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Le jour où Clermont a renversé le PSG
Le Clermont Foot accueille Bordeaux ce dimanche en 32es de finale de la Coupe de France. Il y a vingt ans, le club auvergnat avait éliminé le Paris Saint-Germain après avoir été mené 4-1 à vingt minutes de la fin. Une victoire qui a sauvé financièrement le club et popularisé le foot dans une région dominée par l'ovalie.
Que l’on soit footballeur professionnel ou simple joueur du dimanche, on a tous en mémoire un match qui restera gravé à jamais dans notre mémoire. Une partie héroïque dont on se remémore avec nostalgie le moindre petit souvenir. Philippe Amblard a joué des dizaines de matchs sur une décennie à Clermont, mais l’ancien milieu de terrain n’a certainement pas oublié qu’avec ses potes, il a, un jour, fait tomber le PSG. « Il y avait Lama dans les buts, Fournier à droite, Kenedy à gauche, N’Gotty et Le Guen dans l’axe, Cauet, Guérin, Alou et Raí au milieu. Devant, la paire Dely Valdés – Loko » , énumère le Clermontois sans se tromper des années après. Normal. Ce n’est pas tous les jours qu’on tape des stars avec une équipe de Nationale 2 (CFA) après un scénario complètement fou. Une victoire improbable qui reste sans doute encore aujourd’hui l’un des plus beaux exploits de l’histoire de la Coupe de France.
« On ne voulait pas être ridicules »
Pas besoin de préciser évidemment que lorsque les Parisiens débarquent en Auvergne le 1er mars 1997 pour y disputer les huitièmes de finale, les Clermontois s’attendent à souffrir. À l’époque, l’équipe entraînée par Ricardo vient de remporter la Coupe des coupes face au Rapid Vienne sous la coupe de Luis Fernandez et entend bien garder son trophée (qu’elle perdra en finale face au FC Barcelone).
Les Parisiens jouent également le titre comme souvent durant cette ère, même s’ils finiront deuxièmes derrière Monaco. La venue du PSG chauffe donc toute la région clermontoise et notamment Christophe Chastang, le buteur du club, auteur d’un doublé ce soir-là. « Je suis parisien, c’était mon équipe de cœur, j’allais voir tous les matchs au Parc des Princes quand j’étais plus jeune. Vous imaginez notre émotion lors du tirage. Il y avait une énorme attente au fur et à mesure que le match approchait. Du coup, on est partis couper deux jours dans un village de vacances à quelques kilomètres de Clermont. »
Le jour J, la pression rattrape les amateurs, puisque le petit stade Gabriel-Monpied est plein comme un œuf. Mais la première période des pros calme vite les ardeurs des 9 000 supporters auvergnats qui espèrent évidemment voir les Parisiens tomber. Sérieux, les visiteurs mènent 2-0 à la pause grâce à Benoît Cauet et Júlio César Dely Valdés. « On fait une entame plutôt intéressante. On a quelques opportunités offensives à 0-0. On a la possibilité de marquer et puis on est finalement menés quand on rentre au vestiaire. Ça ne sentait pas bon… » , rembobine Christophe Chastang. « À la mi-temps, on s’est surtout dit qu’on ne voulait pas être ridicules non plus. On voulait faire un bon match, la ville faisait parler d’elle. Le coach nous avait demandé de rentrer pour faire quelque chose. D’accord, mais quoi ? (Rires) »
La causerie de Thierry Coutard, ancien joueur du PSG, a le mérite de rebooster les amateurs. Chastang, comme Ronaldo quelques mois plus tard, se fait d’ailleurs tacler par Bruno N’Gotty et obtient un penalty. Son pote Mickaël Bessaque permet à son équipe de revenir à la marque, mais les locaux craquent en prenant deux pions. Les Parisiens et notamment Raí auteur d’un but sensationnel, survolent les débats. « Raí au PSG ressemblait un peu à Ibra à Paris, compare Christophe Chastang qui travaille aujourd’hui à la direction des sports de la mairie de Clermont-Ferrand. Je faisais 1m85, j’avais l’impression d’être tout petit. Par la taille, la prestance, tout ce qu’on veut, Raí c’était un monstre. »
De 4-1 à 4-4, la folie
À 4-1 à vingt minutes de la fin, tout le monde imagine évidemment que c’est plié et notamment certains amis de Philippe Amblard qui n’ont certainement plus jamais quitté un match en cours de route. « Ils sont rentrés chez eux à ce moment. À l’époque, il n’y avait pas de portable ou internet pour se tenir au courant du score. Ils ont ouvert le journal le lendemain et on avait gagné. Ils étaient fous… » Patrice Loko, non plus, n’a pas suivi la fin du match. Après avoir planté le quatrième but parisien, l’ancien attaquant nantais se fait sortir par Ricardo à un quart d’heure du terme. Classique. Le score est alors de 4-2, puisque Clermont marque dans la foulée.
Il reste alors sept minutes à jouer dans le temps réglementaire lorsque Nicolas Le Bellec trompe Lama du plat du pied. 4-3. Un but qui change tout, puisque, pour la première fois, le petit stade clermontois y croit et pousse. Dans les dernières minutes, Christophe Chastang marque finalement de la tête le but que tout joueur amateur a un jour rêvé de planter. « Sur le centre, il y a beaucoup de fatigue. C’est dur de marquer parce que le centre est haut. L’idée, c’était plutôt de la remiser de la tête, passer Lama et de viser Philippe Amblard qui fermait au second poteau. C’est N’Gotty qui l’accompagne finalement dans le but. »
« Il n’y avait plus d’argent dans les caisses »
4-4 au coup de sifflet final, donc. Après trente minutes de prolongation sans but, c’est aux tirs au but que se joue la qualification. Avant la séance, les Clermontois se sont déjà qualifiés par deux fois aux pénos lors des tours précédents. « On avait dû tirer 17 pénos et on a gagné 13 à 12. On avait déjà vécu ces émotions-là, on n’avait pas peur de l’événement, alors qu’eux, ils devaient se dire qu’ils devaient absolument marquer. Du coup, tu prends plus de risques, tu tires plus fort et t’es moins précis » , analyse après coup Olivier Enjolras, qui sort les tirs de Paul Le Guen et de Vincent Guérin.
Les joueurs clermontois réalisent un sans-faute face au gardien de l’équipe de France et se qualifient dans la liesse absolue. Une épopée magique qui s’achèvera en quarts contre Nice, futur vainqueur de l’épreuve, mais qui a sans doute fait évoluer la place du football dans la région. « C’est ce qui a lancé le club dans le professionnalisme. Avant notre épopée, il n’y avait plus d’argent dans la caisse, il y avait des retards dans le versement des salaires. On a certainement sauvé le club en remettant de l’argent dans les caisses, explique le portier clermontois qui connaîtra les montées en National et en Ligue 2. Cette aventure a surtout montré aux partenaires de la ville qu’il y avait de la place pour le foot même dans une région de rugby. »
Par Jacques Besnard
Tous propos recueillis par JB