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  • Le jour où
  • 4 mars 1995

Le jour où Andy Cole a inscrit le premier quintuplé en Premier League

Par Romain Duchâteau
7 minutes
Le jour où Andy Cole a inscrit le premier quintuplé en Premier League

Il y a 21 ans jour pour jour, Manchester United infligeait une fessée historique à Ipswich Town (9-0). Au-delà du score fleuve, le match reste ancré dans toutes les mémoires pour la prestation ébouriffante d’Andy Cole. Auteur d’un quintuplé ce jour-là, l’attaquant anglais devenait le premier joueur à réaliser pareille performance dans l’histoire de la Premier League. Récit.

Jusqu’au bout, la mythique tribune Stretford End de l’écrin d’Old Trafford a cru qu’elle n’allait jamais pouvoir reprendre son souffle. Ce 4 mars 1995, devenu un souvenir glorieux pour les uns ou un cauchemar impérissable pour d’autres, Manchester United frappe une première fois contre Ipswich Town. Puis deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Et enfin neuf fois pour parachever une performance presque irréelle. De cette valse collective exécutée avec maestria découle une prestation individuelle hors du commun, saluée comme il se doit par ce chant repris à l’unisson : « Andy, Andy Cole, He gets the ball and scores a goal » . Ce jour-là, l’attaquant anglais, qui a rejoint les Red Devils deux mois plus tôt, signe le premier et seul quintuplé de sa carrière. Le premier, aussi, dans l’histoire de la Premier League. « Je suis vraiment fier d’être devenu le premier joueur à inscrire cinq buts en Premier League, s’épanchait-il l’an dernier, au moment de revenir sur cette prouesse. Mais mes souvenirs à propos de mes buts sont plutôt flous. Les gens viennent tout le temps me voir et me demandent si je m’en souviens. Ils ont des souvenirs beaucoup plus précis que moi. Je n’ai jamais été le genre de gars qui aime revoir ses buts » . Si le retraité a désormais la mémoire qui flanche, on veut bien conter pour lui ce moment mémorable.

Goal machine à Newcastle et débuts poussifs à MU

Avant ce fait d’armes qui lancera définitivement son aventure avec Manchester United, Andrew Cole a tracé les premiers contours de son parcours loin du Théâtre des Rêves. Né à Nottingham, il a été formé à Arsenal où il n’a jamais eu la chance de s’exprimer sous les ordres de George Graham. En quête d’épanouissement, le jeune Anglais rejoint donc Bristol City et la Football League Second Division (ancienne 3e division anglaise). Là-bas, il claque but sur but et éveille la curiosité de Kevin Keegan, alors manager de Newcastle. En février 1993, les Magpies lâchent un peu moins de deux millions de livres pour s’attacher ses services (record du club à l’époque, ndlr). Dans la foulée de l’accession de l’équipe en Premier League, Andy s’acclimate sans sourciller. Et se transforme même en goal machine. Au terme de l’exercice 1993-1993, il truste le classement des buteurs avec 34 réalisations en championnat (record sur une saison encore détenu avec Shearer, ndlr) et forme une paire redoutable aux côtés de Peter Beardsley. Au total, en un an et demi à Newcastle, il enfile 68 pions en 84 matchs toutes compétitions confondues. Même si le club du Nord-Est du Royaume fait bonne figure en PL, il devient vite trop petit pour celui qui a été élu Young Player of the Year. Encore plus quand Manchester United vient vous faire la cour.

« Keegan avait longtemps hésité avant d’accepter l’offre en janvier 1995(environ 7 millions de livres, record pour un joueur anglais à l’époque, ndlr). Parce que c’était « Mister Goal » pour nous et que ses statistiques étaient exceptionnelles. Lors des six mois passés avec lui, j’ai rarement vu un attaquant avec un sens du but aussi aigu » , confie Philippe Albert, défenseur central belge et coéquipier de Cole pendant quelques mois chez les Magpies. « Il était très rapide, très fort dans le jeu de tête, adroit des pieds gauche et droit et pouvait jouer en pivot quand c’était nécessaire. Son départ nous a fait mal parce jusqu’en janvier, on figure parmi les meilleurs et lorsqu’il part, on termine la saison sixièmes. C’est la preuve qu’on avait perdu un attaquant de tout premier plan. » Un attaquant au fort potentiel, aussi. Et cela, Alex Ferguson l’a parfaitement perçu, lui qui a recruté Cole afin de suppléer les chevronnés Mark Hughes et Brian McClair. Mais si les chiffres tendent à laisser penser que les débuts sont encourageants (2 buts en 6 matchs de championnat), ils traduisent mal la réalité. Andy Cole se crée une ribambelle d’occasions, mais en convertit peu. Sa confiance s’étiole quelque peu au fil des matchs. « Cole était venu me voir et m’a dit : « Je ne comprends pas pourquoi je rate toutes ces opportunités. Je ne suis pas taillé pour ce club », relatait récemment Gary Pallister, coéquipier et proche de lui à United. Je lui ai répondu : « Tu auras ta chance, on sait que tu es un buteur. Tu vas y arriver. » »

« Le gardien d’Ipswich m’a présenté à sa femme comme l’homme qui a fait de sa vie un enfer »

« J’y ai réfléchi, et Pally n’était pas obligé de me dire ça. J’ai commencé à croire que j’étais mieux que juste bon. » Le déclic se produit donc le 4 mars 1995 lors de la réception d’Ipswich. Tenant du titre, United est engagé dans la course au titre avec le Blackburn de Kenny Daglish, leader avec trois points d’avance avant cette 31e journée. Quant aux Tractor Boys, qui avaient surpris leurs adversaires du jour à Portman Road en septembre 1994 (3-2), ils végètent dans la zone de relégation depuis octobre et ont tout du faire-valoir idéal. Andy Cole, qui ressent davantage de poids sur les épaules depuis la suspension de Cantona pour son geste fou à l’encontre d’un spectateur en janvier, voit là l’occasion de se relancer. Et au quart d’heure de jeu, par l’intermédiaire de Roy Keane, les Red Devils s’ouvrent la voie du succès. Huit minutes plus tard, c’est le récital de « Goal King Cole » qui débute sur un centre de Giggs bien coupé. Puis viennent ensuite un but plein de sang-froid après un retourné acrobatique de Hughes repoussé par la barre (36e), une tête dans le petit filet (52e), une frappe convertie en digne renard des surfaces qu’il est (57e) et, enfin, un dernier cachou claqué après un bel enchaînement en fin de rencontre (87e). Hughes, auteur d’un doublé, et Ince se joignent également à la fête dans ce qui reste une partie historique. United s’impose 9-0, soit le succès le plus large depuis 103 ans dans l’élite anglaise et le score le plus fleuve encore aujourd’hui dans l’histoire de la Premier League. « L’aspect le plus important de ce match a été la passion, la ferveur et les mouvements. C’était magnifique, se réjouissait d’ailleurs Fergie au terme de cet exploit. C’est le type de performance dont vous rêvez toujours, mais cela se produit seulement une ou deux fois dans une vie » .

Quid du ressenti personnel d’Andy Cole ? « On joue au haut niveau pour battre des records avec son équipe et pas juste pour soi, expliquait-il, plus de vingt ans après cette prestation de haute volée. Mais si vous y contribuez en marquant des buts, alors tant mieux. J’ai inscrit ces cinq buts et j’ai vu vraiment tout le monde heureux pour moi. Ils ont dû se dire qu’après tout le travail que j’avais fait, j’étais enfin récompensé. C’était super ! » Si l’Anglais refuse encore de tirer la couverture à lui, sa prouesse a marqué les esprits. À commencer par le gardien en face ce jour-là. Un certain Craig Forrest qui, après en avoir pris neuf dans le gosier, en reprendra sept à Old Trafford quelques années plus tard avec West Ham (7-1, avril 2000). « Il y a deux ans, j’étais en vacances à la Barbade avec ma famille et j’ai vu qu’un homme me regardait, racontait Cole en 2015. C’était Craig Forrest. Il m’a présenté à sa femme comme l’homme qui a fait de sa vie un enfer. C’était un gars sympa, mais un attaquant doit faire ce qu’il a à faire. »

Son job, le Red Devil s’évertuera à le faire du mieux qu’il peut jusqu’à la fin de saison. Mais son inefficacité (5 pions lors des 11 derniers matchs) sera invoquée comme l’une des raisons de la perte de la couronne de Manchester au profit des Rovers emmenés par Shearer et Sutton : « Les gens m’ont rendu coupable du championnat perdu à cause de mon manque d’efficacité. Un soir, tout allait bien, comme à Highfield Road où j’ai marqué un doublé (2-3 contre Coventry City, mai). Un autre soir, comme à Upton Park, tout allait mal et rien ne marchait (match nul 1-1 face à West Ham lors de la dernière journée et qui coûte le titre). J’étais très déçu, mais ça m’a mis en bonnes conditions pour les années suivantes. » Des moments exaltants qu’il a écrits aux côtés de Dwight Yorke, son alter ego de toujours arrivé en 1998, et qui ont fait de lui l’un des strikers les plus remarquables outre-Manche. Et le souffle encore plein de vigueur de la tribune Stretford End se charge encore, parfois, de nous le rappeler.

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Par Romain Duchâteau

Propos de Philippe Albert recueillis par RD, ceux d’Andy Cole extraits du Daily Post et du reportage Premier League Legends

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