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Le jour où George Best a offert son nom à un album
Présupposé simple, avéré et connu de tous : George Best était une rock-star ! Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que le « 5e Beatles » a parfaitement incarné cette idée en acceptant d’offrir son nom et son image au premier album de The Wedding Present en 1987. À l’origine du projet, David Gedge, chanteur et guitariste de la bande, revient sur cette histoire.
Une hygiène de vie borderline, des punchlines bien senties, un look à faire vibrer le cœur des filles et, surtout, un talent fou : George Best cumule tous les archétypes de la rock-star, celle qui fait vibrer les kids et les adultes, celle qui se fiche des conventions et des bonnes manières, celle qui semble ouverte aux rencontres les plus folles. Comme lorsqu’il accepte en 1987 de donner son nom au premier album de The Wedding Present, un petit groupe d’indie-rock de Leeds alors totalement inconnu. Tête pensante de ce quatuor de jeunes blancs-becs comme il en existait des dizaines en Angleterre au cours des décennies 1970 et 1980, David Gedge rembobine : « Je suis né en 1960, j’ai donc grandi avec George Best. En plus, c’était la star incontestable de mon équipe favorite, Manchester United. Il symbolisait tous les rêves que je pouvais avoir : on le comparaît aux Beatles, sa copine avait été nommée Miss Monde et il avait constamment l’air cool avec ses cheveux longs et son look parfois classe, parfois mauvais garçon. C’était un rebelle, une personnalité controversée, pas du tout portée sur l’establishment. Forcément, ça fait rêver quand on est ado. »
« C’est un honneur d’être associé à un tel personnage »
Par conséquent, lorsqu’il s’agit de donner un nom au premier forfait de son groupe, David a une idée. Il a alors 27 piges, George Best a coupé les ponts avec le foot depuis quatre ans, mais l’évidence s’impose : « Il a tellement alimenté mon imaginaire que ça me semblait être un super nom d’album. » L’idée d’utiliser une image du footballeur comme artwork commence à émerger également : « Quelque temps avant nous, on savait que les Smiths avaient eu la même idée et n’avaient pas réussi à la réaliser, mais on a quand même tenté d’entrer en contact avec une agence de photographies sportifs. Sans avoir de réels arguments à leur soumettre, sinon notre passion pour le bonhomme, l’agence a accepté de nous rencontrer et nous a proposé plusieurs photos. Celle que l’on a finalement retenue semblait tellement parfaite, presque iconique. Je pense d’ailleurs que c’est la meilleure idée que l’on pouvait avoir à ce moment-là. Aujourd’hui encore, les gens se souviennent de nous grâce à cette photo. » David Gledge marque une pause, et reprend : « Lorsque l’album est sorti le 12 octobre 1987, le NME nous a accusés de nous être associés pour toujours au nom de George Best. Ce que les médias ne comprenaient, c’est que c’était complètement notre intention. Pour moi, c’est un honneur d’être associé à un tel personnage. »
Une rencontre à Londres
Si David Gledge est aussi fier, ce n’est pas seulement parce qu’il a réussi son coup ou parce que des milliers de personnes ont cru en 1987 que George Best avait enregistré un album nommé The Wedding Present, « ce qui nous a beaucoup servi en matière de popularité et disques vendus » . Non, si l’Anglais, qui a rejoué l’entièreté de cet album lors d’une tournée mondiale en 2007, est aussi ému de revenir sur cette époque, c’est aussi parce qu’il a eu la chance de rencontrer son idole. Lui qui ne l’avait vu jouer qu’une fois lors d’un match à Old Trafford à la fin des années 1960, lui qui regrette les conditions quelque peu déplorables dans lesquelles Best a terminé sa vie, confessant que « c’est toujours triste de voir des gens que l’on admire sombrer dans un tel état » , considère aujourd’hui encore cette rencontre comme son meilleur souvenir footballistique. Une rencontre effectuée dans un contexte promotionel, certes, mais quand même : « Lorsqu’on a décidé du titre, on a appelé son attaché de presse parce que notre photographe voulait l’avoir pour nos photos promotionnelles. À notre grande joie, il a très vite accepté et on s’est rejoint à Londres pour faire quelques séances photos dans un hôtel. »
Quant à savoir si le label de l’époque, Reception, a dû payer le footballeur nord-irlandais pour une telle session, David Gledge avoue ne pas être courant. À dire vrai, il se fiche de comment les négociations ont pu se dérouler. Ce qu’il garde en mémoire, c’est ce moment « complètement fou ! On avait bien sûr l’impression qu’il ne vivait pas dans le même monde que nous, mais il était très amical. Et puis on partageait la même pièce que notre idole le temps d’un instant. Ça a été assez bref, mais on a eu le temps de parler football, et notamment de son recul par rapport à ce sport, qu’il savait pertinemment avoir chamboulé en refusant ses règles et sa discipline. Il avait sans doute conscience d’être différent de ses contemporains. » Avec regret, David Gledge confie qu’il aurait aimé entretenir cette relation sur le long terme. Malheureusement, il n’aura plus jamais de nouvelles. « On peut malgré tout s’en réjouir : on a approché de près une icône du XXe siècle, ce n’est pas donné à tout le monde. » Pas aux Smiths, en tout cas.
Par Maxime Delcourt