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  • 13 avril 2003

Le jour où David Seaman a claqué son plus bel arrêt

Par Romain Duchâteau
Le jour où David Seaman a claqué son plus bel arrêt

Pour certains, c'est un arrêt aussi beau que celui de Gordon Banks devant Pelé lors du Mondial 1970. Pour d'autres, David Seaman a défié le temps et la gravité ce 13 avril 2003. Il y a treize ans jour pour jour, l'emblématique gardien d'Arsenal, alors trente-neuf piges au compteur, réalisait la plus belle parade de sa carrière. Récit.

Son crépuscule était écrit. Il avançait à grands pas de manière inexorable. Mais du haut de ses 39 ans, David Seaman se décide à repousser un peu plus la tombée de la nuit. Rien qu’une toute dernière fois. Ce 13 avril 2003, Arsenal croise le fer face à Sheffield United et se trouve à une marche de la finale de FA Cup. Tout Old Trafford s’est mis à la hauteur de l’événement en se parant de rouge et de blanc. Tout le peuple des Gunners, mis sur la voie du succès grâce à Fredrik Ljungberg en première période, retient son souffle, alors que les dernières minutes s’égrènent dans une attente interminable. Le moment venu pour la queue de cheval de l’iconique portier britannique de s’envoler devant la tête de Paul Peschisolido.

Le but semble tout fait, mais Seaman se plaît à suspendre le temps en sauvant les siens d’un arrêt presque irrationnel. Par cette envolée salvatrice dans le ciel de Manchester, Arsenal valide son billet pour la finale de la compétition.

De tous mes arrêts depuis que j’ai commencé à jouer, celui à Old Trafford est sans doute le plus grand.

Son gardien, lui, vient juste de réaliser la plus belle parade de sa carrière. Devant près de 60 000 spectateurs proches de l’ébahissement. « J’ai été chanceux de pouvoir effectuer un ou deux arrêts importants sur penalty pour l’Angleterre, mais depuis que j’ai commencé à jouer, celui à Old Trafford est sans doute mon plus grand » , s’épanchait-il l’année dernière au Daily Mail. « C’était spécial, car c’était le 1000e match de ma carrière. » Une 1000e resplendissante en forme de baroud d’honneur pour une légende encore saluée, treize ans après, pour cet instant de grâce.

Critiques et départ annoncé

Parce qu’en treize saisons passées à traîner sa moustache et son physique de colosse, David Seaman a conquis et fait chavirer les cœurs comme peut-être personne dans les bois d’Arsenal. Arrivé chez les Canonniers en provenance des Queens Park Rangers à l’aube des nineties, celui qu’on surnomme « Spunky » suscite au départ de la méfiance en raison de la popularité dont jouissait John Lukić, contraint de partir pour Leeds United le même été. Mais rapidement mis dans les meilleures dispositions par le boss George Graham, il devient naturellement une pierre angulaire aux côtés de Tony Adams, Ian Wright ou encore Paul Merson. Si l’escouade hérite du surnom peu flatteur de « Boring Arsenal » , elle n’en garnit pas moins son palmarès avec une flopée de titres (Premier League en 1991, FA Cup et League Cup en 1993, Coupe de vainqueur des coupes en 1994). Avec l’arrivée d’Arsène Wenger dans la capitale anglaise, David Seaman prend encore une dimension supérieure. Sous l’égide du manager alsacien, l’international des Three Lions s’invite dans le gotha mondial et figure parmi les meilleurs shot-stoppers reconnus.

De 1996 à 2002, il est l’un des artisans majeurs de la montée en puissance d’Arsenal, laquelle se traduit avec un total de quatre trophées remportés (championnat en 1998 et 2002, FA Cup en 1998, 2002 et 2003).

Quand je suis arrivé à Arsenal, il était en fin de carrière, et c’est vrai qu’il a pris quelques buts à cause d’un manque de réflexe.

Mais lors de l’exercice 2002-2003, les critiques commencent à s’amonceler. Dans la foulée d’une Coupe du monde délicate disputée avec l’Angleterre où sa responsabilité a clairement été engagée sur le coup franc lunaire de Ronaldinho face au Brésil en quarts de finale (1-2), le poids des années se fait ressentir à 39 piges. « Quand je suis arrivé, il était en fin de carrière et c’est vrai qu’il a pris quelques buts à cause d’un manque de réflexes, explique Guillaume Warmuz, son coéquipier durant quelques mois à Londres (janvier-juillet 2003). L’idée à l’époque était de préparer sa succession. Les critiques étaient fondées parce qu’il lui est arrivé de passer à travers ou de faire des fautes de main, des choses qui n’étaient pas de son niveau. Mais cela ne reflétait évidemment pas la réalité de toute sa carrière. »

« Super Seaman défie le temps et la gravité »

Conscient que le déclin de son gardien chevronné est amorcé, Arsène Wenger est en quête d’un successeur à la hauteur. En attendant de le trouver, il accorde à « Spunky » une dernière danse. Titulaire en Premier League et Ligue des champions devant Stuart Taylor et Rami Shabaan, puis également de la partie en FA Cup, le moustachu le plus réputé du Royaume combat avec vigueur les sceptiques.

C’était une armoire, un buffle. Rien que lorsqu’il était posé en face de vous, il en imposait. Il avait des mains en plus… Elles faisaient le double des miennes !

« Même si c’était un joueur qui ne comptait plus autant qu’avant, ça restait tout de même quelqu’un qu’on écoute » , assure Pascal Cygan, partenaire du géant britannique lors de sa dernière saison londonienne, avant de rappeler la crainte qu’il pouvait toujours inspirer malgré son âgé avancé : « C’était une armoire, un buffle. Rien que lorsqu’il était posé en face de vous, il en imposait. Il avait des mains en plus… Elles faisaient le double des miennes ! C’était un phénomène. Beaucoup d’avants-centres le craignaient, se prenaient des tampons en face à face avec lui et finissaient par terre après un duel dans les airs. Quand vous aviez plus de cent kilos qui déboulent sur vous… » C’est pourquoi les circonstances de l’époque ajoutent encore un peu plus de saveur à la parade de l’Anglais contre Sheffield United, réalisée le jour de son 1000e match en tant que professionnel.

Un arrêt qui, en plus d’être esthétique, s’avère également techniquement exceptionnel, comme l’analyse en profondeur Christophe Lollichon, entraîneur des gardiens à Chelsea.

Il ne peut pas réfléchir à ce moment-là, c’est son corps de gardien qui réagit par rapport à la situation. Réflexe plus adaptation technique, c’est très fort.

« Ce qui me vient tout de suite, c’est le mot réflexe. C’est un arrêt réflexe. La seule réaction qu’il puisse avoir, c’est celle qu’il a. Ce qu’il faut voir, c’est que son arrêt fait suite à deux changements de direction. Le premier, c’est quand il va pour faire face à la reprise de volée. Là, il est obligé de changer de direction. Il n’a pas forcément conscience qu’il va avoir un autre joueur à ce moment-là, donc c’est du pur réflexe. Ce qu’il y a de remarquable dans son intervention, c’est qu’il ne suffit pas seulement de mettre le bras en position pour sortir le ballon. Il est obligé de faire le mouvement afin de le sortir. Il ne peut pas réfléchir à ce moment-là, c’est son corps de gardien qui réagit par rapport à la situation. Réflexe plus adaptation technique, c’est très fort. L’arrêt est magnifique, très propre et dans la pure efficacité. » « Techniquement, c’est quelqu’un qui était paradoxalement assez souple dans sa gestuelle et avec une très bonne prise de balle, ajoute pour sa part Warmuz. Sa caractéristique était aussi d’être très bon sur sa ligne avec une bonne lecture du jeu. » Au sortir de cette prestation, le Guardian l’encensera d’ailleurs personnellement en titrant « Super Seaman défie le temps et la gravité » . Quelques semaines après cet exploit mémorable, il s’en ira en héros, brassard du capitaine au biceps, soulever la FA Cup pour ensuite prendre la direction de Manchester City. Mais seulement six mois après sa venue, son corps lui dit stop, et Seaman raccroche définitivement les crampons à 40 piges. Lors de son éphémère passage chez les Citizens, il aura toutefois eu droit à une haie d’honneur de la part de son ancienne équipe, en août 2003. Le dernier hommage avant que la nuit ne tombe. Définitivement.

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Par Romain Duchâteau

Propos de Guillaume Warmuz, Pascal Cygan et Christophe Lollichon recueillis par RD

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