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Le jour où la RDA a éliminé l’URSS de ses JO
Un monde oublié. Deux pays qui ne figurent plus sur la carte. Le 29 juillet 1980, l'URSS affronte la RDA lors des demi-finales du tournoi olympique de Moscou et s'incline sur un but de Wolf-Rüdiger Netz. Cet épisode, qui aurait dû être vécu comme un petit cataclysme, a finalement été rangé au rang de simple péripétie d'une compétition de second rang.
Moscou, juillet 1980. L’URSS accueille enfin les Jeux olympiques. Depuis son ralliement post-Seconde Guerre mondiale au « sport bourgeois » du CIO et alors que l’IRS (Internationale du sport rouge) a été enterrée, l’Union soviétique en rêvait afin de pouvoir étaler toute sa puissance et la supériorité du système socialiste. Seulement, entre-temps, les chars de l’Armée rouge sont entrés dans Kaboul et l’Oncle Sam, trop heureux de reprendre la main après sa défaite au Vietnam, a décidé de boycotter l’affaire, tout comme une cinquantaine de délégations, dont la Chine communiste et la majorité des pays arabo-musulmans. Tous sont outrés de voir les garants du marxisme-léninisme dévoiler leur surprenant visage impérialiste.
Faux amateurs, vrai match international …
Ces olympiades perdent donc considérablement de leur intérêt, à l’exception peut-être du tournoi de football. Il faut dire que depuis 1952, les équipes de l’Est y raflent la quasi-intégralité des médailles, profitant d’un puritanisme coubertinicien qui proscrit le professionnalisme et la possibilité d’aligner la meilleure équipe nationale possible. Ainsi, le 29 juillet, les effectifs qui s’avancent devant les 95 000 spectateurs du stade Lénine n’ont que quelques étoiles : Matthias Müller, joueur du Dynamo Dresde, habitué des joutes européennes, d’un côté ; Aleksandr Tchivadze, titulaire régulier au Dinamo Tbilissi, futur vainqueur de la C2, de l’autre. Rinat Dassaiev est également un petit nom ronflant.
L’hypocrisie ne berne plus personne et, en septembre 1980, Onze pose d’ailleurs clairement la question : « Faut-il supprimer le tournoi olympique, qui ne représente pas grand-chose si ce n’est des rencontres entre de faux amateurs et des professionnels débutants ? » Preuve en est, Thierry Roland, qui a fait le déplacement, se retrouve à commenter l’athlétisme plutôt que le foot. Deuxième preuve : le podium (Tchécoslovaquie, RDA, URSS) ne reflète en rien la hiérarchie de l’époque. Onze, toujours : « Aucune de ces équipes n’a fait grosse impression et sur ce que l’on a vu à Moscou, on voit mal l’URSS, la RDA et la Tchécoslovaquie se qualifier pour le Mondial 1982… » Verdict ? La RDA ne verra pas Madrid, Russes et Tchécoslovaques, eux, ne brilleront guère.
Classico olympique
La demi-finale opposant la RDA à l’URSS a malgré tout des faux airs de classique des tournois olympiques. Quatre ans auparavant, à Montréal, les Allemands ont en effet déjà sorti les Soviétiques au même stade de la compétition. Et, en 1972, les deux formations ont décidé de ne pas se départager pour la médaille de bronze : un modèle de fair-play façon faucille et marteau. Malgré tout, la rivalité s’arrête toutefois à la lisière du gazon car, contrairement aux chocs entre Hongrois et Polonais, la RDA endosse plutôt le rôle de l’éternel bon élève du camp socialiste, soucieuse de faire oublier le passé nazi de son pays.
Au bout de 90 minutes soporifiques et d’un faible niveau technique, les Soviétiques sont alors « éliminés aux portes de la finale qu’espérait tout un peuple car les 32 matchs du tournoi furent suivis par plus d’un million et demi de spectateurs » (Onze). Une contre-performance qui n’empêchera pas les dignitaires du Kremlin de dormir, trop occupés à additionner l’or dans les compétitions de lutte et de gymnastique ou à conspuer le comportement américain. L’URSS se vengera finalement, avant de disparaître, en 1988, à Séoul.
Par Nicolas Kssis-Martov