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Le jour où Fàbregas a conjuré la malédiction espagnole

Par Florian Lefèvre
4 minutes
Le jour où Fàbregas a conjuré la malédiction espagnole



C’est un classique du football international. Ce lundi soir, l’Espagne et l’Italie s’affrontent dans un huitième de finale de gala au Stade de France (18h). Il y a huit ans, la confrontation entre les deux équipes lançait la domination espagnole sur la planète. Contre le cours de l’histoire.

D’abord, il y a cette date : le 22 juin. À chaque fois que l’Espagne a perdu une séance de tirs au but – en 1986, 1996, 2002 –, c’était un 22 juin. Et puis il y a ce stade de la compétition : le quart de finale. Coupe du monde 94, contre l’Italie ; Euro 96, contre l’Angleterre ; Euro 2000, contre la France ; Coupe du monde 2002, contre la Corée du Sud. Le terminus, inexorablement. Alors, lorsque l’Italie et l’Espagne doivent se départager aux tirs au but, en quarts de finale de l’Euro 2008, le 22 juin, à Vienne, l’issue est toute trouvée. La Roja va rentrer à la maison.

La fin de l’ère Raúl

Pour voyager en Suisse et en Autriche, à l’été 2008, Luis Aragonés décide de laisser à quai Raúl, capitaine historique de la Roja, en dépit de la pression populaire. Durant les éliminatoires, le public scande le nom du meilleur buteur de l’histoire de la Selección (44 buts – record explosé ensuite par David Villa, avec 59 réalisations). La presse madrilène milite pour la star du Real, mais le sélectionneur donne les clefs du jeu à Xavi, préférant en outre donner sa chance au jeune Cesc Fàbregas pour compléter la liste des 23. Aragonés veut tourner la page des années Raúl. Les années de la lose pour l’Espagne. « Personne n’incarne mieux l’Espagne en échec que Raúl » , avait écrit El País après l’élimination au premier tour de l’Euro 2004. Cruel, mais vrai.

Souverains face à la Russie (4-1), vainqueurs à l’arrachée de la Suède (2-1), les Espagnols sont qualifiés en quarts avant même le troisième match contre les champions d’Europe en titre grecs (2-1). Se profile l’Italie, deuxième du groupe de la France, derrière les Pays-Bas. Et les souvenirs de la défaite amère face aux Azzurri lors du Mondial US (1-2). Quatorze ans après, Marca placarde en Une le visage ensanglanté de Luis Enrique – à la suite d’un coup de coude infligé pendant la partie par Mauro Tassotti, non sanctionné par l’arbitre – avec ce titre : « Italie, cela, ça ne s’oublie pas. »

Match fermé

De ce choc des quarts de finale de l’Euro 2008, les gardiens sont les plus en verve. Le match est décevant, fermé, les occasions sont rares. Les deux équipes se craignent. 0-0 après 120 minutes, ce sera donc une séance de tirs au but. Deux ans plus tôt, la bande à Buffon remportait la Coupe du monde aux pénos. La confiance est dans le camp italien. Au contraire des Espagnols, qui gardent en tête les dénouements de 1986, 1996 et 2002. Toujours ce maudit 22 juin, et nous sommes le 22 juin 2008. « À regarder les Italiens, on sentait qu’ils étaient confiants, comme s’ils avaient déjà gagné, ou presque » , déclarera plus tard Xavi. Élu meilleur joueur de la compétition, le milieu de terrain du Barça n’est pas dans les cinq tireurs désignés par Luis Aragonés. Et pour cause, il a été remplacé à l’heure de jeu par Cesc Fàbregas. C’est lui, Fàbregas, 21 ans, le plus jeune du groupe espagnol, qui a la lourde charge du cinquième tir.

« L’histoire a cessé de bégayer »

Villa marque le premier, Grosso lui répond. Cazorla prend Buffon à contre-pied, Casillas s’étend pour repousser la tentative de De Rossi. Avantage Espagne, 2-1. Senna et Camoranesi trouvent chacun la lucarne, 3-2. Buffon se couche sur la tentative de Güiza, mais Di Natale trouve à son tour les bras de Casillas. Fàbregas a la victoire au bout du pied. « Je comptais bien être digne de cette confiance, témoigne Fàbregas. C’est ce que je me disais. Rien d’autre que ça. On avait beaucoup parlé de mon statut et de mes performances, les jours d’avant. Je me répétais : « Tu dois marquer. » » Un murmure d’encouragement, un grand souffle et une dizaine de pas d’élan plus tard, le Catalan prend Buffon à contre-pied. 4-2, l’Espagne est libérée. « Gagner ce match a libéré toute une génération de joueurs » , expliquera Juan Mata. Les astres sont enfin alignés pour l’Espagne. Ou plutôt, « ce match a fait dévier la trajectoire de l’histoire du football espagnol, écrit Marca. Avec cette séance de tirs au but, l’histoire a cessé de bégayer. » La Roja est en marche vers un triplé historique Euro-Coupe du monde-Euro.

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Tous propos tirés du site de l’UEFA ou cités par Ben Lyttleton, dans Onze mètres - La solitude du tireur de penalty.

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