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- 5 mai 1921
Le jour où la France « a vengé Jeanne d’Arc »
Le 5 mai 1921, à Vincennes, l’équipe de France battait l'Angleterre pour la première fois de son histoire. De quoi prendre sa revanche après des années d'humiliation.
Maurice Cottenet, Lucien Gamblin, Raymond Dubly, Jean Boyer, Jules Dewaquez et tous les autres peuvent avoir le sourire. Ils ne peuvent retenir leur joie. Les tours d’honneur dans le stade Pershing, à Vincennes, sont interminables. Les 30 000 spectateurs présents sont en liesse et ne cessent de scander le nom des joueurs français. Gaston Barreau, quant à lui, n’en revient pas. Le manager des Bleus reste statique sur le bord de la pelouse. Il observe, calmement, béat. Pourtant, ses hommes n’ont pas remporté la Coupe du monde, puisqu’elle n’existe pas encore. Ils se sont simplement imposés dans un match amical. Sauf que ce n’est pas n’importe quelle rencontre amicale. Il s’agit d’une opposition face à l’équipe d’Angleterre. Ce 5 mai 1921, l’équipe de France a battu les Three Lions pour la première fois de leur histoire. Ce 5 mai 1921, alors que Coco Chanel lance son nouveau parfum, le numéro 5, Maurice Cottenay, Lucien Gamblin, Raymond Dubly, Jean Boyer, Jules Dewaquez et tous les autres sont devenus les « héros de Pershing » .
Un déséquilibre
Comme d’habitude, l’Angleterre a envoyé sa sélection « amateurs » pour défier les Bleus. Après tout, la vieille école amateur du sud du pays est bien plus performante que le jeune football français désorganisé. Les Britanniques sont ultra-favoris, en pleine confiance. Pour l’instant, les deux équipes se sont affrontées à sept reprises, et à chaque fois, l’Angleterre s’est imposée. Et dans le tas, il y a eu pas mal de grosses branlées (15-0 à Paris en 1906, 12-0 à Ipswich en 1908, 11-0 à Gentilly en 1909, 10-1 à Brighton en 1910). Entre-temps, les écarts se sont réduits, mais restent conséquents (3-0, 4-1 et 5-0, à chaque fois en France). En cumulé, l’Angleterre mène 60-2 au nombre de buts inscrits. Bref, ce 5 mai 1921, on s’attend encore à une grosse déconvenue, surtout que la France vient de s’incliner devant l’Irlande, l’Italie et la Belgique. Mais étonnamment, les Français entrent dans le match de la meilleur des manières.
Dès la sixième minute, Henri Bard lance Raymond Dubly dans la profondeur. L’attaquant français centre pour la reprise de volée de Jules Dewaquez. 1-0. Trois minutes plus tard, Percy Farnfield remet les pendules à l’heure en égalisant tout de suite. Peu importe, les Français semblent beaucoup plus vifs et repartent aux vestiaires sur un score de parité, qui sonne déjà comme un mini-exploit. En seconde mi-temps, Raymond Dubly, déchaîné, continue de mettre la pression sur le but anglais. Peu après l’heure de jeu, il déborde encore, centre, et trouve Jean Boyer, qui reprend d’une frappe limpide. 2-1. La chance est inespérée pour les Français qui se battent pour tenir le score. Dans les cages, Maurice Cottenet repoussent toutes les tentatives anglaises. En défense centrale, Lucien Gamblin prend tous les ballons de la tête. Et devant, Raymond Dubly continue de maintenir le danger en contre. Il trouve même le poteau en fin de match.
Un événement
Henri Christophe, l’arbitre de la rencontre siffle le coup de sifflet final. La France l’a fait, et les réactions vont être quelque peu démesurées. Le lendemain, le quotidien sportif L’Auto parle « d’événement historique » . « À présent qu’il a vaincu son maître britannique, nul espoir n’est désormais interdit pour le football français » , écrit sobrement le journal. D’autres titres donnent à cette victoire une tout autre symbolique, en dehors du sport. Car, comme par hasard, le 5 mai 1921 est le centième anniversaire de la mort de Napoléon. On parle d’une victoire qui a « vengé Jeanne d’Arc » . Il faut dire que la rivalité entre les deux pays n’est pas si lointaine que ça. L’Entente cordiale n’est signée officiellement qu’en 1904, mettant fin à des siècles d’antagonisme et de guerres. Les Anglais ont beau prétendre ne pas prêter attention à cette défaite anecdotique pour eux, plus jamais ils ne prendront le risque d’envoyer des équipes « amateurs » pour défier les Bleus. Et contrairement à la FFF qui considère ce match comme officiel, la FA n’en fait pas mention. Vexés ?
Par Kévin Charnay