Casino. Construit grâce à une souscription lancée par Pierre Guichard, fils de, il doit attendre que la section football soit créée le 26 juin 1933 pour voir jouer son ASSE d’aujourd’hui. Et alors que l’équipe vient d’entamer sa première saison professionnelle, en Division 2, par 2 victoires contre le SC La Bastidienne et donc Nice, un match amical et international est planifié. C’est Nos Sports, le quotidien sportif destiné aux employés de Casino et lancé en 1924 par un Guichard fils âgé de 18 ans, qui annonce l’événement dans une syntaxe délicieusement désuète.
« Fidèle à sa promesse, l’AS Saint-Étienne organisera dimanche un très grand match amical international, avec pour invité l’Urania de Genève. La venue des sous-champions de Suisse obtiendra le plus joli succès. À titre documentaire, il n’est pas possible de présenter une équipe supérieure à celle que nous verrons évoluer dimanche prochain. » C’est qu’à l’époque, le club doyen du canton de Genève en impose : champion romand et vainqueur de la Coupe de Suisse face aux Young Boys en 1929, « sous-champion » derrière le Grasshoper en 1931 et surtout, surtout, vainqueur du Tournoi international de l’exposition coloniale de Paris cette même année. Alors, pour la venue des papillons d’Eaux-Vives, Nos Sports compte sur le soutien populaire : « Un service intensif de tramway facilitera grandement les déplacements de la population stéphanoise. Il faut espérer que le public local saura apprécier les efforts de l’AS Saint-Étienne et qu’il tiendra, par sa présence, à les encourager. »
Team premier, soccers et demis
La semaine d’après, l’hebdomadaire revient sur le match, toujours dans son vocabulaire soyeux : « À tout seigneur, tout honneur. Notre team premier recevait dimanche dernier une des plus fortes équipes de Suisse, en l’occurrence l’Urania de Genève. Dans le monde du football, notre invité jouit d’une belle réputation. Et pourtant, sans vouloir flatter nos joueurs, ceux-ci, ne se souciant pas outre mesure du prestige des visiteurs, s’imposèrent constamment. » Le journal n’oublie pas de mentionner, encore, le public, depuis toujours primordial dans la stratégie et les succès du club forézien – et de son patron : « Le public stéphanois apprécia à sa juste valeur le rendement et le beau jeu des camarades de notre capitaine Boutet (André, 1er capitaine des Verts, ndlr). Le succès d’affluence de ces premières organisations de début de saison nous laisse prévoir des résultats favorables, et ce, dans un avenir rapproché. À vous joueurs et à nous dirigeants de redoubler d’efforts et de volonté pour provoquer les encouragements de ce cher public. »
Quant au terrain, la victoire 2-0 est incontestable d’après Nos Sports : « Le jeu fut très sec, de part et d’autre on voulait gagner. (…) Chez nous, suivant une heureuse méthode que l’on appliquera toute la saison, on voulait vaincre, avec obstination nos soccers s’y employèrent. L’adversaire résistait sérieusement, tout de même ce que l’on prévoyait arriva peu après la pause réglementaire : en effet, notre team dominait territorialement, ses attaques étaient plus dangereuses, 2 buts sanctionnèrent très justement un incontestable avantage. » Puis, la fonction d’un journal étant de faire preuve de recul et d’analyse impartiale, Nos Sports se lance dans l’exercice : « Maintenant, passons un peu dans le domaine de la critique. Cette dernière, n’ayant que pour but de provoquer une amélioration de l’ensemble, restera cordiale comme il se doit. Chez les défenseurs et les demis, le rendement fut bon, conseillons toutefois à Pollard de rester plus calme, on ne doit pas se faire justice soi-même. En championnat, cette erreur pourrait coûter l’exclusion et une suspension. En revanche, chez les avants, la mise en point reste imparfaite, on ne combine pas suffisamment. Nous aimerions voir les joueurs mieux assurer leurs passes et voir les destinataires se démarquer habilement. » Canardage à la sulfateuse version années 30.
Rayon prise de position toujours, le journal du club déclare dans un même élan son opinion sur la véritable place de l’ASSE : « Il convient de préciser que cette victoire aussi nette confirme les beaux résultats antérieurs et place définitivement l’AS Saint-Étienne à un niveau relevé, celui des meilleures équipes françaises. » C’est qu’à l’époque, suite à un retard dans le dépôt des statuts professionnels, le club de la famille Guichard ne put s’engager en 1re division et dut se contenter de l’échelon inférieur, le championnat interrégional, poule Sud. Il termina dauphin d’Alès et ne parvint pas à passer les barrages. Pourtant, il était resté invaincu à domicile. Si Geoffroy-Guichard n’était pas encore le Chaudron, les adversaires venaient déjà s’y brûler les crampons.
Par Eric Carpentier
Remerciements à Pierre Gastal
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