- France
- Ligue 1
- 33e journée
- Nantes/Marseille
Le jour où Franck Ribéry a cassé la cage de Landreau
Ce vendredi, le FC Nantes accueille un Olympique de Marseille plutôt mal en point pour la 32e journée de Ligue 1. Comme il y a dix ans. La différence ? Franck Ribéry était sur le terrain pour faire parler la poudre. Focus sur un coup de foudre dans l'histoire du championnat de France.
Samedi 19 novembre 2005. Il est 16h15 quand Fabien Barthez et ses coéquipiers pénètrent au cœur d’un stade Vélodrome plutôt mécontent de la première moitié de saison de l’Olympique de Marseille. Et pour cause : les Olympiens viennent de s’incliner 3-0 au Mans, et pointent à une décevante douzième place. C’est mieux que la dernière place du classement occupée au terme de la cinquième journée (deux points en cinq matchs !), mais c’est encore très, trop frileux. Alors, pour éviter d’envenimer une situation déjà compliquée, les Olympiens savent qu’ils n’ont pas franchement le droit à l’erreur face au FC Nantes, leur adversaire du jour, qui compte exactement le même nombre de points au classement.
Les Marseillais entrent bien dans leur match et, après une bonne période de domination, ouvrent la marque par Wilson Oruma à la 28e minute de jeu. Mais le Vélodrome n’est toujours pas serein. À raison… On joue l’heure de jeu lorsque Habib Bamogo égalise, glaçant les joueurs marseillais et leurs supporters. L’OM n’a plus grand-chose dans les chaussettes et on sent bien qu’hormis un exploit individuel, pas grand-chose ne risquerait de faire bouger le tableau d’affichage. Et c’est ce qui va se passer à la 73e minute. Un jeune garçon de 22 ans reçoit un ballon offert par Lorik Cana à plus de trente mètres des cages. Sans se poser de questions, il envoie un coup de canon qui vient frapper la barre avant de terminer au fond des ficelles de Mika Landreau. Ce jeune garçon, qui se met alors à courir sous le virage du Vélodrome comme un fou, c’est Franck Ribéry.
Ri-BOOM-ry
Ce but, magique, Serge Le Dizet, alors coach des Canaris, s’en souvient comme si c’était hier : « Ribéry part du coté gauche, crochète pour venir à l’intérieur et frappe. Son geste est super. Après un but comme ça, on se dit qu’on n’en prendra sûrement pas des dizaines d’autres de sitôt. Même au ralenti, ça va super vite. Il met une frappe extraordinaire. Ma volonté était de remobiliser les joueurs pour croire à une nouvelle égalisation. Sur l’ensemble du match, on s’était dit dès le départ qu’on pouvait ramener quelque chose, mais encore une fois, après un but de ce calibre, c’est trop compliqué. Ce but annonçait déjà l’avènement futur d’un grand joueur » assure-t-il.
Arrivé sur la Canebière pendant l’été, ce futur grand joueur, comme le décrit Le Dizet, n’a pas mis bien longtemps à se faire adopter par ses nouveaux supporters. Pourtant, le début de saison de l’OM est laborieux. Qualifiés pour la Coupe UEFA, les joueurs de Jean Fernandez laissent beaucoup d’énergie lors de la campagne européenne. Mais un joueur, dans tout l’effectif, brille plus que les autres et est en train de passer un cap. Lancé dans le grand bain de la Ligue 1 à Metz en 2004, Chti Franck est parti s’aguerrir en Turquie, au Galatasaray, pendant six mois. Il revient donc en France à l’été 2005, avec un véritable objectif en ligne de mire : la Coupe du monde 2006.
Bleu, Blanc, Ribéry
« Il a les deux pieds en équipe de France, avec ce boulet de canon, ce missile, c’est le meilleur joueur du championnat pour le moment. » Derrière le micro d’OM TV, Jean-Marc Ferreri et Sébastien Pietri avaient vu juste. Oui, ce but a, quelque part, lancé définitivement la carrière internationale de Ribéry. Le joueur n’a encore jamais été sélectionné en équipe de France, mais est dans les petits papiers de Raymond Domenech. Or, durant sa première saison olympienne, le Boulonnais fait quasiment un double-double. Auteur de douze buts et de sept passes décisives en 53 matchs (dont 52 en tant que titulaire !), le numéro 7 marseillais devient rapidement le nouveau bijou du championnat de France. Nicolas Savinaud, qui portait les couleurs de Nantes le soir du but, se remémore une aura particulière émanant de Francky : « C’était un joueur d’instinct, capable de coups de génie comme ça, se remémore-t-il. Le but qu’il met contre nous, c’est exceptionnel. On n’était pas surpris par son explosion ni par ce but, on connaissait son talent. Il était bon et régulier dans un club avec beaucoup de pression. Il a su exprimer son talent sur des saisons entières » .
Ce talent, la France le découvre tout au long de la saison 2005/06. Ribéry brille, et Domenech ne peut plus résister. Le 27 mai, à quelques jours de l’ouverture du Mondial, le sélectionneur lui offre sa première cape pour un match amical face au Mexique et l’intègre dans le groupe bleu pour la Coupe du monde. « Il y a souvent des matchs déterminants dans une carrière, renchérit Le Dizet. Le but qu’il met ce 19 novembre 2005 contre Nantes a braqué les caméras sur lui. Il y a des buts, comme ça, qui marquent les gens. Cela a fait débuter le phénomène Ribéry. » La hype est lancée et le petit bonhomme file à vitesse grand V vers un destin hors du commun. Aussi vite que ce ballon contre Nantes. Aussi vite que face à Iker Casillas, quelques semaines plus tard, en huitièmes de finale de Coupe du monde.
Par Maxime Nadjarian et Gad Messika
Propos de Serge Le Dizet et Nicolas Savinaud recueillis par MN et GM