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Le jour où Blazer a tout lâché

Par Thomas Pitrel
5 minutes
Le jour où Blazer a tout lâché

À chaque jour sa nouvelle banderille plantée dans le dos de la FIFA. Des documents révélés par la justice américaine ce jeudi 3 juin décrivent la façon dont Chuck Blazer a admis avoir touché ou facilité des pots-de-vin dans le cadre de la désignation du pays-hôte de la Coupe du monde en 1998 et 2010. Le Maroc et l'Afrique du Sud, notamment, auraient arrosé. Récit comme si vous y étiez du jour où tout a basculé.

« Je ne sais pas comment on prononce FIFA. » Un ange passe. Il est un peu plus de 10 heures, ce 25 novembre 2013, à l’intérieur de l’antenne de Brooklyn du palais de justice new-yorkais, blottie entre le Cadman Plaza Park et le Whitman Park. Le juge Raymond J. Dearie, 69 ans et en poste depuis sa nomination par Ronald Reagan en 1986, a un doute. « On dit FIFA, votre honneur » , s’empresse de répondre le substitut du procureur Evan Norris, représentant du gouvernement américain. Le juge Dearie connaît mieux la Fédération internationale de football association sous un autre acronyme : RICO. « Ne dramatisez pas, mais cela signifie Racketeering Influenced Corrupt Organisation (Organisation corrompue influencée par le racket, NdT) » , précise Dearie. Au milieu de tout ça, Chuck Blazer, gros bonhomme à mi-chemin entre Carlos et le père Noël, doit certainement saisir l’ironie de la situation. Posé sur sa chaise roulante électrique, celui qui traîne ses guêtres dans les instances du football depuis près de trente ans, secrétaire général de la CONCACAF de 1990 à 2011 et membre du comité exécutif de la FIFA de 1997 à 2013, est pris dans les mailles d’un filet tendu par des gens qui en sont à se demander comment on prononce le nom de la plus puissante Fédération sportive du monde.

Mais Charles Gordon Blazer, de son vrai nom, a d’autres soucis plus graves que la phonétique. Des soucis de santé, déjà, qu’il détaille ce jour-là au juge, comme nous pouvons le lire dans les documents révélés ce mercredi 3 juin par la justice américaine. « J’ai un cancer du rectum, explique-t-il. J’ai traversé 20 semaines de chimiothérapie et je m’en sors plutôt bien (…). En parallèle, j’ai une variété d’autres maladies, comme un diabète de type 2 et un problème à l’artère coronaire, mais je tiens le coup raisonnablement bien. » Interrogé sur son âge, Chuck a eu un moment d’hésitation avant de répondre : 68. « Vous êtes la seconde personne que je connais, la première étant moi-même, qui bute sur cette question. Je suppose que c’est une sorte de blocage freudien » , lui a alors envoyé l’honorable juge Dearie. « C’est ça » , a marmonné Blazer. Après quelques minutes de round d’observation et de questions sur sa santé et sa bonne compréhension des raisons de sa présence dans un tribunal, Blazer attend le premier uppercut.

Boîte de Pandore et épée de Damoclès

Convoqué pour une première audience dans le cadre de l’affaire « USA vs Charles Gordon Blazer » , Chuck a de toute façon décidé de refuser le combat. Conseillé par son avocat Eric Corngold, et après la lecture d’un document de 19 pages débordant de preuves accablantes contre sa personne, il a choisi de plaider coupable. Dans le système judiciaire américain, il s’assure donc de bénéficier d’un verdict clément, mais il ouvre également une boîte de Pandore qui aboutira, un an et demi plus tard, à l’explosion de la FIFA et à la démission de Sepp Blatter. Sur les dix chefs d’accusation, trois concernent en effet la réception ou la facilitation de pots-de-vin concernant l’attribution de l’organisation des Coupes du monde 1998 et 2010, ainsi que sur la vente des droits de retransmission de la Gold Cup à partir de 1996. Le reste des griefs de la justice à l’encontre de Blazer est un mélange de fraude et d’évasion fiscale.

Récitant doctement un texte certainement rédigé par ses avocats, Chuck Blazer passe alors de longues minutes, ce 25 novembre 2013, à admettre ses crimes. Oui, il a bien accepté des pots-de-vin pour des votes dans l’attribution des Mondiaux. Oui, il a bien fait passer frauduleusement un chèque servant au paiement de l’un de ces pots-de-vin par l’aéroport JFK de New York. Oui, il a bien transféré cet argent vers les Caraïbes pour le blanchir avant de le faire revenir aux États-Unis. Le juge l’a déjà précisé, et Chuck le confirme, il s’agit ici d’association de malfaiteurs. Traduction : Blazer n’a pas agi seul et, s’il n’a pas encore balancé les noms, cela ne saurait tarder. C’est ce jour-là qu’a été accrochée l’épée de Damoclès qui est tombée sur la FIFA la semaine dernière.

Cocu comme le Maroc

À la lecture de ce compte-rendu publié par la justice américaine, la France tremble. Le pays aurait-il obtenu frauduleusement l’organisation de sa Coupe du monde 1998 ? Pire : Michel Platini, considéré comme l’un des successeurs potentiels de Sepp Blatter, pourrait-il être inquiété, lui qui occupait le poste de coprésident du comité d’organisation de France 98 aux côtés de Fernand Sastre ? Si cette retranscription pourrait le laisser penser, la lecture d’un autre document de justice montre que ce n’est pas la France qui a triché, ou en tout cas pas sur ce coup-là. Et que le grand cocu de cette affaire s’appelle le Maroc. L’acte d’accusation signé par la procureure Loretta E. Lynch révèle en effet que, en 1992, quelques mois avant la désignation du pays hôte du Mondial 98, Blazer s’est rendu au Maroc à l’invitation du comité d’organisation local, en compagnie d’un individu tenant « un certain nombre de positions dans le football, dont des positions de haut rang à la CONCACAF et à la FIFA » . Individu dont le profil ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Jack Warner, président de la CONCACAF de 1990 à 2011, et qui aurait accepté de l’argent en échange d’un vote pour la candidature marocaine. Sans pour autant permettre à celle-ci d’emporter la mise.

Douze ans plus tard, les deux hommes retournent au Maroc, à nouveau candidat à l’organisation de la première Coupe du monde africaine, qui offre cette fois un million de dollars pour un vote favorable. Une offre alléchante mais supplantée par celle de l’Afrique du Sud, qui propose de verser dix millions de dollars à une organisation contrôlée par le complice de Blazer, afin de « soutenir la diaspora africaine » . Sur le total, Blazer finira par toucher personnellement 750 000 dollars, versés sur le compte de sa fausse société Sportvertising aux îles Caïmans. Le 15 mai 2004, l’Afrique du Sud est désignée comme pays organisateur par le comité exécutif de la FIFA. Chuck Blazer et les autres se goinfrent. Le Maroc, lui, est au régime sec.

Retrouvez notre portrait de Chuck Blazer, ses déguisements et son Hummer, dans le SO FOOT #127, en kiosque

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Par Thomas Pitrel

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