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Le jour où la France a perdu à Amsterdam

Par Mathieu Faure
5 minutes
Le jour où la France a perdu à Amsterdam

La dernière fois que Didier Deschamps a posé ses fesses dans le vestiaire de l’Amsterdam Arena avec l’équipe de France, il était joueur. C’était en 2000 pour le dernier match de groupe de l’Euro, celui des coiffeurs. Un match complètement fou où la France va mener deux fois au score pour finalement s’incliner (3-2). Moralité, c'est l'Espagne qui se présentera en quarts de finale. On connaît la suite.

C’est sans doute l’équipe de France la plus forte de l’histoire. Celle qui a déjà gagné un titre de championne du monde deux ans plus tôt. Celle qui va gagner son seul titre majeur hors de son sol. Celle qui va assumer son rang. An 2000, Aimé Jacquet a laissé la place à son adjoint Roger Lemerre, mais l’ossature des Bleus n’a pas changé. Pour son entrée dans la compétition, la France a étrillé le Danemark (3-0) avant de s’offrir la République tchèque (2-1). Deux matchs, deux victoires, la qualification pour les quarts de finale est déjà en poche. Ça tombe bien, l’adversaire du soir, le pays hôte, a fait de même. Les Pays-Bas ont fait 6/6 également. En ce 21 juin, fête de la musique, on va donner un drôle de concert sur la pelouse de l’Amsterdam Arena. L’enjeu est simple : terminer premier de la poule et choper la Yougoslavie en quarts de finale et s’éviter l’Espagne. Le stade de l’Ajax est repeint en orange. Ça dégueule de partout. Entre deux jolies filles au décolleté avantageux, des types avec des fausses moustaches et beaucoup de bière. Ça rote, ça chante, ça encourage, bref, les Bleus sont en enfer. Même si le match a un enjeu stratégique, Roger Lemerre fait tourner comme jamais. Sur le onze habituel, dix sont placés au frigo, seul Marcel Desailly, pas encore le roi de la vidéo sur Twitter, est maintenu dans le onze de départ, brassard au bras. Mais les coiffeurs ont quand même de la gueule : Vieira, Pirès, Trezeguet, Wiltord, Dugarry, Lebœuf, Candela. Dans les cages, Bernard Lama n’a pas laissé passer son tour cette fois. Pas comme à Lyon en 1998 contre le Danemark où il avait préféré s’abstenir de troisième match. Là, il est dans les bois.

En face, Rijkaard tient sans doute un peu plus à cette première place, surtout qu’elle permet aux locaux de jouer leur quart de finale au pays, à Rotterdam. Alors, l’ancien Ajacide aligne du lourd : Stam, Bergkamp, Kluivert, Cocu, Davids, De Boer, Overmars. Toute la clique est là. Les Pays-Bas affichent leurs ambitions : pas là pour enjamber les flaques d’eau. Pourtant, ce sont les Bleus qui frappent les premiers. Et sur corner. Micoud envoie la gonfle sur le crâne de Dugarry, extension, tête décroisée et ficelle. Comme face à l’Afrique du Sud au Vélodrome en 1998 ; Duga montre qu’il a toujours été un formidable joueur de tête. Les Bleus mènent au score. C’est presque trop facile. Et puis le match va s’emballer. Bergkamp adresse un coup franc sur la tête de Cocu, mais Lama éloigne le danger de la cuisse. Dennis la malice n’est pas en reste. Le joueur le plus élégant des années 2000 aligne une transversale qui prend complètement la défense française à revers. Kluivert se retrouve dans le dos de Lebœuf, qui a mal joué le hors-jeu, et aligne Lama. Par moments, ça semble aller trop vite pour la charnière Lebœuf-Desailly, mais les Bleus ont du répondant sur phase arrêtée. Nouveau corner de Micoud, Wiltord récupère et tente une frappe… qui termine sa course dans les godasses de Trezeguet. Le Turinois, toujours bien placé, en profite pour crucifier Westerveld. Sans être géniaux, les Bleus mènent à la pause.

Dugarry manque le break

Le match aurait pu définitivement basculer au retour des vestiaires. Dugarry hérite d’un bon ballon, seul face au gardien batave, mais le Français se pense hors-jeu et son hésitation le tue. Westerveld en profite et chope le ballon dans les crampons du premier buteur du match. On joue la 48e minute, et la France vient de laisser passer sa chance. Trois minutes plus tard, Frank de Boer décoche une lourde de 40 mètres sur coup franc. Lama, un poil avancé, n’a pas la main assez ferme pour empêcher la balle de fracasser la barre transversale avant de rentrer. Huit minutes passent, et Zenden enfonce le clou sur un contre éclair. En dix minutes, les Bleus ont été terrassés. Les entrées de Djorkaeff et Anelka n’y changeront rien. Les Bleus s’inclinent pour la première fois en 14 rencontres de phase finale de compétitions majeures (sans compter la défaite au tir au but contre la République tchèque en 1996). Un sentiment qui fait bizarre pour toute une génération, même pour un match sans réel enjeu. Cela dit, la France s’avance vers les quarts de finale avec la banane. Zidane, Henry, Barthez, Thuram, Blanc et consorts se sont reposés avant le quart de finale contre la Roja. Les remplaçants ont joué le jeu et montré qu’ils avaient le couteau entre les dents. Dans l’euphorie d’Amsterdam, la France s’incline logiquement contre les Oranje dans ce que certains imaginent être une finale avant l’heure. C’était oublier l’Italie et le génial Toldo qui auront raison des espoirs bataves en demi-finale. La France, elle, s’offrira les frères ennemis (Espagne et Portugal) dans deux matchs stressants mais maîtrisés. En finale, on connaît l’histoire, Wiltord et Trezeguet, deux coiffeurs du match des Pays-Bas, confirmeront que les Bleus étaient bien 23 pour cet Euro. 16 ans ont passé depuis cette folle soirée de juin 2000. Didier Deschamps est toujours là, mais la folie qui accompagnait les Bleus s’est un peu dissipée. La flamme ne demande qu’à être rallumée. Aux Pays-Bas, c’est pire. La génération Bergkamp, Kluivert, Overmars ne gagnera jamais un seul titre en sélection, mais aura donné de l’amour à tous ceux qui aiment les beaux gestes. Depuis, en dépit d’une finale de Coupe du monde 2010 comme point d’orgue, le football néerlandais se cherche des perdants romantiques.

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